Lorsqu'une équipe professionnelle est enfoncée dans la mélasse, on ne peut la blâmer de vendre de l'espoir. C'est une stratégie de marketing éprouvée. N'empêche qu'un problème survient lorsque ses dirigeants succombent eux-mêmes à la pensée magique.

La troïka à la tête du Canadien, Geoff Molson, Pierre Gauthier et Bob Gainey, semble désormais en être là. Le DG en a donné l'indication, lundi, à Tampa. Ses propos ont confirmé mes craintes. L'organisation paraît convaincue que la saison actuelle ne constitue qu'une malchance et qu'il suffira de peu pour retourner la situation.

«Tous les clubs peuvent se rétablir très rapidement, a dit Gauthier. Nous en avons d'ailleurs beaucoup discuté à l'intérieur (de l'organisation) au cours des dernières semaines: comment on peut rebondir rapidement d'une année difficile.

«Nous ne sommes pas encore à la fin de la saison et ce n'est pas tellement le temps de parler de ces choses-là. Mais nous pouvons faire très rapidement.»

Se déclarer optimiste en vue de l'avenir, c'est une chose. Après tout, Gauthier n'est tout de même pas pour nous annoncer des années de petite misère.

Mais en suggérant que la haute direction croit en «l'effet bungee», c'est-à-dire une spectaculaire remontée après avoir frôlé le fond du précipice, Gauthier a montré qu'il ne s'agit plus de marketing. Le Canadien croit au miracle.

Si Gauthier est si transparent, c'est manifestement parce qu'il a convaincu Geoff Molson de sa théorie. À moins d'être casse-cou, le vice-président d'une entreprise ne s'autorise pas une déclaration aussi significative sans la certitude que son président pense de la même façon.

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J'aimerais croire à ce scénario rose bonbon. Les succès du Canadien ont un effet rassembleur à Montréal. Le printemps est plus agréable lorsque l'équipe participe aux séries éliminatoires, ce qui ne sera pas le cas cette saison.

Le Québec a besoin d'institutions fortes et personne n'y gagne lorsque le Canadien perd ses repères et vogue à la dérive.

Cela dit, les assurances de Gauthier me laissent songeur. Oui, certaines équipes ont rebondi après une saison décevante. Les Sénateurs d'Ottawa en font aujourd'hui la preuve.

Mais ils représentent l'exception. Pensez aux Maple Leafs de Toronto, aux Islanders de New York, aux Blue Jackets de Columbus et aux Oilers d'Edmonton qui, saison après saison, connaissent l'échec.

Pourquoi le Canadien obtiendrait-il plus de succès que ces organisations? D'autant plus que les malheurs actuels sont plus imputables à la direction qu'aux joueurs.

Les paris sur le retour à la santé d'Andrei Markov et la relance de Scott Gomez n'ont pas rapporté. Et il a fallu attendre l'échange de Michael Cammalleri, entre deux périodes d'un match à Boston, avant que la direction reconnaisse que ses attaquants étaient collectivement trop petits.

Mais cela n'est rien comparativement à l'embauche de Randy Cunneyworth. Se mettre à dos, d'un seul coup, des partisans de toutes allégeances constitue du jamais vu dans l'histoire de l'équipe.

Au plan hockey, ce geste impulsif n'a entraîné aucune amélioration, bien au contraire. Lundi, Gauthier a pourtant assuré que ses joueurs étaient «fâchés» de leurs mauvais résultats.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça ne paraît pas sur la glace. Depuis plusieurs semaines, le Canadien joue de manière relâchée.

Aujourd'hui, Gauthier nous demande de croire que les auteurs de ces décisions sont capables de renverser la vapeur. Qu'ils sont suffisamment armés pour relever ce défi. Qu'ils ont un plan adéquat.

Possible que Geoff Molson et Pierre Gauthier connaissent tout simplement une mauvaise saison. Ça arrive au sein de plusieurs entreprises.

Mais habituellement, leurs dirigeants demeurent prudents en évoquant l'avenir. Ils savent combien il est difficile de redémarrer la machine.

Or, les propos de Gauthier traduisent plutôt une absence de doute. Comme s'il était certain qu'il aurait le dessus sur les autres DG qui voudront aussi améliorer leur équipe en vue de la saison prochaine. Qu'il réussira là où certains de ses collègues se casseront forcément la gueule, puisque le nombre d'équipes qualifiées pour les séries éliminatoires n'augmentera pas.

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Lorsqu'il était à la tête des Ducks d'Anaheim, Pierre Gauthier a travaillé pour l'entreprise Walt Disney.

Avec l'ancien président Michael Eisner comme mentor, il a appris une chose: ne pas confondre la magie faisant la renommée de l'entreprise avec une philosophie de gestion. J'espère qu'il n'a pas oublié.

Des paroles optimistes comme celles de Gauthier, lundi, ne suffiront pas pour relancer le Canadien. Il faudra surtout un flair décisionnel qu'on n'a pas vu cette saison. Voilà pourquoi le DG devrait attendre avant d'utiliser les mots «rebondir» et «rapidement» dans la même phrase.

Bonne chance, M. Béliveau

En août dernier, deux jours avant son 80e anniversaire, j'ai parlé longuement avec Jean Béliveau. Il se remettait de deux dures interventions liées à un anévrisme de l'aorte. Malgré tout, il conservait son enthousiasme.

«Mon moral est toujours resté fort, m'a-t-il dit. Ma carrière d'athlète m'a aidé à passer à travers ces maladies. J'ai appris depuis longtemps à composer avec de mauvaises périodes. Mais j'avoue que depuis une quinzaine d'années, j'en ai eu pas mal...»

Hier, on a appris qu'une autre épreuve était tombée sur son chemin. La nouvelle a parcouru le Québec à la vitesse de l'éclair, signe de l'affection et du respect dont il jouit toujours, plus de 40 ans après avoir mis fin à sa carrière de joueur.

Les bons souhaits de tous les Québécois vous accompagnent, M. Béliveau.

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Pierre Gauthier, le DG du Canadien, devrait attendre encore avant d'utilisr les mots «rebondir» et «rapidement» dans la même phrase.