Y pleut, y pleut plus, je vais au jardin finir de le bêcher, je reviens à la chronique quand il se met à pleuvoir, retourne au jardin quand c'est fini. La chronique, forcément, se ressentira de ce va-et-vient, d'autant plus que les chats s'en mêlent, ils me testent quand leur maîtresse est absente, surtout la dernière arrivée que l'on appelle La Fille, qui va me chercher des couleuvres et s'amuse follement de me voir courir après avec des gants de cuisine.

Voilà! Je la tiens, la démone, avec sa petite langue fourchuse, allez hop dehors, et toi, la niaiseuse, ne va pas la rechercher. Qu'est-ce que je disais? Je lisais, en fait. Précisément, je cherchais dans les Souvenirs pieux de Yourcenar le rapport qu'elle fait quelque part entre la beauté du monde et la santé du monde, je pensais avoir marqué la page, anyway, je crois qu'elle dit que ceux qui détruisent la beauté du monde détruisent aussi la santé du monde, je voulais faire le lien avec le titre de notre journal de jeudi: Pas de miracle dans le potager.

Que j'ai aimé ce titre. La veille, dans une émission consacrée à l'affolante dénutrition des vieux, un médecin a dit: incidemment, pourrait-on foutre la paix aux vieux avec ces régimes qui ne riment plus à rien quand tu dépasses 80 ans? Comme une soudaine poussée de bon sens printanier, qui n'a pas duré, bien sûr. Les gourous de l'alimentation ont vite repris le haut du pavé. Remonté au créneau pour défendre leur fonds de commerce.

On n'a jamais dit que les bananes prévenaient du cancer de la thyroïde. C'est vrai, tu n'as jamais dit ça. Mais combien de fois nous as-tu dit que le brocoli, les tomates prévenaient du cancer de ceci et de cela et le thé vert, et les épinards, et combien d'autres petits tours de magie potagère? Et sur quel ton. Et avec quel aplomb scientifique. Un jour, on va découvrir que c'est vrai, ce que tu disais: le chou est souverain contre le cancer de la prostate, mais on découvrira aussi que toutes les peurs que tu nous a faites d'attraper le cancer de la prostate ou celui du sein nous ont donné celui du côlon.

Tiens, c'est ça le lien avec Yourcenar, ceux qui font peur au monde avec le cancer le leur donnent.

Pas de miracle dans le potager, donc, non plus dans les livres sur une saine nutrition. Si j'ai compris ce que disent à peu près tous les spécialistes de la chose, un individu qui ne fume pas et qui fait de l'exercice régulièrement a fait 90% de ce qu'un humain peut humainement faire pour s'éviter d'attraper le cancer. Libre à lui de manger aussi du brocoli.

PÉRIPHÉRIE - Je vous ai déjà dit que le mot qui me dépeignait avec le plus de justesse est probablement périphérique, parce que je me retrouve très souvent à la périphérie des choses. Tout seul. Où sont donc passés les autres? Je m'en inquiète chaque fois. Dites-moi, docteur, je souffre de quoi exactement?

Robinson. Le Robinson. Résumons à toute vitesse. Il écrit (ou dessine, je ne sais trop) un truc qu'il se fait voler. Les voleurs sont condamnés. C'est l'histoire d'une incroyable saga juridique qui va durer des années et des années. Le héros, d'une formidable ténacité, finit par triompher des méchants très puissants. Yé, il a enfin gagné. Pas du tout. Cela rebondit à nouveau. Les méchants interjettent appel et notre héros, exsangue, risque de s'étouffer de sa victoire.

Nous voilà repartis pour un tour ou plusieurs tours et personne, absolument personne, pour se demander, après toutes ces années, cout'donc, c'est quoi le truc, déjà, qu'il s'est fait voler?

Est-ce bon? Est-ce nul?

Tous les gens à qui j'ai posé la question, dont quelques collègues, se sont aussitôt récriés: mais c'est pas la question. Ça n'a rien à voir. T'es complètement con.

Comment ça, rien à voir? Justement si, je veux le voir. D'abord par simple curiosité. Y'ont volé quoi, les voleurs?

La pietà d'Avignon ou un portrait de Toto à bicyclette? De la poutine ou du caviar?

Je comprends que cela ne fasse pas de différence pour la justice qui a à évaluer les dommages, qui a à défendre la propriété du petit qui se fait voler par des puissants, qui a à rétablir la vérité. Je trouve la justice admirable, mais moi, moi qui ne suis pas du tout admirable, moi qui suis un con périphérique, j'peux-tu le savoir, si c'est de la poutine ou du caviar?

LE PARKING - Je suis allé voir un match de basket l'autre soir. En quarts de finale de je ne sais pas trop quoi au juste, les Lions du Collège de Montréal affrontaient les Dragons de l'école secondaire Jeanne-Mance. Les Dragons! Des filles! Ma petite-fille, qui est plutôt grande, joue pour les Lions. J'étais assis sur un banc à côté de deux jeunes garçons noirs venus encourager leur soeur, qui, elle, jouait pour les Dragons...

Vous êtes le grand-père de la numéro 25, monsieur?

Comment t'as deviné?

Vous me donnez des coups de genou et des coups de coude quand elle a le ballon, une chance qu'elle ne l'a pas souvent! Vous avez joué au basket quand vous étiez jeune, monsieur?

Non, moi, je suis un joueur de curling.

De curling?????

Il s'est écarté de moi comme si je venais de lui dire que j'avais une maladie qui s'attrapait.

Pour parler un peu du match... Il reste 30 secondes à jouer, c'est 32-32, t'es debout, tu cries, shoote, attention, mais non, nounoune, pas ça, ah fuck. On s'en va en supplémentaire. Puis en deuxième supplémentaire. Puis en troisième supplémentaire. Rendu là, c'est la finale de la Coupe du monde. Je pensais à la petite mort de celles qui allaient perdre. Pourvu que ce soit pas elle, que ce soit pas trop plate dans l'auto.

Ouf, les Lions ont finalement gagné. Je suis allé la féliciter. Je t'attends ici?

Non, attends-moi dans le parking, grand-papa.

LE PRINTEMPS - Vous savez sans doute que trois femmes, Naoko, Dorothy et Stephanie, font partie de l'équipage de la navette Discovery en route pour s'arrimer à la Station spatiale internationale, où les attend une autre femme, Tracy. Elles seront quatre femmes en même temps à la Station spatiale. Il y en a qui disent, des machos sûrement, dénonçons-les, y'en a qui disent que ça tombe drôlement bien pour faire le grand ménage du printemps.