Vous savez, la pub de CKAC? Cette joueuse de tennis prise de dos au moment où elle va chercher une balle sous sa robe? Ce faisant, elle découvre une fesse moulée dans une culotte de coton blanc. La robe est noire, la fille est blonde... À l'évidence, c'est un mannequin -j'imagine mal une joueuse de tennis, pas même cette Russe dont j'oublie le nom, avoir la fesse aussi émouvante (1).

Eh bien, je voulais dire que cette photo d'une fesse dans une culotte Petit Bateau, il y a deux pays au monde où ça pose un problème. Même pas deux pays, deux provinces: le Québec et le Béloutchistan, aux confins de l'Iran, du Pakistan et de l'Afghanistan.

J'ai entendu un chroniqueur sportif de Radio-Canada traiter ses collègues de CKAC de Cro-Magnon tandis que, en arrière, on entendait défaillir de reconnaissance émue la madame Météo de service: merci, Robert.

Une légende accompagne la photo: on a tout ce qu'il faut pour vous faire oublier le hockey. Tout ce qu'il faut? Le corps de la Fâme.

Cela semble avoir échappé à Robert: après les années «charia» du féminisme, le corps de la Fâme a fait un retour triomphant dans la pub, pour revendre des chars comme avant, des lunettes de soleil, des portables, des iPad et... Roland-Garros. Même que, jouant cette fois sur le second degré -très précisément sur l'idée que la porno très soft, en devenant kitsch, n'effarouche plus que quelques journalistes sportifs et quelques madames Météo-, le corps de la Fâme, disais-je, n'en a jamais montré autant.

Pas seulement dans la pub. Dans la réalité. Avez-vous vu jouer Venus Williams à Roland-Garros, cette année, dans sa fameuse robe de dentelle? Je ne sais pas comment nommer ce qu'elle portait dessous -un cuissard chair très court, me souffle-t-on, et si ajusté qu'à chaque service elle nous montrait carrément son cul.

Toutes les télés du monde, y compris Radio-Canada, s'y sont attardées. Pas un mot dans Landerneau. Quand c'est la Fâme elle-même qui marchandise son corps en portant les improbables guenilles d'un designer célèbre qui doit lui verser pour cela un demi-million de dollars par année, c'est correct. Des stéréotypes? Ne me faites pas rire.

Plus que jamais, tout est marchandise et stéréotypes. La pub qui nous submerge, qui nous déculture surtout, et nous mène même aux urnes, la pub n'est rien d'autre que cela: de la marchandise et des stéréotypes. C'est quand même curieux qu'il faille un cul pour que ça vous saute enfin dans la face et que vous vous en inquiétiez, mais pour la mauvaise raison: la petite morale bungalow 450.

BRIOCHE ET POUTINE - J'aimais trois trucs à Granby. Ces lunchs avec mon chum Gobeil, que l'on prenait deux ou trois fois par année Chez Plumet et que l'on étirait jusque dans l'après-midi, à nous rappeler mille folies. J'entends son rire. Gobeil est mort, cela fait déjà un an. Ne reste plus que deux trucs que j'aime à Granby: la boulangerie Pain-Pain et, surtout, la pâtisserie Tartes et Clafoutis, une pâtisserie comme il n'y en a même pas à Montréal.

Il est vrai que Montréal -où l'on fait pourtant le meilleur pain du monde- est curieusement un grand désert pour les pâtisseries. Bref, les brioches au beurre de Tartes et Clafoutis (les grosses) sont presque aussi bonnes que celles d'Ô Gâterie, rue Saint-Charles à Longueuil. Mais je n'étais pas parti pour vous parler de gâteaux.

De quoi donc? Ah! oui: de motos. Saviez-vous que les motocyclistes, les mototouristes surtout, qui sillonnent la campagne le week-end ont décidé de boycotter Granby, où les policiers de la ville leur font de la misère, paraît-il? Imaginez-vous donc que les policiers de Granby font respecter la réglementation sur le bruit et sur la vitesse, mais surtout sur le bruit. Non mais, de quoi se mêlent-ils? Les citoyens n'en pouvaient plus des pétarades.

Ils ont demandé au maire de passer un règlement sur le bruit, pas seulement sur celui des motos. Cela a été fait, ce qui, en soi, est assez incroyable. Vous en connaissez beaucoup, des maires qui prennent le parti des citoyens contre le bruit? Et voilà maintenant que les policiers font respecter le règlement. C'est fou, non? Où s'en va-t-on? Bref, les mototouristes boycottent Granby. Grand bien fasse aux Granbyens. (C'est un jeu de mots. On nomme les habitants de Granby les Granbyens, qu'il faut prononcer grand-bien.

Cela donne «grand-bien aux grand-bien». Qu'est-ce que je peux être drôle, des fois.) Je n'ai rien contre les motos. Mon voisinage s'en irrite beaucoup plus que moi. Pour mes tours de vélo, je sais sur quelles routes ne pas les rencontrer le samedi et le dimanche.

Il reste des trucs qui m'énarvent parfois. L'autre samedi, j'allais chercher La Presse au dépanneur, ils étaient 27 dans le parking de l'hôtel de ville. Ils auraient pu éteindre leur moteur, non? Question plus personnelle: c'tu obligé que vous soyez toujours 27? En tout cas, je voulais vous dire, si vous voulez boycotter mon coin, tant pis, c'est pas grave, je comprendrai. Les Laurentides sont tellement, mais tellement plus belles!

La brioche est bonne à Granby, c'est vrai, mais la poutine est tellement, mais tellement meilleure à Saint-Lin. (1) Pour la petite histoire, c'est bien la Russe Anna Kournikova qui a inspiré cette annonce, une création de l'agence LG2, mais c'est une danseuse de ballet-jazz qui a prêté sa fesse.