Vous vous rappelez cette chronique sur l'aéroport de Saint-Hubert et sur les tondeuses à gazon volantes des écoles de pilotage qui survolent le Vieux-Saint-Hubert toutes les 40 secondes, du matin au soir, tous les jours, le samedi et le dimanche aussi?

Après la chronique, la discussion est partie dans toutes les directions. Pilotage, développement, économie, écologie. Écologie? Je ne suis pas écolo du tout. Mon dada, c'est le vivre-ensemble qui, au-delà des règlements et des lois, est affaire de sensibilité. Ou plutôt d'insensibilité. Vous n'en avez rien à foutre, de Saint-Hubert, n'est-ce pas? Je comprends, vous habitez Laval, ou La Tuque, c'est loin.

Laissez-moi vous expliquer une dernière fois. Pourquoi? Parce que ça s'en vient aussi à Laval et à La Tuque. Pas des tondeuses à gazon volantes. Vous avez entendu parler du gaz de schiste? (Voir les articles de Charles Côté)

Reprenons au tout début. Vous arrivez chez vous, les voleurs viennent de passer. Ils vous ont pris votre chaîne stéréo, vos CD, vos tableaux, votre vélo à 4000$, vous appelez la police, les assurances, un mois plus tard vous n'y pensez plus.

Mais voilà maintenant qu'on vole votre bien le plus précieux, qui n'est pas votre chaîne stéréo, ni votre bécyk. Votre bien le plus précieux, après la santé, après vos enfants (parfois avant), c'est votre tranquillité, votre sérénité, cet espace sacré où vous vous retirez tous les jours, votre maison, votre cour. Or voilà que cet espace sacré est envahi par une présence monstrueuse qui bouche votre horizon, une éolienne. Une cheminée couronnée d'une torchère qui brûle jour et nuit en empestant le gaz. Ou envahi par un bruit, celui d'une tondeuse à gazon qui pétarade toute la journée, TOUTE LA JOURNÉE, au-dessus de votre maison. Ou le perpétuel ronronnement du moteur d'une génératrice qui fait fonctionner la station de pompage voisine.

Puisque vous comprenez toujours mieux avec des chiffres: votre maison qui valait 400 000$ n'en vaut plus que la moitié, vous venez de vous faire voler 200 000$; mais pour ce vol-là, aucune assurance. Excusez la brutalité de l'image, vous venez de vous faire enculer pas de vaseline ni rien, et tout le monde s'en fout.

Je repense à cette dame, directrice d'une des écoles de pilotage, qui est allée dire aux citoyens de Saint-Hubert: pour vous montrer ma bonne volonté, on finira plus tôt à la Saint-Jean-Baptiste. Même pas «on ne volera pas»: on finira plus tôt. Je parlais d'insensibilité. On a ici le doigt sur quelque chose de communiste, sur ce qu'il y avait de pire dans le communisme: écoeurer le peuple au nom du peuple. Vous dites? Que c'était au profit de l'État? Qu'est-ce que vous croyez, c'est encore au profit de l'État, du moins au nom de la religion de l'État: l'économie.

Quand, au nom d'une soi-disant vision à long terme, les gouvernements continuent d'ignorer la détresse actuelle de citoyens violés au plus sensible de leur quotidienneté, c'est du communisme. Quand madame Normandeau (la ministre des Ressources naturelles) presse les sociétés minières de se lancer sans tarder dans l'exploitation du gaz de schiste, non seulement elle se crisse de la détresse des citoyens, mais il y a dans sa hâte intempestive la volonté de les fourrer, sinon les fourrer, les devancer: vite, vite presse-t-elle les sociétés minières, vite avant que les citoyens aient le temps de se mobiliser.

Ce sera la prochaine peste à s'abattre sur le Québec: le gaz de schiste. On parle de mille puits. Mille. Mettons 100 personnes plus ou moins dérangées par chaque forage, cela fait 100 000 citoyens concernés. Vous allez en entendre beaucoup parler dans les mois et les années à venir. Sinon l'exploitation comme telle, l'exploration est déjà commencée, notamment à Saint-Marc-sur-le Richelieu et au nord de Saint-Hyacinthe, Saint-Barnabé, Saint-Thomas d'Aquin, Saint-Jude. Je vous répète que ce n'est pas un écolo qui parle. La contamination des nappes phréatiques, ça ne m'empêche pas de dormir.

Je vous parle de votre bien le plus précieux: votre tranquillité. Je vous parle aussi de gros sous, de dévaluation de votre propriété. Je vous parle d'une dame dans un des villages que je viens de citer qui est allée voir le représentant de la société minière qui explore la région et lui a dit bonjour monsieur, en anglais parce que ces gens-là ne parlent qu'anglais, ils viennent directement de l'Alberta, voire d'aussi loin que l'Australie, excusez-moi, monsieur, lui a dit la dame en anglais, qui va payer pour la dévaluation de ma propriété?

Qu'est-ce qui vous fait croire que votre propriété sera dévaluée? lui a répondu le monsieur.

Plein de choses, a dit la dame. Le bruit des moteurs des génératrices. Les camions qui passent mille fois dans la journée. La torchère qui brûle nuit et jour. L'odeur...

De quoi vous plaignez-vous, a répondu le monsieur, on vous apporte la richesse.

En attendant la richesse, dans le très beau village de cette dame, les agents immobiliers se plaignent déjà de la stagnation du marché. Les maisons ne se vendent plus, ou mal ou moins chères. Déjà des ventes ratées. La faute à qui? Mais non, pas la faute de la société minière. Vous n'avez rien compris. La faute aux citoyens qui ont planté dans leur parterre des petites pancartes rouges et jaunes qui disent: «Non au gaz de schiste».

Fallait pas le dire, nonos, ce n'est pas bon pour les affaires.

Parlant d'affaires, quelqu'un - pourquoi pas Mme Normandeau -, quelqu'un pour répondre à la dame qui se demande qui va payer pour la dévaluation de sa propriété? Ce gaz de schiste qui va soi-disant enrichir toute la province, pourquoi devrait-il lui coûter, à elle, 200 000$?

Pourquoi elle, madame la ministre?

(1) Voir les articles de Charles Côté sur cyberpresse.ca/schiste