Vous voulez que je vous explique WikiLeaks?

Souvenez-vous, il y a de cela un certain temps déjà, vous m'avez parlé de votre beau-frère. Non, mais quel abruti, disiez-vous.

Un mois plus tard, vous me le présentez et moi, innocemment, en lui serrant la main: C'est lui, l'abruti dont tu me parlais l'autre jour?

Vous vous rappelez comme vous étiez fâché?

Alors moi, innocemment toujours: Pourquoi tu te fâches? Tu me l'as dit ou pas?

Alors vous: J'ai dit cela comme ça, ce n'était pas à répéter.

Alors moi: C'est un abruti ou pas?

Alors vous: Un peu, mais pas tant que ça! Il est plutôt gentil, tu lui as fait de la peine pour rien, comment vais-je faire, maintenant, pour réparer ça?

J'ai trouvé WikiLeaks jubilatoire, au début. L'hypocrisie des grands de ce monde démasquée. Ce que les États-Unis pensent vraiment de leurs «alliés», la version pour adultes. Cet ancien patron des services secrets canadiens qui confie à un conseiller du département d'État des États-Unis que les Canadiens sont des abrutis. Les vraies affaires, quoi. Le vrai discours, la vraie vie telle qu'on l'entend quand on écoute aux portes. Les égouts que cache la diplomatie.

Et puis j'ai repensé à votre beau-frère, la peine qu'il a eue, l'embarras dans lequel mon intempestive intervention vous a plongé. Finalement, ce n'est pas si amusant que ça, WikiLeaks.

Bien sûr, l'hypocrisie de la diplomatie. Comme l'hypocrisie de la politesse. J'ai été ravi de vous rencontrer, madame. Probablement que vous n'êtes pas ravi du tout. La politesse est affaire de conventions, de niveaux de langage, elle commande un comportement qui ne se réclame d'aucune vérité vraie, elle évite seulement que nous passions notre temps à nous étriper.

La diplomatie, qui est la politesse des nations, c'est pareil. Elle n'a jamais prétendu à autre chose qu'à réguler les rapports entre les nations. Ça prend des formes, des retenues et des tas de conventions. Cela n'empêchera pas le consul de la Papouasie de confier à sa femme qu'il en a marre d'être à Montréal, d'ajouter que c'est un pays de merde et qu'il a hâte d'être nommé à Monaco. Si sa femme en fait l'objet d'un courriel - Charles en a plein le cul du Québec - et que ce courriel est intercepté, les journaux titreront: «Les Papous nous haïssent».

C'est ça, WikiLeaks: au début, c'est drôle, pis très vite ça dérape.

LA CORRUPTION - J'aimerais tellement être excité comme vous l'êtes en ce moment par tout ce qui se passe. Parce que vous êtes excités, je ne me trompe pas? Vous attendez des révélations, des noms, des renversements, des démissions, des emprisonnements, des événements, quoi.

Quelle vie trépidante vous menez entre deux enveloppes brunes. Moi, pendant ce temps, je me sens... Comment dire? Pas là. C'est ça, je suis pas là. Oui, oui, la corruption. Soit on ne s'en occupe pas et elle pourrit tout. Soit on s'en occupe et on découvre alors qu'il y en a partout, partout, partout, partout, partout, partout, partout. Remarquez comme on dérive tout doucement, comme on est passé des grandes organisations mafieuses au simple citoyen: tenez, docteur, 2000$, j'ai mal ici, pouvez m'opérer?

J'ai peur de la corruption, mais plus encore de son fantasme. De son tumulte. Des dénonciateurs. Je veux bien la justice, mais si vous saviez comme j'ai peur des justiciers.

LE TRIOMPHE - Récapitulons. Lundi, le Parti québécois l'a emporté dans une circonscription où il n'a pas fait élire de député depuis 25 ans. Non seulement ne l'avait-il pas emporté aux dernières élections, mais, comme aux précédentes (2007), le PQ avait terminé troisième dans Kamouraska, derrière les adéquistes. Une circonscription surtout où, cette année, le père Noël s'appelle Jean Charest. Une circonscription représentée par Claude Béchard, mort il n'y a pas trois mois, auquel on a fait des obsèques quasi nationales et dont les nombreux amis libéraux se sont employés très fort à transformer la mémoire en panégyrique.

Une circonscription où, pour cette élection partielle, la prestigieuse candidate libérale affrontait un nobody.

Tout cela mis ensemble, il me semble que cela donne une très, très grosse victoire au PQ, non? Qu'avez-vous presque tous à ergoter, à renâcler, à atermoyer, à chipoter, à dire que le PQ l'a emporté de justesse par moins de 200 voix? Eût-il perdu par 200 voix que c'eût été le même considérable triomphe.

Je veux bien qu'on se dépêche d'ajouter que cela n'annonce pas forcément un raz-de-marée péquiste aux prochaines élections - j'ai dit l'autre jour que je crois à une répétition de 2007, l'heure de gloire de Mario Dumont. Mais là, tout de suite, ça vous arrache la gueule à ce point-là de reconnaître que les péquistes en ont remporté une belle?

PAROLES ET MUSIQUE - Vous êtes paroles ou musique, vous? Moi, paroles. La musique, je l'entends quand elle est nulle, comme dans la plupart des chansons françaises - les vieux disques de Ferré sont musicalement effrayants. Je l'entends aussi quand elle est belle, mais ça me prend beaucoup, beaucoup plus de temps. Martin Léon, par exemple. Tout est musique dans Martin Léon, les paroles aussi. Il ne faut pas chercher le sens, il faut se laisser faire. Sauf que ce n'est pas mon genre de me laisser faire. Pour son dernier, Les atomes, je ne me laisse pas faire du tout! C'est exactement ce que je disais de l'autre avant - Le facteur vent - quand il est sorti il y a deux ans. Pourtant, aujourd'hui, je trouve que des tounes comme Le phalène et L'exil sont des chansons d'amour presque aussi belles que Tu m'aimes-tu, qui est la plus belle chanson d'amour de toujours.

Bref, je suis toujours en retard d'un Martin Léon.