Il a neigé toute la nuit. Une neige très lourde, mouillée, collante. Deux ou trois degrés de plus, c'eût été de la pluie. Dieu sait que j'eusse applaudi à de la pluie. Juste pour dire comme ce pays ne sait plus où est sa tête, où est son cul, on a même entendu le tonnerre, il y a eu des éclairs comme dans un orage au mois d'août.

Le lendemain matin, il y avait dans ma cour 35 cm de cette neige lourde et fondante mais qui ne fondrait pas. Il me fallait l'enlever. Oui, j'ai une souffleuse, mais elle ne monte pas sur les toits - ni sur celui de la maison ni sur ceux de la grange et du garage. Elle ne va pas sur les galeries. Elle ne passe pas dans les entrées trop raboteuses du garage et de la remise à bois.

J'ai pris ma pelle moyenne. Celle qui fait 16 po d'empattement. J'ai levé une première pelletée, j'ai calculé 6 kg par pelletée, 6 pelletées à la minute, 3 heures pour les toits, les galeries, les entrées... Calculez, cela fait 1000 pelletées, 6000 kg. Six tonnes de neige déplacée.

Plus une heure et demie de souffleuse.

La nuit tombait quand j'ai eu tout terminé. Je me suis endormi en écoutant le Super Bowl. C'était dimanche, donc. Je ne suis pas allé courir. Je n'ai pas écouté le Super Bowl. Je n'ai pas lu. Je n'ai pas écrit.

Trois jours avant, mercredi, il en était tombé 40 cm.

Aujourd'hui, lundi, tandis que je vous écris, il neige un petit peu.

J'essaie de me raconter que j'habite une banlieue effarée, la tour F, appartement 1123, place Maurice-Thorez, à Sainte-Mouise-le-Petit. Aimerais-tu mieux cela, Foglia, la tour F, le cagibi 1123 à Sainte-Mouise-le-Petit? Des graffitis dans l'entrée, Allah est grand, les seins de la moukère sont tout petits. Préférerais-tu ça à ta banquise? La place est éclairée de lampadaires imitation lampe à pétrole. Des Africains sortent de la galerie marchande voisine. C'est ça que tu veux?

Quel temps y fait, là-bas?

Y pleut.

Tu me tentes.

LA TOLÉRANCE Disons que je serais un père de famille dans la quarantaine et que j'aurais des enfants qui feraient du ski acrobatique. Ici, il faut que je fasse très attention à ce que vais dire. Je cherche une image juste. O.K., je l'ai.

Vous savez comment sont les parents quand ils découvrent que leur fils est gai? J'entends un bon parent, un bon papa, pas un tata homophobe, pas le genre qui crierait mon crisse de fif, j'veux plus te voir chez nous. Non. Le genre posé, réfléchi. Qui dirait: c'est correct, mon fils, je te prends comme tu es, je t'aime anyway, tu peux venir avec ton chum à la maison, tu même peux dormir avec. Une affaire, par exemple: ne vous embrassez jamais devant moi.

Je serais ce papa-là. Très tolérant mais ferme sur les limites de la décence à ne pas franchir.

Eh bien, je serais exactement ce même genre de papa avec mes enfants qui feraient du ski acrobatique. J'applaudirais à leurs médailles même si, tout au fond de moi, je penserais que c'est bien la moindre des choses vu qu'ils sont à peu près 88 à pratiquer ce sport-là dans le monde, dont 87 au Canada. Je resterais positif, je leur dirais: c'est pas grave si c'est pas vraiment du sport, au moins, ça vous fait jouer dehors. Une affaire, par exemple: gagnez toutes les médailles que vous voulez, accrochez-les où vous voulez (sauf dans le salon), dormez avec, mais que je ne vous voie jamais - vous m'entendez? ja-mais - photographiés dans le journal, debout sur un podium en train de mordre votre médaille comme ce Bororo qu'un anthropologue avait ramené d'Amazonie et qui, rendu au restaurant, à Londres, s'était mis à mordre son assiette avant qu'on ait eu le temps de mettre quelque chose dedans. Ja-mais, c'est clair?

Je serais ce papa-là. Tolérant mais ferme sur les limites de la décence à ne pas franchir.

Et ce matin, lundi, j'ouvrirais mon journal en commençant comme d'habitude par la section des sports. Je tomberais sur la photo de la page 7. Je décrocherais le téléphone.

C'est toi, papa?

Oui, c'est moi, calvaire. Qu'est-ce que je vous ai dit?

LE MENTEUR QUI DIT VRAI Vous aimez le vélo. Vous n'aimez pas particulièrement le vélo, mais vous aimez le sport. La question du dopage vous intéresse. Vous aimez Lance Armstrong. Vous n'aimez pas Lance Armstrong. Vous vous êtes toujours demandé c'était quoi au juste, cette bibite-là. Vous pensez qu'il s'est dopé toute sa carrière. Vous pensez que non. Ce sont toutes d'excellentes raisons de lire l'entrevue que Floyd Landis a accordée il y a quelques jours à un journaliste irlandais ancien coureur de vélo, Paul Kimmage. Une entrevue de plus de sept heures que vous trouverez sur le site de NY Velocity.

Une entrevue qui figure dans le top 10 de mes lectures sportives à vie. Excusez la trivialité du cliché: du bonbon. Pour mémoire, Floyd Landis a gagné le Tour de France 2006 avant d'être accusé de dopage. S'est défendu avec hargne pendant presque quatre ans, a traîné en cour et dans la boue ceux qui l'accusaient (dont «notre» Christiane Ayotte), a écrit un livre pour proclamer son innocence... pour finalement reconnaître l'an dernier qu'il se dope à la planche depuis 2002.

C'est donc un redoutable menteur qui parle. Pourtant, on le croit! Enfin, moi, pour l'essentiel, je le crois. Pourquoi? Je vais vous faire frémir: parce que, cette fois, il dit le pire.