Difficile à suivre, notre ami Ryder Hesjedal. Il est arrivé au Tour - son quatrième, mais son premier comme leader -, il est arrivé au Tour tout auréolé de sa septième place de l'an dernier. Préparation spéciale, pas de Tour d'Italie, en demi-teinte au Tour de Californie, pas de Dauphiné, le Tour de Suisse comme font les favoris du Tour, bref voilà notre Ryder quasiment chez les grands.

Et c'est le désastre en partant, pris dans la même chute que Contador dans la première étape. Désastre, j'exagère. Disons deux semaines de petite misère à se faire larguer dès que ça chauffe un peu. Encore dimanche dernier, la veille du jour de repos, sur une étape de plat, il finit à une minute et demie du peloton! Pourquoi? Fouille-moi.

Malade? Épuisé? On ne donnait pas cher de sa peau dans les Alpes. Il avait pourtant prévenu: Ne m'attendez pas avant la troisième semaine du Tour. Je suis ce genre de coureur, je vais à l'envers des autres, qui s'épuisent avec le temps. Moi, il me faut du temps pour arriver au top. Rappelez-vous: la troisième semaine.

La troisième semaine du Tour commençait hier, et qui a animé l'échappée? Qui a fait la course? Qui était le plus fort dans le col de Manse? Et, surtout, qui a offert sur un plateau la victoire d'étape à son coéquipier Thor Hushovd?

Tadam! Notre Ryder Hesjedal.

Vous allez peut-être me demander pourquoi il ne l'a pas gardée pour lui, cette victoire.

Louis Bertrand ne vous a donc pas expliqué? Je suis sûr que si. Mais vous devez être de ceux qui comprennent mieux quand on leur explique longtemps.

Voici: ils sont trois, à la fin, dans la montée du col de Manse et dans les 10 km de descente vers Gap. Deux de Garmin, Hesjedal et Hushovd. L'autre, c'est Boasson Hagen, de la Sky. Norvégien comme Hushovd, 23 ans, un surdoué, gros rouleur, bon sprinter. La seule chance d'Hesjedal, c'est d'attaquer; c'est ce qu'il fait. Soit Hagen laisser filer le Canadien vers la victoire, soit il fait l'effort de revenir sur lui. Comme prévu, le jeune Norvégien revient sur Hesjedal. Mais avec Hushovd dans sa roue. Hushovd qui le fusille facilement au sprint.

La victoire ne pouvait pas échapper aux Garmin.

Mais, allez-vous encore me demander, qu'est-ce que Hushovd est allé foutre dans cette échappée, si Hesjedal y était déjà? Ah. La réponse, c'est Boasson Hagen. Un mano-a-mano Hagen-Hesjedal, sur ce genre de terrain, Hagen gagne à tous les coups. Le coach de la Garmin a bien joué ses cartes.

Et voilà cette Garmin qui n'avait jamais rien gagné dans le Tour avec déjà quatre victoires d'étape et neuf jours de maillot jaune.

Aujourd'hui, étape difficile, mais pas monstrueuse comme les deux suivantes. Étape italienne, tout à fait dans les cordes de Ryder Hesjedal. Mais je le vois plutôt se montrer jeudi, dans la grande étape alpestre, tenter de répéter son exploit de l'an dernier, quand il avait terminé quatrième en haut du Tourmalet.

À moins que son directeur ne le mette au service de Danielson, le mieux placé de la Garmin pour finir dans le top 10. Ce qui serait, à mon humble avis, une erreur. Si Hesjedal a les jambes, je l'enverrais faire un numéro dans le Galibier.

Parlant de numéro, notre héros Contador s'est réveillé, les Schlick-Schlack ont coincé, mais c'est Cadel Evans qui rigole comme un fou. C'est lui, le grand gagnant de la journée d'hier - c'est probablement lui qui va gagner le Tour.