Vous connaissez Kevin Bazinet, vous? Ou Banizet? Ou Bassinette? Moi, pas du tout. Paraît que c'est un chanteur canadien, peut-être même Québécois...

Je suis à Saint-Céré, petite ville bourgeoise -et même un peu péteuse- traversée par la Bave, une rivière tumultueuse qu'enjambent quelques jolis ponts de pierre. On n'est pas loin du gouffre de Padirac, dans le coin des châteaux, Castelneau, Saint-Laurent-des-Tours, pas très loin non plus de Rocamadour.

Alizée, 16 ans, habite Saint-Céré. À 12 ans, elle est tombée follement amoureuse de Kevin Bazinet, ou Banizet, ou Bassinette. Elle en parlait dans son blogue.

Son prénom ne le dit pas, mais Jocelyne, 15 ans, est une petite chinoise adoptée à 6 mois par un couple de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud, c'est entre Québec et Montmagny. Quand elle avait 12 ans, Jocelyne est devenue, elle aussi, une fan finie de Kevin Bazinet. Banizet. Bassinnette. Et elle est tombée sur le blogue d'Alizée. Jocelyne et Alizée sont devenues les deux plus grandes amies du monde.

Jocelyne vient de passer 15 jours à Saint-Céré. Je suis tombé sur leur souper d'adieu à l'hôtel-restaurant le Victor Hugo. Entrevue complètement ratée. Je ne leur ai pas posé une seule question pertinente, ni, je le crains, intelligente. Que des questions de mononcle. Tout juste si je ne leur ai pas demandé ce qu'elles aimaient le moins à l'école. En fait, j'ai honte, je le leur ai demandé. Qu'aimez-vous le moins à l'école, Alizée?

J'insistais sur la surprise de leur rencontre en vrai. Qu'est-ce tu veux dire, pépé, en vrai? Quatre ans qu'elles se parlent, se voient tous les jours, MSN, webcam, photos, vidéo, Facebook, c'est pas vrai, tu penses?

J'insistais sur le choc culturel, pis la France Jocelyne?... Sont pas en France, imbécile, sont sur la planère ado.

On n'imagine pas comme ces entrevues, où il ne se passe rien par ma propre faute, par mon incapacité à saisir la modernité des choses, me tuent.

Vincent Van Gogh dans une lettre à sa soeur: De ces jours-ci je travaille beaucoup et vite; ainsi faisant je cherche à exprimer le passage désespérément rapide des choses dans la vie moderne. Hier dans la pluie j'ai peint un grand paysage où l'on aperçoit des champs à perte de vue...

Un chroniqueur que je connais à ses lecteurs : ces jours-ci je travaille peu et lentement, hier, dans la pluie, j'ai peint le désert que je porte à perte de vue.

Il pleut. Et on gèle. Le vélo est dans l'auto.

La veille, j'étais à Guéret dans la Creuse, une petite ville grise, recroquevillée sur elle-même. Rien à faire que de regarder le Tour de France à la télé en coupant le son pour ne pas devenir fou. C'est la première fois depuis un mois que je m'emmerde un peu. Je suis à l'hôtel Pommeil. Une si petite chambre que je ne sais pas où je vais mettre ma valise quand je vais devoir l'enlever du lit pour me coucher. À moins que je couche avec ma valise. Puisque vous me le demandez, non ce n'est pas la première fois que je coucherais avec une valise. Vous voulez des noms?

L'hôtel fait resto, cuisine familiale avec bien de la sauce, la tarte aux abricots est correcte, la pluie prolonge le repas en cafés et pousse-café.

Une petite prune, allez? Je vous l'offre...

Mes voisins de table. Un couple dans la soixantaine. Il est pompette et il commence à me pomper. J'ai eu l'imprudence au début du repas -ça m'apprendra à faire l'intéressant- j'ai eu l'imprudence de lui dire que je venais du Québec. Il me parle de DSK.

Je vous embête?

Non, mais je ne sais pas quoi vous dire pour DSK, de toute façon, il faut attendre...

Ça n'empêche pas d'avoir une opinion. Faut avoir le courage de ses opinions, hein Mamie?

Je pense qu'avec toutes les conneries qui se disent et s'écrivent, pas seulement sur DSK, le vrai courage est de ne pas avoir d'opinion sur rien.

Hola, vous n'êtes pas un marrant vous, pour un Québécois. Sont drôlement sympas les Québécois d'habitude, hein Mamie? D'ailleurs, vous n'avez pas l'accent, si ça se trouve vous êtes Français comme nous hein...

Sur le coup, je n'ai pas allumé. C'est seulement en remontant à ma chambre que j'ai réalisé que je venais de me faire traiter de Français -et ça sonnait comme bougnoule- que je venais de me faire traiter de Français... par un Français, en France.

SIROP D'ÉRABLE- C'est le titre d'un très court billet dans Libé de ce matin -Le sirop d'érable de Lynda- l'auteur a honte d'écouter Lynda Lemay mais dit ne pouvoir s'en empêcher. Il connaît par coeur Live 1999, paraît qu'il y là dedans des souliers verts dans un frigidèèèèère, Claudia Schiffèèèèr en petite culotte, parait que c'est le CD où Lynda accouche...

Et il y a les petits discours entre les chansons, pas très fins, on espère que le casque d'écoute ne laisse pas filtrer le son... écrit encore le chroniqueur.

Faut pas se torturer comme ça collègue. Tiens, moi, par exemple, j'ai dans mon iPod une chanson sur Van Gogh que j'écoute souvent quand il pleut, un beau texte de Jean-Pierre Lang, Gauguin est parti aux îles lointaines, mais la musique! La musique, collègue!!!! Il faut que tu écoutes cette musique de Pierre Bachelet avec des grelots et des clochettes en arrière, avant je l'écoutais pour les paroles, maintenant, comme toi avec Lynda, je l'écoute pour l'inavouable, pour toucher le fond, on est tous pareils finalement Français, Québécois, Papous, ça nous prend des trucs pour quand il pleut et que le vélo est dans l'auto. Lynda, tu crois? Je devrais?

VÉLO- Plus tôt ils avaient franchi le col d'Agnel à près de 3000 mètres, plan-plan comme disent les journalistes du Tour, ça veut dire tranquilles, ils étaient au milieu de l'Izoard, tous ceux qui comptent étaient là, Evans, les Schlick-Schlack, Sanchez, Contador, Basso, Voeckler, et plein d'autres qui ne comptent pas, un peloton presque aussi gros que sur le plat. Ils étaient au milieu de l'Izoard, je l'ai dit, et Andy Schleck est parti. Comme ça. Il est sorti du peloton, presque en facteur, et il est parti.

Pas en sauvage, pas en sournois non plus. Il a pris 20 mètres, 40, les autres, je pense surtout à Contador et Cadel Evans, auraient dû aller le chercher. Personne n'a bougé. Comme si c'était Sébastien Minard ou Yohann Gène qui sortait du peloton. Mais c'était Andy Schleck! Et ils l'ont laissé partir. Comme ça. Comme ça!

Ça fait un mois qu'on suppute, qu'on débat, Frank ou Andy? Alberto ou Samuel? Et Cadel? On attendait la grande explication, il n'y en a pas eue. Andy est parti. Les autres n'ont jamais pu le suivre. Aussi limpide que ça.

Le benjamin des Schlick-Schlack leur a mis deux minutes et demie dans les dents. Ça a failli être beaucoup plus. Cadel Evans, qui s'est battu tout seul, a finalement sauvé sa peau. Sanchez a craqué. Contador aussi. Voeckler, à l'agonie, a été admirable une fois de plus et a sauvé son maillot jaune par une petite poignée de secondes.

Le Tour n'est pas fini. Les prétendants ne sont plus que trois cependant. Andy Schleck, Cadel Evans, Frank Schleck, dans cet ordre. Andy n'a pas assez de sa petite minute d'avance sur Evans. Si ça reste comme ça, l'Australien gagnera le tour samedi dans le contre-la-montre de Grenoble.

Mais je ne crois pas que ça restera comme ça. Aujourd'hui dans la montée vers l'Alpe d'Huez, les Schlick-Schlack vont achever Evans. L'Australien ne court pas aussi mal qu'on le dit, c'est seulement dans sa nature de locomotive d'être nul au démarrage, un coup lancé il est impressionnat de puissance, il revient inexorablement, grignote les secondes et à la fin... à la fin, il lui en manque toujours un peu! C'est l'histoire de sa carrière.

Je crois bien que Andy Schleck va gagner le Tour.

Je vous signale que Hesjedal a terminé 10e hier, à trois minutes et demie de Andy Schleck, il finit devant Contador. Ses copains Danielson neuvième, et Vande Velde 12e, les Garmin jouent le classement par équipes qu'ils dominent.