Notes éparses prises durant mon voyage sous la rubrique: Les Français sont ceci cela.

Les Français sont incroyablement pompiers (quétaines). En France, le gouffre entre la culture populaire et la culture tout court est encore plus vertigineux que chez nous. Mais en même temps la différence se vit mieux que chez nous. Je ne me l'explique pas.

Les Français mangent presque aussi mal que nous (même si je suis souvent très bien tombé pendant ce voyage). Les Français achètent les mêmes fromages à pâte molle que nous à l'Inter-Marché. Des charcuteries dégueu à l'Inter-Marché, toujours. Leur pain est moins bon que le nôtre. Dans quatre pâtisseries sur cinq, les pâtes à chou des éclairs et des religieuses datent de cinq ou six jours, mises au frigo le soir, replacées sur le comptoir le matin. Ce n'est plus la France pâtissière que j'ai connue qui baignait dans les oeufs à la neige. Pas une fois des oeufs à la neige dans ce voyage.

Les Français ont le même rapport tordu à l'argent que les Québécois au cul. Parlant de cul j'ai lu quelque part que les Françaises ont, en moyenne, dans leur vie, 4 partenaires sexuels. Les Français onze... je sais, ça ne marche pas. Ce sont, je crois, les Françaises qui ne savent pas compter.

On a coutume de dire que le Français ne s'aime pas. C'est faux. Le Français n'aime pas les autres Français.

J'ai trouvé que les Français sont beaucoup moins Français depuis qu'il n'y a plus de Vélo-Solex.

Les Français parlent incroyablement bien français. Hier, j'étais à vélo (sous la pluie), je me suis arrêté dans un village de la Vienne pour boire un café. Le nom du village: La Bussière. Le resto-bar de ce trou de 300 habitants s'appelle, je vous entends hurler d'ici, le Why Not! Mais vous vous trompez, les Français ne s'anglicisent pas, c'est très différent, ils colonisent des mots anglais. La structure de la langue n'en est pas du tout altérée (tout le contraire de chez nous où on francise hystériquement dans un moule anglais).

Le Français ne parlent pas si bien français que je viens de le dire. Quand on les écoute attentivement on réalise qu'ils parlent. La politique, la culture, le sport plus encore, tout est formules, le premier mot fait débouler les autres, un enchaînement qui ne mène pas plus au sens que les grains d'un chapelet ne mènent à Dieu. La preuve, la formule qui revient le plus souvent est celle-ci: y'a pas de souci. Pourtant si, plein plein de soucis.

Le plus agaçant dans la langue médiatique des Français: les incessants jeux de mots. Comme ce matin, dans Libé, le titre pour annoncer la victoire d'Andy Schleck: fauve qui peut. Pourquoi fauve? J'ai bien compris, parce que sauve qui peut, sauf que le gracile Andy Schleck est tout ce qu'on veut sauf un fauve. Pourquoi pas chauve qui peut? Il n'est pas chauve non plus.

Donc les Français sont ceci cela, voilà.

Mais il y a un truc qu'on ne dit jamais sur les Français et qui est mille fois plus vrai que tout ce que je viens de dire: les Français sont formidablement gentils. Et je crois savoir pourquoi: parce que la France est formidablement belle et qu'ils portent en eux cette beauté là.

Les paysages nous définissent plus qu'on le pense.

VÉLO - Hier, la plus belle étape du Tour. Avec un Alberto Contador entreprenant à défaut d'être impérial. Avec un Pierre Rolland, brillant vainqueur en haut de l'Alpe, alors qu'il déposait dans l'avant-dernier tournant, et Sanchez et Contador. Excusez du peu.

Première victoire française du Tour. À 24 ans Rolland est peut-être, enfin, le coureur qui fera rêver les Français qui depuis des années doivent se contenter de baroudeurs à la Voeckler. Pierre Rolland était jusque-là au service de Voeckler.

Parlant de Voeckler, il a encore été héroïque hier, mais il n'avait plus rien dans le réservoir. Il a fait l'élastique toute la journée, à la fin l'élastique a cassé et il est tombé du podium. Il n'y retournera pas aujourd'hui.

Ce fut la plus belle étape, sans toutefois être décisive. Le duel Andy Schleck-Cadel Evans a tourné à l'avantage de Evans en cela que l'Australien n'a rien concédé au Luxembourgeois. Si bien qu'on n'est pas plus avancé: on ne sait toujours pas qui gagnera le Tour de France.

Mais attendez, avant de tirer des plans sur la victoire finale, un mot de Ryder Hesjedal qui était en tête au pied de l'Alpe, qui a fait l'ascension avec les meilleurs, n'a décroché qu'à deux kilomètres et demi du sommet et termine dixième dans la roue de son coéquipier Tom Danielson. J'ai entendu qu'il avait décroché pour aider Danielson, c'est faux, mais c'est un détail, on se prend à rêver: si Hesjedal avait mis en route la première semaine du Tour, qui sait s'il ne serait pas tout près du podiumn aujourd'hui?

Revenons à la victoire finale. Cadel Evans ou Andy Schleck? J'ai envie de dire Schleck. Comme je me suis trompé dans toutes mes prévisions depuis le départ, si je dis Schleck, c'est Cadel Evans qui va gagner et j'aimerais mieux Cadel Evans.

57 secondes les séparent. Normalement sur 42 kilomètres Evans, spécialiste du contre-la-montre, devrait reprendre plus d'une minute au Luxembourgeois.

Oui mais c'est un contre-la-montre avec deux bosses difficiles et on peut imaginer que Andy Schleck fera au moins jeu égal avec l'Australien dans ces deux bosses. Rappelons-nous que l'an dernier il avait chauffé Contador dans le contre-la-montre final.

Oui mais encore, Andy Schleck partira le dernier, et pourra corriger le tir à tout moment, s'il en a les moyens bien sûr.

Alors?

Alors je n'en sais rien mon vieux.