Yé de l'athlétisme!

Je le savais que ça vous ferait plaisir. Chérie, Foglia y'est revenu, devine de quoi il nous parle?

De vélo?

Non, d'athlétisme! Alors elle, folle comme la marde, yé!

Ça va, vous? Moi pas pire, je préférerais être à Daegu, où commencent aujourd'hui les Championnats du monde d'athlétisme, mais déjà qu'ils viennent de me payer des vacances au Tour de France, ils ne vont pas m'en payer aussi en Corée du Sud pour de l'athlétisme!

Vous savez qu'au Canada, quand vous dites athlétisme, deux personnes sur trois comprennent gymnastique?

Le Canada n'est pourtant pas si pire en athlétisme. Pas aussi bon qu'en pirouettes hivernales, c'est sûr. On s'entend: le Canada est vraiment très très bon dans les sports pratiqués par seulement trois pays dans le monde, mais pas si mauvais dans les autres.

En fait, l'athlétisme canadien reflète assez bien la santé de la chose sportive au Canada. En athlétisme comme en natation, tennis, vélo, aviron, canoë-kayak, dans tous les grands sports de tradition pratiqués à l'échelle de la planète, le Canada se classe décemment, dans une honnête moyenne, sans surprise d'ailleurs, cela correspond à l'intérêt et au soutien moyens, décents, honnêtes que la société canadienne apporte aux sports en général (en dehors des montées de fièvre passagères, genre Vancouver).

Ainsi, pour faire le lien avec ces Championnats du monde, si le Canada se cherchait un porte-drapeau dans lequel s'incarnerait tout le sport canadien, il ne pourrait mieux choisir que Jessica Zelinka, magnifique heptathlète, qui se classera assurément dans les 10 premières à Daegu (elle a fait cinquième à Pékin, depuis elle a eu un bébé), on en parlera 10 secondes (ou plus probablement pas du tout) dans les bulletins de sports, et voilà mon vieux, c'est comme ça, c'est la vie, c'est le sport au Canada qui, résumons la chose ainsi, se porte, ma foi, plutôt bien dans l'indifférence générale.

Pour des médailles canadiennes à Daegu, il faudra les espérer du lanceur de poids Dylan Armstrong, meilleure performance mondiale de l'année, 22,21 mètres, et des filles du 100 haies.

Parlant du 100 haies, on peut presque parler de tradition canadienne, une tradition initiée par Perdita Felicien il y a une dizaine d'années. Championne du monde en 2003, martyre à Athènes (on se souvient de sa chute en finale), Perdita est habituellement flanquée d'Angela Whyte et Priscilla Lopes-Schliep. Pas cette fois. Priscilla, médaille d'argent à Pékin, doit accoucher en septembre, ce sont deux petites nouvelles, Phylicia George et Nikkita Holder, qui accompagnent Felicien à Daegu. Une relève qui pointe déjà dans l'élite mondiale. Deux Canadiennes en finale du 100 haies? Tout à fait possible.

Dans les lancers aussi on peut commencer à parler, sinon de tradition, d'un environnement favorable, outre Dylan Armstrong, grande vedette de cette sélection canadienne, le lanceur de javelot Scott Russell, neuvième performance mondiale de l'année et la Québécoise Julie Labonté, de Sainte-Justine, au lancer du poids pourraient tous deux faire la finale. Reste que ce sera plus difficile pour Labonté. L'étudiante de l'Université de l'Arizona devra au moins répéter ses exploits de juin aux Championnats canadiens et lancer la bouboule de fonte de 4 kilos à plus de 18 mètres.

Puisqu'on parle des Québécois, au 3000 steeple, Alex Genest, de Lac-aux-Sables (mais en fait de Guelph, où il s'est installé pour rejoindre son entraîneur), aura lui aussi fort à faire pour entrer dans une finale accaparée par les Africains. Imaginons une seconde Alex Genest en finale du 3000 steeple au milieu de tous ces Africains, ce serait en soi un exploit qui vaudrait bien des médailles en ski acrobatique.

Kimberly Hyacinthe aussi est québécoise, mais bon, elle court le 200 et dans les sprints individuels, oubliez ça, le Canada n'est pas là. Ni d'ailleurs dans les épreuves de fond, aucun Canadien ni Canadienne au marathon, au 10 000 et au 5000. Pour ce qui est du relais hommes 4x100, derrière les Américains et les Jamaïcains, les relayeurs canadiens batailleront avec les Anglais, les Allemands, peut-être les Français pour une place sur le podium.

Pour revenir aux Championnats du monde en général, rappelons qu'ils sont de deux sortes, ceux qui suivent les Jeux olympiques et servent de prix de consolation à ceux qui se sont plantés aux Jeux, et ceux qui précèdent les JO, toujours plus relevés, mais ceux-ci pourraient bien être l'exception.

Il serait surprenant qu'Usain Bolt répète ses deux stupéfiantes performances de Berlin (9,58 au 100 et 19,19 au 200). En petite forme depuis Berlin justement, le paresseux Jamaïcain devrait s'imposer sans gloire sur 200, et peut-être se faire battre sur 100 par son compatriote Michael Frater. Tyson Gay, Asafa Powell, Steve Mullings et Mike Rogers, qui sont tous allés plus vite que Bolt cette année, seront absents. Les deux premiers sont blessés, les deux autres sont suspectés de dopage.

Et qu'attendre de Kenenisa Bekele sur 10 000 mètres? Cela fait un an et demi qu'on n'a pas vu courir l'Éthiopien qu'on dit plus assidu au chantier du centre sportif et hôtelier qu'il se fait construire à Addis-Abeba qu'à l'entraînement... Sur 10 000 mètres, on ne parle plus que de ce Mohammed Farah, un Somalien devenu Anglais qui se fait appeler Mo au grand courroux de son imam.

On dit que si un seul record du monde devait tomber à Daegu, ce serait celui du 3000 steeple, une affaire de Kenyans, Kipruto, Kembol, Koech, dans cet ordre-là, à Monaco, en juillet...

À surveiller aussi la réhabilitation possible du Chinois Liu au 110 haies, et attendez-vous à beaucoup de bruit autour d'Oscar Pistorius, le coureur de 400 sud-africain. Amputé des deux pieds quand il était bébé, Pistorius court avec des prothèses de carbone, deux lames très souples qui valent pas loin de 30 000$. Ces lames l'avantagent-il? Si c'est à moi que vous posez la question, la réponse est oui, c'est évident qu'elles l'avantagent, dans les lignes droites. Pistorius ne court pas, il bondit, cette inclusion technologique au nom de l'intégration des athlètes handicapés est complètement ridicule, c'est le contraire qu'il faut faire: ouvrir les épreuves handi aux athlètes «normaux».

Pistorius fera-t-il la finale?

J'espère que non.

Et je ne vous ai rien dit encore de Caster Semenya, championne du monde en titre du 800, Sud-Africaine aussi, on vient de nous jurer qu'elle était bien une femme sauf qu'on ne peut pas nous jurer qu'elle n'est pas aussi, en même temps, un homme. Bref, si vous n'aimez pas trop l'athlétisme, ces Championnats du monde vous offriront quelques occasions de parler d'autres choses.