Remous dans la piscine la semaine dernière à la suite des reportages de Radio-Canada (Jacinthe Taillon) et de La Presse (Simon Drouin) sur... sur ce que j'appelle la confusion des genres dans les sports dits «artistiques», où les athlètes sont jugées tout autant sur leur apparence que sur leur performance.

Deux ex-nageuses synchro, Ève Lamoureux et Marie-Pierre Gagné, disaient, j'interprète et je résume, disaient que dans leur sport, il ne leur suffisait pas d'être bonnes, il leur fallait aussi être belles. Comprenez minces. Il ne suffit d'avoir la jambe bien tendue, elle doit aussi être longue et fuselée, la jambe.

Je crois que c'est Ève qui disait: «La jambe doit être maigre, elle ne peut pas être ronde.» Ronde ici ne veut pas dire grosse, ni dodue, ni enveloppée, ni forte, juste une petite rondeur, juste un peu de chair autour des os, c'est rond. La nage synchro est un sport incroyablement exigeant, parmi les plus exigeants des sports olympiques, elle demande de la puissance, de la force, ces jeunes femmes font énormément de musculation... mais, cherchez l'erreur, il ne faut surtout pas que le muscle prenne un volume qui briserait la «ligne».

Photo Bernard Brault, archives La Presse

Anastasia Davydova et Anastasia Ermakova, deux nageuses de l'équipe russe de natation synchronisée aux Jo de Pékin, en 2008.

C'est la première aberration des sports dits artistiques: prétendre à une autre esthétique que celle de l'effort. Ce n'est pas beau, l'effort, wouache l'effort. Alors on le maquille, on le grime outrageusement, on juge l'athlète qui le produit selon sa capacité à avoir l'air du stéréotype même de la beauté quétaine: la beauté d'une hôtesse de l'air en 1957, en Moldavie.

Marie-Pierre Gagné: Cette image (l'image de la nageuse synchronisée coupée au couteau) est pour moi l'image de la femme idéale. Sauf que je sais que c'est une image erronée. Elle dit plus loin qu'elle essaie de sortir du moule et que ce n'est pas facile.

Ce n'est pas là le pire, Marie-Pierre, si vous me permettez. Après tout, vous êtes des grandes filles, personne ne vous force à faire cette gymnastique-là, quelque part cela doit vous convenir. Sans ajouter qu'au plus haut niveau, la pratique de tous les sports est démesure. Le sport d'élite est affaire de démesure, pas de dépassement comme on le dit pudiquement, de démesure, de folie, quoi. Personne ne vous oblige à entrer dans cette folie-là.

Le pire, Marie-Pierre, si vous me permettez encore, ce n'est pas que quelques nageuses synchro se fassent vomir pour être belles, le pire, c'est que cette beauté dont se réclame votre sport, elle n'est pas belle.

Votre sport n'est pas seulement le plus dur des sports olympiques, il est aussi le plus absurde, au lieu de mettre en valeur les incroyables athlètes que vous êtes toutes, ils vous déguisent en matantes de salon de bronzage. Et c'est d'une tristesse.

Consommation

Combien de fois vous ai-je fait la leçon de non-consommation dans cette chronique? Avez-vous besoin de cette voiture, de cet ordi, de ce bateau, de ce tracteur à gazon, avez-vous besoin de ceci, cela, gnagnagna.

Ce matin je vous donne la permission de me retourner la question. Et toi, Foglia, avais-tu besoin d'un bicyk?

À 70 ans, bientôt 71, 195 livres, roulant à de souffreteuses moyennes qu'il y ait du vent ou pas, des côtes ou pas, j'ai besoin d'un vélo neuf comme un hippopotame a besoin d'une mobylette.

Cet été, Marc, pourtant le plus gentil des mécanos de la Haute-Yamaska, m'a presque mis à la porte de son atelier, ton vélo tombe en morceaux, je ne le réparerai plus, je te le dis sérieusement, je ne veux plus le voir.

À la terrasse de l'OEuf où je prends ma crème glacée au caramel, arrive parfois une gang de cyclos, alors il y en a toujours un qui s'approche de mon vélo: c'est votre vélo,  M. Foglia? C'est le ton! Le ton de: c'est votre femme qui vous coupe les cheveux?

Bref, je m'en suis acheté un neuf la semaine dernière. Je vais pouvoir avoir des vraies discussions de vélo: c'est votre vélo, M. Foglia? Carbone?

Du bout des lèvres, je lâcherai, en relevant le menton un peu: titane. Peut-être même que je dirai: tout titane. Et vous, vous direz: wow, du titane!

Le jour où je l'ai acheté, je suis arrivé à La Presse en même temps qu'une jeune collègue, et comme si ça pouvait l'intéresser, dans l'ascenseur, je lui dis: je viens de m'acheter un vélo, c'est fou, non, à mon âge.

Elle me dit, des fois ça fait du bien, dépenser, moi, c'est les souliers... Sa petite phrase me trotte dans la tête, est-ce que ça me fait du bien?

Je l'ai monté dans mon bureau, il est accoté à la bibliothèque. De temps en temps, je le regarde. Crisse que je suis débile.

Sur la barre du haut, près du poteau de selle, c'est écrit «piuma express». Je pensais que c'était puma en italien, c'est presque pire, piuma, c'est plume. Cent quatre-vingt-quinze livres de plumes.

Je retourne à mon texte. Puis, je le regarde à nouveau. Crisse qu'il est beau! Gris et noir, avec le «M» de Marinoni en rouge.

RECTIFICATIF - La mode encore, la photo encore, la mienne, j'ai dit qu'elle avait été prise quand j'avais la moitié de mon âge actuel, des petits vites en informatique me font observer qu'en 1975, il n'y avait pas d'ordinateurs comme celui qui apparaît sur le bureau où je suis assis.

O.K., O.K., la photo date de 1984, j'avais 44 ans.

Puisqu'on y est, autre erreur, dans le texte je parle d'un jeune mannequin, Chantal, 15 ans, qui a fait l'objet d'un reportage dans nos pages. La jeune femme en question, Chantal Stafford Abbott, dont ma collègue Elsa Vecchi a effectivement fait le portrait dans La Presse il y a trois semaines, n'a pas 15 mais 19 ans et n'était pas à la semaine de la mode. La jeune femme que j'évoquais dans la chronique s'appelle Catherine Déa, elle a 16 ans et fera très prochainement l'objet d'un reportage dans nos pages. Avec mes excuses aux deux jeunes femmes pour cette confusion, mais bon, c'est le propre des vieux monsieurs d'être un peu confus, vous verrez quand vous serez vieilles.

Ben non, il n'est pas en titane! Ni en carbone comme le vôtre, d'ailleurs, tout simplement en acier.