Franchement, je trouvais ma chronique sur le DIX30 un peu et même très plate, comme si la platitude de la chose décrite m'avait englouti.

Vous avez pourtant été nombreux à commenter ce machin un peu informe, à me parler d'architecture, de consommation de masse... et même quelques-uns à me souligner, pour me niaiser, que, lalalèreu, le concepteur du truc, un certain Sylvan Adan, celui-là même que je me proposais de gifler, est un fameux cycliste. «Tout comme vous, monsieur le chroniqueur...» Pis? Voulez-vous que je vous nomme d'autres valeureux cyclistes qui sont aussi de très joyeux tôtons? À commencer par les quatre cinquièmes du peloton du Tour de France?

Ce que j'ai surtout oublié de dire, c'est que le DIX30 n'est pas glauque par hasard. C'est exprès qu'on y tue le désir, parce que le désir prend trop de temps, est trop aléatoire. Pas de jeunes qui traînent, pas de vieux désoeuvrés, pas de piétons à la con. Un parking, un magasin, ça entre, ça sort, ça rentre, ça ressort, comme dans un film porno. Un lieu de consommation pure et dure.

La fille entre chez Browns pour acheter des bottes. Elle sait quelles bottes elle veut. (La vendeuse aussi le sait; même moi, je le sais. C'est pas difficile, elles portent toutes les mêmes, ces jours-ci, des bottes à 225$, australiennes, noires, grises ou fauve.) Wam, bam, thank you ma'am. Ça, c'est de la botte. Ça, c'est du cul.

Le désir, c'est quand t'as soif et que tu marches tout doucement vers une fontaine... Je vous niaise. Ça, c'est Le Petit Prince, de la porno juvénile.

Le désir, c'est une rue, une ruelle derrière, un boulanger, des maisons avec des escaliers, un monsieur qui promène son chien, un café où la vendeuse du magasin de chaussures voisin vient chercher un allongé en disant à sa copine la serveuse: Elles veulent toutes des bottes australiennes UGG, pas de talon, en mouton, et elles ont toutes l'air d'Esquimaudes, là-dedans.

Alors la serveuse: Esquimaudes, tu crois? Le mouton est plutôt rare, par là. Elles rient toutes les deux. Désirer, c'est rire.

LES ÉLECTIONS AMÉRICAINES -  La scène, d'une crudité saisissante - même moi, j'ai été saisi -, montre le tenancier d'un bordel en train de se faire faire une fellation par une de ses employées. Assis dans son lit, face à la caméra, il parle de la vie en général comme s'il était chez le barbier. De temps en temps, il arrête de parler de la vie pour donner des instructions pratiques à la fille qui est en train de le servir: Pourquoi tu vas si vite? T'as une diligence à prendre ou quoi?

Scène d'un film porno? Non. Scène tirée d'une série américaine produite par HBO que vous pouvez louer n'importe où. Ça s'appelle Deadwood, c'est un faux western mais un vrai chef-d'oeuvre d'écriture. Soufflé, je suis, par le souffle de cette écriture, comme si, dans ces textes-là, Louis-Ferdinand rencontrait Bukowski.

Si je vous parle de Deadwood, c'est surtout pour l'Amérique. J'ai beau savoir que cette série, câblée, n'a pas rejoint le grand public, que sans doute moins de 2 millions d'Américains l'ont vue (ce qui est totalement insignifiant), il reste que cette série n'a pas été écrite, produite, mise en ondes au Québec, au Canada, en France, en Suède. Elle a été écrite et montrée au pays où se déroulent en ce moment les primaires républicaines, qui mettent en scène de très vertueux babouins dont l'un risque fort de devenir le prochain président des États-Unis.

Vous allez beaucoup entendre parler, au cours de cette année électorale, du déclin de l'Amérique et surtout de la fin du rêve américain. Bullshit. Le rêve américain ne se nourrit pas d'économie. Il se nourrit de deux trucs tout simples: de la prodigieuse diversité de l'Amérique et de la liberté. Y compris la liberté qu'ont les Américains de dire: fuck le rêve américain.

En fait, toute la force du rêve américain est contenue dans la dernière réplique de cette scène de fellation de Deadwood: Tu peux recracher, dit le type à la pute. T'es pas obligée d'avaler.

L'ESPRIT ET LA LETTRE - Un règlement de la Ville de Montréal établit un rapport entre la grandeur des enseignes et la grandeur des commerces qu'elles annoncent. Petit commerce, petite enseigne, grand commerce...

Le café-épicerie Au Festin de Babette, rue Saint-Denis, un peu au nord de la rue Duluth, a droit à une enseigne de trois mètres carrés. Or, son enseigne, qui couvre presque toute sa devanture, fait trois fois plus, surtout à cause des panneaux latéraux qui détaillent ses spécialités sous des vignettes aux délicieuses couleurs passées comme en affichaient les confiseries d'autrefois. L'aspect général est d'une bonbonnière.

Bref, depuis 17 ans, c'est sûrement la plus jolie enseigne de la rue Saint-Denis, oeuvre de Nicole St-Pierre, artiste peintre montréalaise.

Le règlement n'étant pas rétroactif, l'ex-propriétaire n'avait jamais été inquiétée. Mais la vente du café contraint les nouveaux tenanciers, et un inspecteur est venu menacer de les envoyer aux galères.

Mais si, monsieur l'inspecteur, c'est un très bon règlement - personne ne dit le contraire -, mais un règlement dont l'esprit est de nous garder des vilenies surdimensionnées, pas de nous priver d'un brin de joliesse inspirée.

NEWT QUI? - C'est un envoi d'Hélène, mais c'est de David Letterman, ou plutôt d'un de ses 188 scripteurs: le top-ten-ways-to-mispronounce Newt Gingrich - 10 façons de mal prononcer Newt Gingrich. Il faut essayer de lire la liste très vite...

10- Ging Newtrich. 9- Gewt Ningrich. 8- Nut Grinderswitch. 7- Ghingis Newt. 6- Mr. Goodwrench. 5- Grinch Neutron. 4- Newt Gringhers. 3- Newtros Newtros Gingy. 2- El Newto Gingricho. 1- Naginga!!!

Moi non plus, la dernière, je la pogne pas.