Ce grand titre dans La Presse de vendredi: Le déclin du cornichon québécois. Je me suis tout de suite méfié. «Le cornichon québécois est en voie de disparition», écrit ma collègue Marie Allard. Avouez-le, Marie, c'est un piège pour pogner les chroniqueurs?

Autre titre un peu plus loin, sur cinq colonnes aussi: Je vais assumer mes niaiseries. Ce n'est même pas le mea-culpa de François Rebello, c'est l'histoire d'un jeune homme qui s'est filmé en train de saupoudrer de cocaïne sa tartine de Nutella, en train aussi de brûler un feu rouge. Il a mis ça sur YouTube, évidemment. La police l'a identifié. Il a dit que c'était du sucre, pas de la cocaïne, il a dit aussi c'était la faute des médias.

Mettons, Marie, mettons que le cornichon québécois soit effectivement dans un creux historique, se pourrait-il cependant que vous exagériez grandement en annonçant sa disparition prochaine? Il y en a peut-être un peu moins, mais se pourrait-il que ceux qui restent soient plus gros? Plus vigoureux?

La Moldave et le commandant. Cinq colonnes encore. Ai-je bien compris qu'une danseuse de ballet moldave a été la source de distraction, «voire l'aiguillon» - insinue mon confrère Mathieu Perreault -,la distraction, l'aiguillon qui a fait dévier de sa route le Costa Concordia? Je n'imagine pas comment. Vous? Il est vrai que je n'ai jamais pris de cours de navigation, ni de ballet d'ailleurs, et que je sais très peu de choses sur la Moldavie, sauf qu'on y cultive le topinambour de façon extensive. Ah, ah, peut-être ici un début d'explication, je vois sur Wikipédia que «danseuse de ballet moldave» doit s'écrire «danseuse de balai modalve», sans doute à cause du manche, mais cela n'est pas précisé.

Je l'aime pareil, ce capitaine qui a quitté son bateau en train de couler. Remontez à bord de votre bateau, lui commande un officier de la garde côtière.

Mon cul, y coule! Pleutre peut-être, mais quel sens de la répartie!

Parlant de couler, toujours dans le journal de vendredi, ce titre: Marois prise entre deux feux. Deux, vous êtes sûrs?

Ce titre maintenant qui n'est pas la suite du précédent: La séparation... sans souveraineté. Le président de l'association du Parti conservateur de mon comté (Brome-Missisquoi) avertit le premier ministre Harper qu'il est en train de creuser un fossé entre le Québec et le reste du pays. «Nous observons la lente séparation de facto du Québec, émotivement, spirituellement, et intellectuellement.»

Vous en oubliez, monsieur. De facto, le Québec est séparé du Canada émotivement, spirituellement, intellectuellement, mais aussi idéologiquement, culinairement, sportivement, agronomiquement (de moins en moins de cornichons), scientifiquement, géographiquement, poétiquement, linguistiquement, musicalement, esthétiquement, philosophiquement, économiquement, sexuellement, absolument, totalement. Et cela n'a rien à voir avec M. Harper.

Anatomie d'une idée idiote, c'est le titre de la chronique d'Alain Dubuc vendredi qui parle du pacte contre nature que le PQ se propose de faire avec Québec solidaire. La veille, c'était Lysiane Gagnon... et moi qui dénoncions la même idée idiote. Permettez que je m'attendrisse une seconde. La dernière fois qu'Alain Dubuc, Lysiane Gagnon et moi avons dit la même chose, c'était en janvier 1963. On avait pris l'ascenseur ensemble, on arrivait de dehors, j'avais émis l'opinion qu'il faisait vraiment pas chaud et Lysiane tout comme Alain avaient vigoureusement opiné.

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La veille, le titre, limpide, avait ainsi résumé toute la question du profilage racial: Une centaine de plaintes, zéro poursuite. De quoi s'inquiéter? Pas du tout. Le lendemain, la Ville et la police présentaient leur plan d'action. Notre titre: Montréal exige la «tolérance zéro».

Le maire le promet, «le martèle» même, précise mon collègue Pierre-André Normandin, et on sait combien ce maire-là peut être martelant, avec sa petite main qui bat la mesure de son indignation, tolérance zéro pour toute forme de pratique discriminatoire.

Ce n'était donc pas ainsi jusqu'ici? Combien de fois un flic pouvait arrêter un Noir au volant d'une Mercedes juste parce qu'un-foutu-nègre-au-volant-d'une-Mercedes-ça-s'peut-pas-il-doit-l'avoir-volée. Le Noir dépose une plainte. Le lendemain, il se fait à nouveau arrêter. Il redépose une plainte. Combien de fois?

Si ce n'était pas tolérance zéro, c'était tolérance quoi? Trois, quatre, cinq?

Je cite mon collègue: «Actuellement un agent peut faire l'objet de cinq plaintes avant d'être réprimandé.» En fait, c'est six: «Le dossier d'un agent est envoyé à son superviseur et au commandant de son unité lorsqu'il a fait l'objet de plus de cinq plaintes dans les 400 derniers jours.»

Ce que me disent mes collègues, c'est que la volonté de changer les choses est là. Que le maire de Montréal, que Marc Parent, le grand patron de la police de Montréal, que Fady Dagher, chef de division responsable des relations avec la communauté, sont aussi révoltés, dégoûtés que vous et moi par le profilage racial. Et aussi déterminés qu'ils le promettent à corriger le tir, si j'ose dire.

Pourront-ils le faire? C'est une autre histoire. Il faudrait pour cela qu'ils soient tout autant révoltés par la culture du secret de leurs troupes, par cet esprit de corps qui rend les policiers incapables de policer d'autres policiers. La détection de comportements inappropriés passe forcément par la reconnaissance, par le gros de la troupe, de ce qu'est un comportement inapproprié et par la conviction, au-delà de cet esprit de corps, qu'il doit être dénoncé.