Je viens de terminer Dire son nom, roman de Francisco Goldman, qui a obtenu cette année le Femina étranger.

Francisco Goldman, apprend-on dans la note biographique qui précède le titre, est un écrivain américain né en 1954 à Boston. Sa femme, Aura Estrada, est morte tragiquement à l'âge de 30 ans, en 2007.

Devinez ce que raconte le roman de Francisco Goldman? La mort d'Aura Estrada. En fait, la vie d'Aura Estrada avec Francisco Goldman avant sa mort et après, puisque l'auteur, inconsolable, va continuer de vivre dans le souvenir de sa femme, notamment en lui dressant un autel dans leur appartement.

Après 40 pages, je savais que j'irais au bout de ce livre-là parce qu'il y a tout de même bien des limites à acheter des livres de 40$ pour les jeter après 40 pages, mais je savais aussi que j'allais m'y emmerder quelque chose de rare.

Pourtant, c'est l'histoire d'un amour fou. Je veux dire: comment un amour fou peut-il distiller un tel ennui? Une histoire vraie, en plus.

En plus ou en moins? C'est ici que je voulais en venir.

Et si, comme bien d'autres, je commençais à en avoir plein le cul du roman-vérité? De l'autofiction à la Carrère? Et si c'était «le vrai», «le vécu» qui distillait l'ennui? Et si, au lieu d'autofiction, il fallait dire antifiction? Antipersonnage, anti-imagination?

Si en 2007 j'avais lu dans les pages littéraires du New York Times que la femme de l'auteur Francisco Goldman s'est noyée en se baignant sur une plage du Mexique, j'aurais dit: bon, c'est plate. C'est ce que j'ai dit aussi en lisant le livre.

Je pourrais parler exactement dans les mêmes termes du roman que j'avais lu juste avant celui-là, Rien ne s'oppose à la nuit, de Delphine Vigan, un des romans français les plus lus depuis la rentrée de l'automne. Elle nous parle de sa mère, sa vraie mère, qui est bipolaire. Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse?

Vous êtes dur à suivre, monsieur le chroniqueur. Cette Annie Ernaux, pas loin d'être, selon vous, le plus grand écrivain français de notre temps, cette Ernaux n'écrit-elle pas que des romans, des récits, des «journals» autobiographiques?

Eh oui! Ernaux répond en partie à cette question au début de L'écriture comme un couteau. Mais la vérité, c'est que je ne sais pas pourquoi, elle, je la lis comme une romancière - une «pourvoyeuse» d'histoires et de littérature -, alors que je lis Carrère et ses nombreux petits frères et soeurs comme des journalistes, comme des rapporteurs d'actualité.

Le plus beau livre sur le sujet - fiction c. réalité -, qui ne répond pas à la question mais la pose sublimement, c'est un roman italien des années 70, La Storia, d'Elsa Morante. Je suis en train de le relire, il n'a pas pris une ride. Si vous êtes tannés de l'autofiction, essayez La Storia, l'histoire dans l'Histoire.

DANTZIG - Si j'ai bien compté les courriels qui, depuis quelque temps, me parlent de Pourquoi lire, vous êtes tous en train de lire Charles Dantzig... Je vais vous raconter une petite histoire de lecture. J'ai «découvert» Charles Dantzig il y a cinq ou six ans par hasard, à ma librairie - un gros livre bleu, Dictionnaire égoïste de la littérature française. Ce fut un éblouissement. Une fête. Une montagne de crème fouettée. Je jurais que c'était le meilleur pâtissier de France qui avait écrit ça.

Ce livre-là est resté sur ma table de chevet pendant trois ans. Ben oui, de la crème fouettée. T'en manges pas trois bols à la fois.

Trois ans plus tard, je me souviens, je faisais des infidélités à ma libraire chez Raffin, rue Saint-Hubert, je tombe sur un autre gros livre bleu du même auteur: Encyclopédie capricieuse du tout et du rien. Des listes, 800 pages de listes de tout et de rien. Même enchantement. Et même lecture parcimonieuse puisque j'étais encore dedans à Noël.

Et voilà que vous m'arrivez avec Pourquoi lire. Je cours l'acheter. C'est bien le même Dantzig que celui de l'Encyclopédie capricieuse et du Dictionnaire égoïste. Ça éblouit pareil. Je lis, je lis, je lis et, tout d'un coup, au milieu d'une phrase, pouf, fini.

Fini Dantzig. Fini pour toujours. Fini, n, i, -ni.

N'attendez pas d'explication. De révélation. C'est pas cette phrase-là. C'est fini, c'est tout. Cela m'arrive aussi avec les choses, les gens parfois. Je les aime beaucoup. Et puis pouf, c'est fini. On me dit que c'est un truc de filles, que les filles sont beaucoup comme ça, en amour. Ça casse d'un coup dans leur tête. Tu le sais pas. Elles le disent pas. Ça peut durer encore des mois, des années. Mais c'est fini. Et c'est toi Dantzig.

MADAME CHOCOLAT - Dans la vie, je suis monsieur Sucre. Détaillons: je revendique le titre de monsieur Confitures, de monsieur Pâtisseries, de monsieur Brioches, de monsieur Crème glacée.

Mais je ne suis pas monsieur Chocolats. Je les aime sucrés plutôt qu'amers, au lait plutôt que noirs, ce qui fait de moi un goujat ordinaire. Reste que je déconnais largement, l'autre jour, en comparant les chocolats aux noisettes «entières» de Laura Secord à ceux de madame Chocolat elle-même, Geneviève Grandbois.

C'était dans l'article sur le DIX30. Je voulais seulement dire qu'un Laura Secord conviendrait mieux au décor du DIX30 que la chic boutique de Mme Grandbois, qui a pris mon observation avec le sourire puisqu'elle m'envoie une petite boîte de chocolats aux noisettes «entières» qui tentent d'imiter ceux de Laura Secord. Imitation plus ou moins réussie, si vous me permettez, madame. Va pour les noisettes, mais votre chocolat est loin d'être aussi sucré que celui de Laura Secord. Que diable, mettez-en, du sucre! C'est amer, ce truc-là, quand y a pas de sucre.

Merci pareil.