La mère, 40 ans. Son fils, 17 ans. On est à Montréal. Le fils fréquente une école secondaire publique, un bon élève. Mais il vient d'avoir une mauvaise note en... art dramatique. La maman (qui a fait du théâtre) s'en étonne plus qu'elle s'en chagrine: mais enfin, pourquoi tu ne te forces pas un peu, c'est amusant le théâtre?

Le fils: Tu veux savoir pourquoi? Parce que le prof est con, parce que le cours est plate, parce qu'on fout rien, le cours entier, c'est de la marde.

La mère: Un texte de qui? Un drame, une comédie?

Le fils: Tu comprends rien, de la marde, de la MAR-DEU.

La mère: Change de ton, s'il te plaît. Je ne peux pas croire que tu ne sais même pas le nom de l'auteur de la pièce que tu as à apprendre...

Le fils excédé lui lance une feuille, tiens, lis. Du grand art, je t'avertis.

La mère lit. Relit. Atterrée. À son fils: Je te donne entièrement raison, c'est de la pure marde.

Elle m'a envoyé le texte en question.

***

Cela s'appelle Le Coup du Canapé. Une petite recherche sur l'internet mène rapidement à l'auteur, un certain Jean-Pierre Roubaud, Français, musicien, écrivain, scénariste, je ne sais pas trop.

Trois personnages, A, B et C. B est allongé sur un canapé, les deux autres vont tenter de lui prendre sa place. Le texte comporte une quarantaine de répliques très brèves, je ne vous l'infligerai pas au complet. Ça commence comme ça.

a - Qu'est-ce que t'as dis?

b - J'ai rien dis.

c - Si, t'as dis quelque chose.

a - C'est vrai ça, il le fait toujours.

b - Mais j'ai rien dis j'étais là!

c - Ça veut rien dire!

a - Dire que j'étais là pour te justifier c'est minable.

b - Putain, mais puisque je vous dis que j'ai rien dis!

c - Ouais, c'est ça, tu nous prends pour des cons?!

On s'arrête ici une seconde pour noter que six fois l'auteur confond le présent et le passé composé du verbe dire; je dis, tu dis avec un «S» mais j'ai dit et qu'est-ce que t'as dit avec «T», sacrament, on est à l'école, vous ne leur apprenez plus à écrire, bon, au moins ne leur apprenez pas à faire des fautes.

Mais surtout, pourquoi un texte d'une telle inanité? Vous n'avez rien trouvé dans la dramaturgie québécoise, chez Dubé, Ronfard, Ducharme, Dubois, Gauvreau, Michel Marc Bouchard, Tremblay, Michel Tremblay, vous avez entendu parler de Michel Tremblay?

Quant à la fin de cette saynète, ciel, ciel! la fin! A et C finissent par faire fuir B, s'installent sur le canapé, et après un certain temps:

b - T'as pété?

a - Non, j'ai pas pété.

b - Ah si t'as pété!

a - Mais non j'ai rien fait!

c - Si, si, si, t'as pété.

a - Non mais... attend, tu veux me piquer ma place!

Ça finit comme ça.

***

Je ne tiens pas à nommer l'école ni le prof que j'ai fini par joindre. Il s'est dit désolé pour les fautes.

Et pour le texte, non? Vous n'êtes pas désolé?

Il me dit que c'est une exception - un battement de cils, m'a-t-il répété à trois reprises - dans l'ensemble de son matériel pédagogique, il se trouve que ce matin-là il était pressé, pas bien réveillé, il est allé piger ce texte sur l'internet, bon, il n'a pas vu les fautes...

Comment ça, ce matin-là? Le cours qu'il donne à onze heures, il le prépare le matin même?

Convenez-vous au moins de la nullité du texte?

Oui et non. Ça fonctionne avec les élèves, soutient-il. Il n'a pas ajouté: vous savez, il ne faut pas trop leur en demander, mais s'il ne l'a pas ajouté, comment se fait-il, alors, que je l'ai entendu pareil?

***

Vous vous doutez bien qu'aux prochaines élections, je n'irai pas voter - si jamais je vais voter - pour la Coalition avenir Québec, la fameuse CAQ. N'empêche que leur projet éducatif est très loin de me puer au nez comme le reste de leur beau programme.

Je ne parle pas de l'abolition des commissions scolaires. Je parle de l'évaluation des profs.

Mais d'abord, ai-je bien compris que la CAQ se propose d'augmenter le salaire de tous les profs, les bons comme les pas bons, de 20%? J'applaudis à deux mains. Ai-je bien compris que la CAQ se propose même d'augmenter le salaire des profs qui enseignent en milieu défavorisé de 30%? J'applaudis encore. Bref, ai-je bien compris qu'en toute occurrence, les meilleurs profs ne seront pas payés plus cher que les moins bons?

Alors si j'ai bien compris ce qui précède, je veux bien entendre la proposition de la CAQ sur une forme d'évaluation des profs. Par exemple, je ne serais pas contre un contrôle qui permettrait d'interpeller le prof d'art dramatique dont je viens de parler, d'interpeller les profs qui font 43 fautes dans les notes qu'ils adressent aux parents, pas pour les foutre à la porte, juste pour leur dire tu penses pas que t'aurais besoin d'un petit cours de rattrapage sur le passé composé des verbes du troisième groupe, tu penses pas que t'aurais besoin d'un cours de culture générale? Après tout, tu travailles dans une école, pas dans une usine à chaussures.

LA QUESTION - On change complètement de sujet, pour le concours Kateri-Katera-Yoplà-c'est-quoi-la-question, vous avez été si nombreux à trouver la bonne réponse que si je devais tous vous emmener passer une semaine à Kahnawake comme promis, ça prendrait plusieurs autobus et on aurait l'air d'un convoi de l'âge d'or en route pour Sainte-Anne-de-Beaupré.

Remarquez que vous avez été tout aussi nombreux à ne pas trouver la bonne réponse et je me demande si le gagnant n'est pas parmi ceux-là, celui-ci par exemple:

Est-ce qu'elle vendait des cigarettes? Mais s'avisant qu'il n'y avait pas de cigarettes à cette époque, il reformule aussitôt la question: est-ce qu'elle vendait du tabac à pipe?