L'Université de Montréal est un lieu de haut savoir et de réflexion. Ses grands penseurs accordent des entrevues aux journalistes pour rehausser le niveau de notre presse nationale. Ils réfléchissent et ils posent des jugements. Ils sont des savants et peuvent donc jeter un regard averti sur ce qui se passe au niveau du sol. À notre niveau.

Les grands penseurs de l'Université de Montréal doivent être fiers de leur institution. C'est l'Université de Montréal qui est la grande gagnante de la soirée Chara-Pacioretti.

Toutes les photos de l'incident publiées dans le monde, toutes les images à la télévision qu'on a montrées et remontrées en boucle à travers l'Amérique ont montré la publicité de l'Université de Montréal plaquée sur la bande du Centre Bell, tout juste au-dessus du corps gisant de Max Pacioretti.

C'est formidable pour l'Université, qui a ainsi reçu un fabuleux retour sur son investissement. Surtout que l'Université de Montréal, je répète haut lieu du savoir et de la réflexion, se trouve donc à endosser ces scènes de violence en payant des dizaines et des dizaines de milliers de dollars pour s'afficher à l'endroit le plus coûteux du Centre Bell, le banc du Canadien.

Ainsi donc, la compagnie de communication ou de marketing qui a eu l'idée de payer des dizaines de milliers de dollars va recevoir des félicitations du recteur de l'Université quand elle va faire son rapport de placement de produit. Au moins 300 photos dans les quotidiens, presque quatre minutes en direct à la télé plus des milliers d'autres précieuses secondes aux reprises, sans parler des clics sur l'internet. L'horrible blessure subie par Pacioretti est une mine d'or pour notre grande université.

C'est ça que je voulais dire cette semaine et qui a été parfois mal compris. Le pouvoir de changer des choses est économique. Quand l'Université de Montréal investit des précieux dollars qui viennent sans doute de vos taxes en s'associant à un sport en train de délirer, elle ne fait qu'encourager une façon de jouer au hockey qui va finir par mener à la mort.

Mais l'Université de Montréal est comme toute la gamique. Elle veut s'afficher avec un support populaire et aimé maladivement pour passer son message. Elle veut que les fans encore lucides puissent choisir Montréal au lieu de McGill. Mais le jour où la prestigieuse Université de Montréal aura assez honte d'être associée à l'image d'un homme au cou brisé gisant sur la glace, elle retirera sa commandite. Et quand assez de compagnies l'imiteront et que des amateurs de hockey diront assez c'est assez, alors le hockey changera pour le mieux.

Prenez Geoff Molson. J'aime beaucoup Geoff Molson. Père de quatre enfants, homme de famille, citoyen conscient, propriétaire du Canadien, il a dénoncé la façon dont la Ligue nationale a réagi à la suite de la charge de Zdeno Chara.

Mais le même M.Molson siège au conseil de la Brasserie Molson-Coors. Lui et la famille détiennent des centaines de millions de dollars d'actions de la brasserie. Molson-Coors vient tout juste d'investir750 millions pour s'associer à la Ligue nationale comme commanditaire au Canada des activités des amis de Gary Bettman.

Si, dans le dernier paragraphe de sa lettre, Geoff Molson avait dit à Gary Bettman que sa brasserie reprenait ses750 millions, son impact aurait été pas mal plus fort sur ses partenaires propriétaires de la Ligue. Une lettre aux fans, même si elle est sincère et qu'elle vient du coeur, n'a pas le même poids que le retrait de trois quarts de milliard de dollars.

Malheureusement, le coeur et le portefeuille ne semblent pas reliés quand vient le temps d'écrire aux fans.

Je le répète, le vrai pouvoir est économique. Il a suffi que les consommateurs refusent de coucher dans une chambre «fumeur» pour que les grands hôtels du monde interdisent aux fumeurs l'accès à la majorité des étages. Pas besoin d'une loi, juste refuser de payer pour sniffer de la vieille boucane collée sur les rideaux a suffi.

Par contre, les activistes et les militants ont prêché pendant des décennies pour faire bouger les gouvernements et faire voter des lois. Peut-être que les militants arriveront à quelque chose s'ils dénoncent suffisamment les coups de fous qui se donnent depuis trop d'années dans la ligue.

Prenez Via Rail qui diffuse un communiqué pour critiquer ce qui s'est passé à Montréal. La phrase clé, c'est que cette prise de position ne remet pas en question la commandite de la compagnie avec la Ligue nationale de hockey. Le coeur et le portefeuille encore...

Et Air Canada, qui a pris son trou au premier éternuement de Gary Bettman...

Je voudrais juste être clair. La LNH autorise les joueurs à «compléter leurs mises en échec», ce qui est un concept absurde ouvrant la porte à tous les abus. Compte tenu de ce que fait la direction de la Ligue depuis 20 ans, Zdeno Chara ne méritait pas de suspension. C'est comme notre système judiciaire qui renvoie à la maison les agresseurs de vieilles femmes dans le métro ou dans la rue. Bien sûr que c'est insensé, mais le prochain voyou va sans doute s'en tirer à cause des précédents.

Et je voulais dire également que vous, les fans, vous cautionnez cette violence toutes les fois que vous sortez votre carte de crédit.

Et je défie qui que ce soit de me faire la démonstration du contraire. Zdeno Chara a posé un geste débile. Mais il jouait selon les règles débiles de la LNH. C'est tout. Changez les règles et alors, tous les Zdeno Chara pourront être suspendus.

DANS LE CALEPIN

Lucian Bute prend l'avion ce matin à Miami pour Montréal. Il lui reste une semaine avant son combat contre Brian Magee au Centre Bell. Il est dans une forme splendide et il a travaillé très dur pour se préparer. Le plus grand danger pour Bute sera de lire les journaux et d'écouter la radio et la télé. On risque de répéter que Magee est un adversaire facile pour lui. Si Bute veut trop forcer et donner un grand spectacle, il risque de perdre de sa belle fluidité et de se compliquer la vie. Mais s'il reste détendu et laisse parler son talent sans trop vouloir en faire, il va gagner par knock-out. Il est aussi bon que ça.