L'image était extraordinaire. Les nouveaux mariés dans leur bel uniforme étaient sur le balcon. Devant eux, coupés de leur monde par des barrières et le protocole, des centaines de milliers de sujets applaudissaient.

Ils ont eu droit à deux baisers fort chastes et à des tatas de la main. Et des sourires.

Et tout le monde, il était content, et tout le monde, il était heureux.

Le pouvoir de la monarchie est intact. Dans le fond, ça ne sert à rien sauf à faire rêver les prolétaires et à faire bien vivre les médias qui couvrent la royauté jour et nuit, analysant et soupesant le moindre écart de conduite d'un prince.

Relisez ces paragraphes, modifiez juste un peu le contexte... et vous allez retrouver notre royauté à nous. Nos riches et nos nouveaux nobles qui, dans le fond, ne servent pas à grand-chose, mais qui font rêver les fans et les fefans et font bien vivre les médias qui les couvrent jour et nuit, analysant et soupesant le moindre écart d'un ailier du quatrième trio.

Les Anglais ont leur famille royale, nous avons les Glorieux.

C'est en constatant de visu la distance physique entre le bon peuple heureux et les princes du balcon que le lien s'est fait. Vendredi après-midi, Pierre Gauthier a été fort intéressant. Comme il l'est toujours quand il parle à ses sujets. Mais pour être bien certain d'installer la bonne distance entre lui et les prolétaires, il s'est mis à appeler tout le monde monsieur, ce qui est poli, et à vouvoyer même son bon vieux Bergie du temps des Nordiques, ce qui est fort déplacé.

À un moment donné à CKAC, Michel Bergeron a posé une question à Pierre Gauthier en l'appelant par son prénom. Gauthier a répondu avec du M.Bergeron et un vouvoiement royal: «Voyons, Pierre, depuis le temps qu'on se connaît...», a plaidé le Tigre.

Ça n'a rien changé. Le porte-parole royal est resté... sur son balcon.

Je regardais hier une journaliste de TVA qui était toute contente parce qu'un bec princier s'était donné pas loin d'elle. Elle vivait l'histoire.

Quelques jours plus tôt, un fan racontait son bonheur à la télé parce que P.K. Subban avait donné un petit coup de klaxon en sortant son véhicule du stationnement du Centre Bell: «Il a klaxonné, c'est formidable!» disait le fan.

J'en connais des dizaines qui attendent rue Saint-Antoine la sortie des carrosses royaux. Ils attendent des minutes interminables pour avoir droit à un petit tata de la main.

Depuis l'arrivée de Pierre Boivin et de Ray Lalonde chez le Canadien, et le mouvement s'est accéléré avec Bob Gainey pour d'autres raisons, on a réussi à créer une marque de commerce qui se suffit à elle-même. Le CH. Les joueurs qui portent l'uniforme n'ont plus d'importance. Comme dans la famille royale, n'importe quel con qui fait partie de la bande devient un duc ou un baron et il a droit à tous les honneurs.

À un moment donné, j'ai pensé que Céline, René et René-Charles formaient notre famille royale. Mais Céline Dion et René Angélil sont trop proches des gens pour devenir une lignée royale. Il leur manque la distance par rapport aux sujets.

Pierre Karl Péladeau et Julie Snyder sont trop passionnés. Ils sont trop identifiés à TVA. Ça ne marche pas non plus. Louis Morissette et Véronique Cloutier pourraient l'être... mais ils sont confinés à Radio-Canada, c'est mauvais pour une royauté.

Ne reste donc que les Glorieux. Vous les aimez sans condition même s'ils ne s'occupent pas de vous, vous les adorez même s'ils ne sortent plus de leur carrosse pour vous parler, d'ailleurs, ils ne parlent même plus votre langue, vous vous intéressez à tout le potinage royal qu'on tente de vous offrir, vous achetez tous les symboles de leur royauté comme on le fait à Londres autour de Buckingham Palace et finalement, vous gobez tout ce qu'on vous raconte quand un des princes gaffe en public.

Vous avez même cru aux remords de Scott Gomez hier. Je me disais que National n'aurait pas prévu meilleure stratégie de communication...

C'est vrai, j'oubliais que le frère de Geoff Molson est le président de National.

Hier, une roturière est devenue duchesse. La famille royale ennoblit tout.

Ce printemps, un Amérindien et un Noir sont devenus vos idoles. La famille royale du CH fait même disparaître les préjugés et la discrimination.

C'est formidable!

L'année de Jacques Martin

Tous mes confrères ont fait l'analyse de la saison et l'ont bien faite. La question qui reste en suspens concerne Scott Gomez. Que faire avec un joueur qui coûte encore 17,5 millions pour les trois prochaines années, mais qui surtout grève la masse salariale du Canadien de plus de 21millions?

C'est donc Geoff Molson, le roi lui-même, qui prendra la vraie décision. Pierre Gauthier va lui soumettre quelques hypothèses qui se résument à un choix. On le garde avec le Canadien et on gèle 7, 2 millions ou on l'envoie à Hamilton et on perd7 millions... mais on libère la masse salariale.

Par ailleurs, Gomez demeure un bon joueur de troisième trio, peut-être même de deuxième trio. Mais il nuit au Canadien non pas tant sur la glace où son expérience peut compenser ses lacunes que dans la comptabilité de l'équipe. Ce sont les joueurs que Pierre Gauthier ne peut pas aller chercher à cause de cet épouvantable contrat qui fait mal à l'équipe.

Cela dit, il faut rendre hommage à l'homme qui a rendu possible cette saison quand même satisfaisante compte tenu des obstacles surmontés. Jacques Martin.

Martin a su regrouper ses joueurs quand Andrei Markov et Josh Gorges ont été blessés, il a installé un système de jeu très étanche et fondé sur la discipline et l'oubli des statistiques personnelles et, à part deux ou trois exceptions d'une semaine pendant la saison, ses joueurs ont montré beaucoup de combativité.

Rien n'est parfait et il est fort probable que certains mécontents aient pu grommeler dans son dos, comme l'a rapporté Georges Laraque. Ça fait partie du métier d'entraîneur. Il est également certain que le style de jeu imposé par Martin a privé certains attaquants d'une production offensive plus éclatante. Mais en fin de compte, le but sauvé dans sa zone est aussi utile à l'équipe que le but marqué à l'autre bout. Sauf que pour gagner, il faut en marquer un de plus que l'adversaire. Et contre Boston, le Canadien de Jacques Martin a atteint la limite du système. Il lui a manqué un but... trois fois.

Quand même, Jacques Martin mérite des félicitations de Geoff Molson et la confiance des fans.

DANS LE CALEPIN Et maintenant, mon équipe devient le Lightning de Tampa Bay. Enfin, on va retrouver des Québécois...