Une nuit de mai. Marcel Couture s'apprêtait à commettre un vol dans un immeuble de l'arrondissement de Saint-Laurent. Il a tenté d'escalader la façade. Au troisième étage, il a perdu pied. Il est tombé dans le vide. Une chute de près de 15 m qui l'a rendu paraplégique.

Il se rappelle qu'il était couché sur le dos sur l'herbe humide de rosée. Il a crié à l'aide. Une femme qu'il s'apprêtait peut-être à voler quelques minutes plus tôt est venue à son secours.

 

«Regardez. Pas la tour brune, la tour grise derrière, me dit Marcel Couture, en montrant sa fenêtre.

C'est là que ça s'est passé.»

Le hasard a voulu que Marcel Couture, 44 ans, habite aujourd'hui un appartement de la rue Deguire qui offre une vue sur l'immeuble d'où il est tombé. Comment, du fauteuil roulant auquel il est cloué depuis 12 ans, peut-il endurer cette vue? Il dit que cela ne lui fait rien. Il a des regrets, bien sûr. Il s'excuse auprès de tous les gens qu'il a volés. Il sait qu'il est responsable de son sort. En même temps, en l'écoutant parler, on sent que sa vie a basculé bien avant cette nuit de mai où il est devenu paralysé.

«J'avais de bonnes raisons de mal tourner. Mais de prime abord, je ne suis pas un mauvais gars», raconte d'une voix éraillée l'homme au crâne rasé et au regard perçant.

Marcel Couture a eu une enfance comme on n'en souhaite à personne. Ballotté entre des foyers nourriciers et des centres d'accueil. Au centre d'accueil, on traitait de la même façon les petits gars qui avaient été victimes de sévices et ceux qui en avaient commis, déplore-t-il. Il trouvait cela insupportable. Il a voulu fuir.

Un ami lui avait dit que la seule façon d'être renvoyé du centre d'accueil était de se faire prendre à voler. C'est comme ça que sa carrière de cambrioleur a pris son envol. À force d'être traité comme un petit criminel, il en est devenu un. «J'entrais chez les gens quand ils dormaient. Je ramassais les portefeuilles et les montres. Je repartais.»

Il a un casier judiciaire bien garni. Toutes ses «niaiseries», comme il dit, lui ont valu 10 ans de prison et un fauteuil roulant. Pour cela, il ne blâme personne, sauf lui-même. «C'est ma faute. C'est mon ostie de faute.»

Aujourd'hui, Marcel Couture fait face à un avis d'expulsion. L'immeuble qu'il habite se trouve à être voisin du tristement célèbre 135, rue Deguire. En novembre 2008, un homme est mort dans l'effondrement d'une dalle de béton du stationnement souterrain de cet immeuble mal entretenu. À la suite de cet accident, le stationnement de l'immeuble où habite Marcel Couture a aussi dû être fermé pour des raisons de sécurité. Le hic, c'est qu'il s'agissait de son seul accès vers l'extérieur. Dès lors, il ne pouvait plus utiliser sa voiture et il s'est mis à collectionner les contraventions de stationnement. Planifier le moindre déplacement devenait un casse-tête angoissant.

Ainsi, du jour au lendemain, Marcel Couture était condamné à vivre reclus. Il n'était plus en prison, mais c'était tout comme. Sortir devenait un privilège presque inaccessible. Il a appelé la Régie du logement. On lui a dit qu'à partir du moment où le propriétaire avait cessé de faire payer le stationnement à ses locataires, il avait fait ce qu'il devait faire. Désormais, Marcel Couture devait vivre en se fiant à la bonne foi des gens. Il devait demander l'aide des agents de sécurité de l'immeuble pour qu'ils soulèvent son fauteuil roulant dans les escaliers. Une opération particulièrement risquée en hiver quand les marches étaient recouvertes de glace. Personne n'avait envie d'assumer cette responsabilité.

Marcel Couture dit avoir tenté de négocier avec le propriétaire, l'entreprise Capreit - qui ne m'a pas rappelée pour me donner sa version des faits. Selon M. Couture, le propriétaire lui a offert de déménager dans un 3 1/2 sans aucune compensation. Mais comme le logement n'était pas adapté pour les fauteuils roulants, cela revenait à échanger un problème contre un autre.

Ayant perdu toute liberté de mouvement, Marcel Couture a décidé de se faire justice lui-même, même si tous ses amis lui disaient qu'il se tirerait dans le pied. À partir de novembre, il a cessé de payer une partie de son loyer. Depuis, il passe sa vie au téléphone entre la Régie du logement, l'aide juridique, des organismes d'aide aux personnes handicapées qui, dit-il, désabusé, emploient des «gens debout» qui ne font que compiler des statistiques pour obtenir des subventions.

On lui a conseillé de faire appel à un avocat. Il a trouvé une avocate qui acceptait de défendre sa cause. Mais son bureau était inaccessible aux fauteuils roulants...

Cette semaine, Marcel Couture a reçu un avis de la Régie lui confirmant qu'il était expulsé. Il ignore s'il aura encore un toit demain. Quoi qu'il en soit, il sait qu'il va s'en sortir. Il est débrouillard, il a une grande gueule, il a des amis, il a du soutien. Il a aussi un bon sens de l'humour, bien utile dans les circonstances. Mais quand il pense à tous ceux qui n'ont rien de tout cela, il s'inquiète. «Je sais qu'on va dire: Marcel Couture, vous pouvez bien chialer, vous êtes un vieux bandit. Mais ça ne dit pas qui je suis...»

Qui est Marcel Couture? Un jour, promet-il, il se révélera.

«Je veux m'inscrire à l'École nationale de l'humour.

- C'est une blague?

- Non! C'est sérieux!»

Ex-cambrioleur, paraplégique et humoriste. Je réserve tout de suite mon billet pour le one man show.