Manque de temps, manque de soutien, manque de formation, manque de ressources. Les éducatrices des CPE qui se dévouent corps et âme pour des enfants handicapés ou ayant des besoins dits «particuliers» ont trop souvent le sentiment de ne pas avoir tous les outils pour le faire, révèle un sondage mené par les Syndicats des intervenantes en petite enfance.

Quiconque a déjà côtoyé des éducatrices passionnées - le féminin inclut ici le masculin - sait que ce travail est une véritable vocation. Veiller au bonheur de huit ou dix enfants en même temps est un art trop peu reconnu. S'il est vrai qu'on n'est jamais si grand que lorsqu'on est à genoux pour aider un enfant (dixit Pythagore), les CPE sont peuplés de géantes. Des géantes qui font parfois toute la différence dans la vie d'un enfant.

Mais même les géants ont parfois besoin d'aide. S'occuper de huit ou de dix enfants est déjà en soi une mission complexe et exigeante. Quand l'un de ces enfants a un trouble du comportement ou du langage, les éducatrices ont trop souvent l'impression de manquer de ressources.

À Montréal, une étude de la Direction de la santé publique a montré qu'un enfant sur trois est déjà vulnérable au moment de son entrée en maternelle. Dans son plan de lutte contre le décrochage «L'école, j'y tiens!» lancé en grande pompe l'automne dernier, le ministère de l'Éducation reconnaît que la petite enfance est un des «moments névralgiques» du cheminement scolaire. La prévention ainsi que le dépistage et l'intervention précoces sont «les premières actions pour soutenir la réussite», dit le Ministère. «Prévenir l'échec scolaire nécessite donc d'agir tôt, au cours de la petite enfance et dès l'entrée à l'école.»

Pour les grands principes, donc, tout le monde s'entend. C'est dans l'application de ces principes que ça se gâte. La plupart des éducatrices estiment que leur formation en techniques d'éducation à l'enfance ne les a pas suffisamment préparées à certaines réalités. Même si le ministère de l'Éducation prétend le contraire, près de 80% des éducatrices consultées disent ne pas avoir reçu de formation spécifique sur l'intégration des enfants à besoins particuliers. Si on considère que la prévention dès la petite enfance est une priorité, il faudrait être plus conséquent et miser sur une formation générale plus complète et davantage de formation continue.

Les études reconnaissent en choeur l'importance de l'intervention précoce. On sait fort bien que la prévention dès la garderie n'est pas une dépense, mais un investissement. Mais les ressources ne suivent pas toujours les beaux discours. La majorité des éducatrices sondées considèrent que les subventions reçues pour offrir des services de qualité aux enfants à besoins particuliers sont insuffisantes. Le ministère de la Famille offre une subvention de 37,30 $ par jour pour favoriser l'intégration d'un enfant handicapé en CPE. C'est plus qu'avant - la subvention n'était que de 25 $ en 2002-2003. Mais cela ne correspond tout de même qu'à une heure et demie de salaire pour une éducatrice spécialisée et à moins de 30 minutes pour une ergothérapeute ou une orthophoniste. Dans un contexte où le système de santé, avec ses abominables listes d'attente, tarde à offrir aux enfants les services auxquels ils ont droit, c'est trop peu. On dira que c'est mieux que rien, mais là encore, si on reconnaît la valeur de l'intervention précoce, le «mieux que rien» ne suffit pas, surtout pour les familles qui n'ont pas le luxe de se tourner vers des services privés.

L'an dernier, 30 millions ont été consacrés par le ministère de la Famille à l'intégration des enfants handicapés, soit presque trois fois plus qu'en 2001. Même si on peut saluer les efforts faits dans ce domaine depuis 10 ans, il y a lieu d'exiger davantage, en gardant en tête le fait que les ressources investies dès la petite enfance permettront dans bien des cas d'éviter un fardeau plus lourd à l'État à long terme. Ça, les géantes des CPE le savent très bien. Il faudrait maintenant les écouter.