À quand des quartiers sans voitures à Montréal? A priori, l'idée peut sembler farfelue. Mais elle est très sérieuse et tout à fait viable.

Hier, dans le cadre d'un symposium organisé par le Centre d'écologie urbaine de Montréal et le Goethe-Institut en marge de la semaine En ville sans ma voiture, des experts européens sont venus expliquer comment certaines villes aménagent des quartiers conviviaux où tout est pensé en fonction de la marche, du vélo, des transports en commun et du covoiturage. L'idée est maintenant de savoir comment Montréal pourrait s'en inspirer (*).

Les quartiers sans voitures qui poussent dans certaines villes d'Europe sont avant tout des initiatives citoyennes. Il y a cinq ans, dans le cadre d'un reportage à Amsterdam, j'ai visité un de ces quartiers qui avait ainsi vu le jour à la suite d'une simple petite annonce dans le journal. «Seriez-vous intéressés à participer à un tel projet?» disait l'annonce. Six mille personnes avaient répondu à l'appel. Des intégristes verts? Pas du tout. En fait, ce qui séduit surtout dans ce genre de projet, ce n'est pas tant l'idéal écolo que la recherche d'un environnement urbain agréable, notamment pour les familles. Il s'agit de projets faits sur mesure pour des citadins consentants qui veulent avoir les avantages de la ville sans ses inconvénients (circulation automobile, bruit, pollution, etc.).

Rien ne justifie que Montréal n'ait pas aussi des quartiers sans voitures où la qualité de vie est mise à l'honneur. L'idée n'est certainement pas de bannir de façon catégorique l'usage de l'auto dans l'île, mais de déterminer dans un premier temps les secteurs où il serait possible et même agréable de s'en passer. On songe notamment aux nouveaux ensembles résidentiels dans des quartiers centraux à densité élevée. Pour que le projet fonctionne, ces secteurs doivent être bien desservis par les transports en commun. On doit pouvoir aussi y trouver des services de proximité (écoles, garderies, commerces, etc.). «L'idée, c'est que les gens ne sont pas obligés d'être propriétaires d'une voiture», m'a dit le conférencier Markus Heller, architecte berlinois qui dirige l'ONG Autofrei leben (Vivre sans voiture).

À partir de là, il ne s'agit pas d'enfoncer le projet dans la gorge de qui que ce soit, mais bien de miser sur une approche pragmatique. «Si les gens le demandent, on devrait pouvoir le leur offrir», a expliqué la conférencière Ulrike Reutter, de l'Institut de recherche pour le développement urbain et régional de Dortmund, en Allemagne.

Cela dit, même si les quartiers sans voitures sont avant tout des projets citoyens, ils ne peuvent voir le jour sans l'appui de la municipalité, qui doit investir pour des aménagements urbains adéquats. Si la responsable des transports à la Ville de Montréal, Manon Barbe, dit qu'il s'agit «d'une initiative intéressante à explorer», le fait est que ce n'est malheureusement pas demain la veille que l'on pourra aller couper en Bixi le ruban rouge du premier quartier sans voitures.

Le Plan de transport adopté en 2008 promettait pourtant de «redonner aux résidants des quartiers montréalais la qualité de vie qui leur revient». S'inspirant du Plan de déplacement de Paris, il proposait de créer des quartiers verts, c'est-à-dire des secteurs dont l'aménagement a été repensé pour favoriser davantage la marche, le vélo et l'accès aux transports en commun.

Les quartiers verts sont en quelque sorte des petits cousins plus modérés des quartiers sans voitures. L'idée fait son chemin. Depuis deux ans, le Centre d'écologie urbaine de Montréal a mis sur pied des projets pilotes intéressants de «quartiers verts, actifs et en santé» dans les secteurs de Mercier-Est, Parc-Extension, Plateau-Est et NDG Sud-Est.

À l'heure où Montréal peine à retenir ses familles qui s'exilent vers une banlieue qui leur paraît plus verte, ces projets sont prometteurs. Mais un fait demeure: sans financement adéquat ni réelle réflexion de la Ville sur le sujet, une belle promesse verte n'est qu'une promesse en l'air. Malheureusement, deux ans après l'adoption du Plan de transport, si on peut applaudir par exemple la réduction de la limite de vitesse à 40 km/h ou l'implantation du Bixi, Montréal ne peut se vanter d'avoir beaucoup investi dans l'aménagement de quartiers verts. À ce chapitre, le bilan du Plan de transport, récemment dévoilé par la Direction des transports de la Ville, est plutôt maigrelet. On y indique que, deux ans plus tard, le projet de «quartiers verts» est encore au stade de prégestation - officiellement en «phase P1» d'identification. Il faut encore étudier «les divers concepts d'application» avant de prendre une décision et d'en arriver, un jour peut-être, à l'inauguration d'un vrai quartier vert (phase P4).

Deux ans pour en arriver là? Deux ans pour un projet de quartiers verts toujours sans vision? À ce rythme, les cousins sans voitures peuvent aller se prendre un numéro.

* Des experts d'Europe présenteront ce midi à l'agora du complexe Desjardins des idées qui peuvent inspirer Montréal pour vivre sans voiture toute l'année. Une autre conférence intitulée «Changer de conduite: idées européennes pour des quartiers sans voitures» aura lieu ce soir à l'Université McGill, à 18h30 (gratuit, inscription requise). Information: https://www.ecologieurbaine.net/quartiers-sans-voitures