En politique comme au football, il faut y aller «verge par verge». C'est Larry Smith, ex-star du football et candidat-vedette du Parti conservateur, qui l'a dit durant la campagne.

La stratégie de l'ancien président des Alouettes, candidat dans la circonscription de Lac-Saint-Louis, n'a pas porté fruit.  Au moment de mettre sous presse, Larry Smith n'était ni premier, ni même deuxième, mais bien troisième. Dans la petite salle sans télé du Holiday Inn de Pointe-Claire qui devait accueillir ses partisans, beaucoup de soupirs et des bâillements. On comptait en fait plus de journalistes que de partisans. Quelques bénévoles sont allés se coucher avant le dévoilement des résultats.

Ses proches le disaient nerveux. Le sénateur Jacques Demers est venu lui rendre visite pour détendre l'atmosphère. Larry Smith ne comptait pas parler aux journalistes avant de savoir. À minuit, on savait, mais on attendait toujours. Le candidat s'est finalement pointé peu après minuit. «Nous sommes dans une course qui est bien serrée. Nous attendons les résultats», a-t-il dit, la voix éraillée, avant de saluer le travail de son équipe et de lancer des fleurs à Stephen Harper. «La partie n'est pas finie!»

Depuis près de 20 ans, Lac-Saint-Louis demeure une de ces mythiques «forteresses» libérales. Aux dernières élections, en 2008, le candidat libéral Francis Scarpaleggia l'a emporté par près de 12 000 voix. Ça fait bien des verges à franchir pour passer du rouge au bleu.

Les conservateurs n'ont pas réussi à faire élire un seul député dans l'île de Montréal depuis 1988, à l'époque où Brian Mulroney était chef du Parti progressiste-conservateur. Au début de la campagne, ils espéraient que la popularité et le parcours de Larry Smith leur permettraient de faire une percée dans l'Ouest-de-l'Île. Ils lui ont promis un siège au cabinet en cas de victoire.

Au cours la campagne, les sondages indiquaient cependant que, à moins d'un revirement de dernière minute, il n'y aurait pas de percée conservatrice dans la métropole. Ils entrevoyaient un peu plus d'orange que d'habitude dans le paysage électoral. Au moment de mettre sous presse, le candidat du Nouveau Parti démocratique dans Lac-Saint-Louis, Alain Ackad, talonnait son opposant du Parti libéral, toujours premier.

Larry Smith a démissionné du poste de sénateur qu'il occupait depuis décembre pour se lancer dans la course électorale. Se disant allergique à la langue de bois, il s'est présenté aux électeurs comme un homme d'affaires engagé dans sa communauté qui n'hésite pas à dire ce qu'il pense. Mais, ironiquement, la campagne de cet ancien éditeur de The Gazette a surtout été marquée par des faux pas médiatiques. Il a d'abord déclaré dans une entrevue au Devoir que les jeunes ne se préoccupaient plus de la défense du français au Québec et que cette lutte appartenait au passé. Il a semé la controverse une autre fois en déclarant à La Presse Canadienne qu'il était «normal» que les circonscriptions représentées par des membres du parti au pouvoir reçoivent plus d'argent d'Ottawa. Stephen Harper ne l'a pas contredit.

«Parler à des journalistes sportifs après un match des Alouettes, c'est une chose. Parler à des journalistes aguerris qui couvrent la politique, c'en est une autre», m'a dit Jacques C. Gagnon, ancien directeur des communications de l'ex-ministre conservateur Michael Fortier, qui a appuyé Larry Smith dans sa campagne.

Sur le terrain, Larry Smith a misé sur des enjeux locaux. Sa priorité: augmenter la fréquence des trains dans l'Ouest-de-l'Île. Mais si, comme il l'a dit, il est «normal» que ceux qui votent conservateur reçoivent plus d'argent d'un gouvernement conservateur, tout semble indiquer que les Montréalais devront attendre le prochain train.