Au printemps dernier, nous avons lancé un défi à nos chroniqueurs: couvrir une activité dans un domaine qui leur est totalement étranger, puis raconter leur expérience, avec ses hauts et ses bas. Aujourd'hui, Rima Elkouri s'initie à la chronique chasse et pêche en suivant son cours de permis de port d'arme à feu. Une incursion dans un monde où les «dames» sont confrontées à des chasseurs à l'humour un peu particulier qui jonglent avec les anglicismes et le chien du fusil.

«Chéri, je vais suivre un cours pour obtenir un permis de port d'arme.»

D'abord, il ne m'a pas crue. Ensuite, il a eu peur.

J'avoue que moi-même, je ne me suis pas crue non plus. Je suis incapable de manier une tapette à mouches. Un fusil de chasse? Impossible.

Je me suis pointée au cours un samedi à 8h15, avec un stylo, un calepin et une légère appréhension. La salle était bondée. Une trentaine de futurs porteurs d'armes. Des hommes portant la casquette en grande majorité. Quatre femmes appelées ici «les dames». Avec moi, ça faisait donc cinq dames qui voulaient chasser.

À l'avant de la salle: deux moniteurs un peu sourds aux airs de chefs scouts. «Vous êtes à la bonne endroit pour votre maniement des armes à feu», a dit le premier, un chasseur de canards à l'humour particulier, croisement entre Claude Poirier et le sergent Bigras. Il roulait ses «r» et avait tendance à confondre le masculin et le féminin, sauf quand il faisait en gloussant des blagues sur les «épouses». «Je suis rendu sourd surtout quand ma femme me demande de l'argent!»

L'aide-moniteur, sympathique chasseur d'original qui roulait aussi ses «r», a distribué le manuel de l'élève. C'était un grand moustachu aux airs de Lucky Luke. Un homme de peu de mots. Dans ses phrases, peu de verbes, d'articles ou de prépositions. Quand il parlait, j'avais l'impression qu'il tirait des balles de plomb. «Arrmes à feu: pas dangerreux. Gars qui manipule arrmes à feu: dangerreux.»

On nous a expliqué le déroulement de la journée. En matinée, un cours magistral. En après-midi, une vidéo. Entre les deux, une pause pour le lunch où il faudra étudier. En fin d'après-midi, deux examens: un test écrit et un test pratique. Note de passage exigée: 80% pour le premier; 70% pour le deuxième. Si le test est réussi, on peut obtenir un permis de maniement des armes à feu qui nous autorise à faire une demande de permis d'acquisition. C'est compris? O.K., on commence.

L'examen français est malheureusement plus difficile que l'examen anglais, a averti le chasseur de canard. Le cours de maniement des armes à feu en français est avant tout une grande leçon de vocabulaire. «Souvent, en français, on a des angliciss», a-t-il précisé. «Ça, par exemple, nous, on appelle ça un rack «, a-t-il dit en montrant le présentoir sur lequel étaient posés cinq fusils de chasse. «Le mot pointu en français, c'est râtelier.»

Afin de réussir l'examen, le chasseur de canard nous a d'abord invités à étudier les mots du «glossière» (glossaire). J'y ai appris qu'une chevrotine n'est pas un pain au chèvre chaud, comme je le croyais. «C'est les grenailles pour le gros chevreuil. Tu tires pas un canard avec ça!» O.K., bien noté.

J'ai vite compris que, pour ne pas échouer à l'examen, il faudra savoir appeler un chat un chat et se rappeler qu'un chien n'est pas un chien. Le chien est l'élément basculant d'un mécanisme de mise à feu. En l'observant, j'ai enfin compris le sens de l'expression «dormir en chien de fusil».

J'ai été très surprise d'apprendre que les canons avaient une âme. Ou enfin «un» âme, comme le dit le chasseur de canard. «On sait que l'être humain a un âme. Mais à l'intérieur d'un canon, il y a un âme aussi. Les Anglais appellent ça board.»

Les âmes ne sont pas toutes pareilles. Il y en a des lisses. Il y en a des lisses cylindrées. L'essentiel est de toujours «examiner l'âme du canon». Comment? À l'aide d'un «écouvillon», qui n'est pas, comme je l'ai d'abord cru, un homme ayant subi une délicate ablation. L'écouvillon est une longue brosse qui permet de nettoyer son canon.

Je m'imaginais déjà à l'aube, revêtant ma chemise à carreaux, penchée sur mon arme, un jour de chasse à l'original. «Chérie, qu'est-ce que tu fais debout à cette heure-là?

Je nettoie mon âme avec un écouvillon.»

J'ai appris ensuite que les cartouches, comme les chasseurs, pouvaient avoir des «bourrelets», par lesquels elles sont saisies et éjectées de la «chambre», qui est la partie arrière du canon.

J'ai finalement compris le sens de l'expression «faire long feu» que l'on emploie souvent à l'envers. Un long feu est un retard d'allumage ou une défectuosité de mise à feu. C'est lorsque l'on appuie sur la gâchette et que rien ne se passe immédiatement. Par mesure de sécurité, il faut alors compter jusqu'à 60 en pointant toujours dans une direction sécuritaire, nous a prévenus le chasseur de canard.

Après la leçon de vocabulaire, nous sommes passés aux choses sérieuses. Le chasseur d'orignal a expliqué les quatre règles vitales de sécurité dans le maniement des armes à feu, appelées TPTO pour les intimes. T: traitez toute arme comme si elle était chargée. P: pointez toujours dans une direction sécuritaire. «Pointez pas sur votre beau-frère!», a précisé le chasseur. O.K. T: tenez le doigt éloigné de la détente et à l'extérieur du pontet, qui est l'arceau métallique entourant la détente. O: ouvrez le «mécaniss» pour s'assurer que l'arme ne contient aucune munition.

Le chasseur d'orignal de peu de mots a ensuite donné quelques conseils avant d'acheter une arme. «Ça coûte cher, arme à feu.» Il a suggéré de bien s'informer «sur le réseau internet» ou d'y aller avec un «compagnon» qui connaît ça.

Il a été question après du «calibre de l'âme». «Si le calibre est de 10, mets pas un 12, tu vas avoir une surprise.»

Ensuite, quelques principes de base: ne pas tirer sur une outarde avec un calibre 410. Ne pas tirer sur un canard avec de la chevrotine pour gros chevreuil. Ne pas tirer sur un orignal avec une balle de calibre 22. Pas «humain». Ne pas tirer quand on tremble, boit ou est en procédure de divorce. Préférer la position couchée pour tirer, qui est la plus stable qui soit. Mais ne pas se coucher en chien de fusil, surtout pas dans un marécage avec des alligators affamés. O.K., bien noté.

Il a fallu aborder ensuite la délicate question des responsabilités sociales des propriétaires d'armes à feu. Le chasseur de canard a parlé de la tragédie de Polytechnique et de celle de Dawson, déplorant surtout les conséquences que ces drames ont eues pour les chasseurs. Après la tuerie de Dawson, la loi a été changée pour que l'on ne puisse plus aller à un champ de tir en autobus, son arme sous le bras, a-t-il précisé à regret. Quoi? On pouvait avant?

Le chasseur a rappelé que la cause principale de morts impliquant une arme à feu n'est pas l'homicide (14% des morts), mais bien le suicide (81%). D'où l'importance de l'entreposage correct de son arme et de s'assurer qu'elle soit verrouillée. Les armes dans une armoire sous clé. Les balles dans une autre armoire sous clé.

En après-midi, on nous a montré une vidéo éducative mettant en vedette une chasseuse exemplaire et son compagnon nous expliquant comment bien ranger un fusil. La vidéo reprenait les consignes de sécurité élémentaires. On nous y rappelait l'importance de l'examen de l'âme du canon.

En fin d'après-midi, c'était l'heure du verdict. Ce n'est pas comme les examens de français du Ministère. Pas le droit à nos notes ni au glossaire. Il y avait d'abord une série de «vrai ou faux» et de questions à choix multiples. «Il s'agit de trouver la bonne réponse», a-t-on précisé, au cas où quelqu'un aurait cru que l'on s'attendait à ce qu'il trouve les fausses réponses.

Ça s'est compliqué un peu lors de l'examen pratique en deux parties. On ne pouvait plus simplement mettre des x en toute discrétion. Il fallait se commettre. Accepter de s'humilier. À ce moment précis, je serais volontiers partie à la chasse pour perdre ma place.

Dans un premier temps, le chasseur d'orignal m'a demandé d'identifier les types de fusils posés sur le râtelier. Carabine à verrou? Carabine à levier? Carabine semi-automatique? J'ai haussé les épaules. Je me sentais aussi à l'aise que si je venais de croiser une famille d'ours. Il m'a demandé quel cadenas convenait à quel fusil. Aucune idée. Il m'a demandé de franchir un obstacle imaginaire en portant une arme bien réelle. Je me suis alors rappelé la petite vidéo et ai pris soin de ne pas me tirer dans le pied ni de pointer le chasseur en franchissant la clôture. Ouf! C'était au moins ça de pris.

Ensuite, le chasseur de canard m'a demandé de lui montrer comment je sais manier une arme. J'aurais certainement réussi, n'eût été un seul petit problème: je ne savais pas comment faire. «Vous savez, je n'ai jamais manié un fusil de ma vie...», ai-je dit, comme si ce n'était pas assez évident. Il m'a lancé un regard empreint de pitié.

Nous devions recevoir les résultats de l'examen par la poste. Quelques semaines plus tard, une enveloppe du ministère des Ressources naturelles et de la Faune m'attendait dans la boîte à lettres. En l'ouvrant, j'ai craint le pire. Avec raison. «Ci-inclus votre certificat de réussite du Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu.» J'étais bouche bée. Contente? Non. Inquiète. Car si je l'ai obtenu, c'est bien la preuve que n'importe qui peut en obtenir un.