Le match États-Unis-Slovénie a été un peu rude, les cartons jaunes apparaissaient souvent, les joueurs ne se faisaient pas de cadeaux.

Et chaque fois qu'une collision ou un corps à corps se produisait, l'Américain se relevait tout de suite sans se plaindre alors que le Slovène restait au sol, le visage dans les mains, se tordant de douleur comme s'il était en train d'agoniser. Mine de rien, ces scènes-là sont responsables de la lente progression du soccer en Amérique du Nord. Pour nous, de telles tactiques sont de la tricherie, de l'hypocrisie, elles dégradent le sport et elles nous tombent sur les nerfs.

 

Les équipes de l'hémisphère Sud, Argentins en tête, et les Italiens sont les plus manipulateurs. Je m'en plaignais à un ami français et voici l'explication qu'il m'a fournie: ils tentent d'influencer l'arbitre, évidemment, et ils savent que les arbitres n'ont pas droit à la reprise. Le soccer s'obstine à bannir les reprises pour les officiels.

Sauf que nous, on voit tout et ce n'est pas beau.

Un des Américains, Bradley je crois, a fait une très violente chute et je pensais bien qu'il ne se relèverait pas. Mais il était debout tout de suite, il s'est essuyé le visage qui s'était enfoncé creux dans la pelouse, il a vérifié si sa cheville fonctionnait encore et il a poursuivi. Pendant ce temps, le Slovène, que Bradley avait à peine accroché, sortait sur une civière.

Les officiels pénalisent de plus en plus ceux qui trichent, qui se laissent tomber, qui se plaignent... mais pas assez à notre goût de Nord-Américains.

Les Fennecs

On se sentait un peu dans le Sahara par moments hier après-midi dans le tronçon de la rue Jean-Talon Est surnommé le Petit Maghreb. La police était installée, elle avait fermé la rue à la circulation et collé des affiches demandant aux gens de fêter avec respect.

Au café Le Fennec, le match Angleterre-Algérie est déjà commencé. Un fennec est un renard du désert et le symbole de l'équipe nationale de soccer, m'explique-t-on gentiment.

Le Fennec est un café traditionnel, où les femmes ne sont pas présentes. Rien que des hommes qui encouragent leur équipe en arabe - et c'est joli à entendre - et un peu en français. Parfois quelqu'un fait une blague en arabe et tout le monde rit. L'arbitre a toujours tort, bien sûr, et il en prend pour son rhume, on n'a même pas besoin de comprendre l'arabe.

En face, au café Le Buteur, c'est la place des jeunes, garçons et filles, et des tam-tams. Les ados ont séché les cours, les filles, voilées ou pas, zieutent les garçons, et vice versa. À côté, au BBQ Doré, les merguez et kefta frites côtoient le cheeseburgers et la pizza. Bref, une belle journée.

L'Algérie revient à la phase finale de la Coupe du monde pour la première fois depuis 1986. Un jeune un peu intello m'explique: «Vous connaissez peut-être l'histoire de l'Afrique du Nord pendant ces années-là. Ça nous causé un grand vide en football...»

Après une défaite crêve-coeur contre la Slovénie dans le premier match, les Algériens affrontaient une équipe prestigieuse. À la fin du match nul, les cafés et restaurants se sont vidés. On aurait cru que l'Algérie avait gagné. «C'est une belle surprise pour nous. Il faut montrer que nous sommes de niveau après cette longue absence», me dit un monsieur.

Mon ami un peu intello: «Bon, c'est mieux qu'une défaite, mais on croyait vraiment pouvoir gagner. Ce nul est un signe d'espoir. Nous sommes toujours qualifiés. Si nous battons les États-Unis et que les Anglais perdent ou annulent contre la Slovénie, nous passons au deuxième tour! Mais le plus important pour moi, c'est que toute l'Algérie, toutes les factions font la trêve pour se ranger derrière les Fennecs.»

Les gens du Petit Maghreb ont ensuite défilé dans la rue et fêté, dans le plus grand respect. Pas de problèmes avec eux.

J'ai ramené de vraies merguez et des pâtisseries de La table fleurie d'Algérie qui sont tellement belles que ça fait de la peine de les manger.