Philippe Bastien a commencé à nager à 17 ans dans un milieu où les jeunes débutent à 7 ans. Il voulait faire du triathlon, en fait, mais il devait apprendre à nager correctement.

Puis les entraîneurs de la Blue Machine du club Saint-Lambert, où il habite, ont vu quelque chose et l'ont convaincu de nager sérieusement. «J'ai commencé avec des jeunes de 13-14 ans, puis j'ai gravi les échelons jusqu'à ceux de mon âge.»

Le 26 juillet dernier, aux championnats canadiens à Victoria, Philippe Bastien décrochait une médaille de bronze des plus inattendues.

«Mon but était de me classer pour la finale C. Mais je me suis classé dans la finale B. Et puis, il y a eu des désistements dans la finale A et on m'a accordé la dernière place, la huitième, dans un corridor extérieur. Personne ne savait qui j'étais.

«Quand je me suis présenté à la piscine, je tremblais de partout. (L'entraîneur) Nicolas (Zazzeri) m'a pris dans ses bras et m'a calmé. C'est un de mes beaux souvenirs de la compétition. On venait de tellement loin tous les deux.»

Et puis paf! Médaille de bronze au 50 mètres papillon (25,2 secondes). Dans ce cas, le mot incroyable est juste.

«Je n'en revenais pas. Nico pleurait. J'avais réussi le standard seulement trois semaines plus tôt et je me retrouvais avec une médaille aux championnats canadiens!»

L'ennui et la routine...

Il faut savoir que la natation est l'un des sports où le décrochage est très élevé. L'entraînement est dur, mais aussi répétitif. Il peut devenir abrutissant. Des heures et des heures à souffrir sans voir ce qui se passe autour, sans parler, sans s'amuser avec des coéquipiers. Juste une ligne droite et des douleurs un peu partout.

Nicolas Zazzeri, originaire de Nice et entraîneur-chef du club Saint-Lambert: «Philippe est frais! C'est un avantage non négligeable. Il ne s'entraîne pas depuis qu'il a 7 ans, il n'a pas eu le temps de s'écoeurer.

«En natation, il y a les précoces qui raflent tout à 15 ans, comme Michael Phelps. Mais la précocité n'est pas la norme, ni le passage obligé. Le Canadien Rick Say a commencé à nager à 18 ans et il a participé à trois olympiades!

«L'entraînement peut facilement être ennuyant. Mon travail consiste à ce qu'il ne le soit pas. Les jeunes s'entraînent avant et après leurs heures de classe. En janvier, février, mars, ils se lèvent à 5h, se rendent à la piscine en pleine noirceur, dans le froid matinal... pour aller souffrir dans la piscine.»

Comment Philippe arrive-t-il à ne pas tout jeter en l'air?

«On s'installe dans une routine. Vraiment. On se motive en se fixant des objectifs. Mais les entraîneurs de Saint-Lambert ont une méthode à eux, qui demande moins de gestes routiniers, moins de temps. Je suis quand même celui que Nico a le plus engueulé.

«C'était bien de gagner ensemble à Victoria. Au cours de l'année, plusieurs nageurs ont décroché. À la fin, nous étions seulement deux avec Nico...»

Et puis quoi?

Qu'est-ce qu'on fait maintenant?

Il y a des Jeux olympiques à Londres en 2012 et ceux de Rio en 2016...

«Je n'ai vraiment jamais pensé à ça! Tout est arrivé trop vite. Pour 2012, je crois que c'est beaucoup me demander. Je vais nager encore deux ans et voir comment ça va.»

Il faut savoir que Philippe a le physique de l'emploi: 6'2, mince, avec des épaules très larges.

À 21 ans, il étudie en économie à l'Université Concordia. Il pense au marketing, il rêve d'avoir un restaurant, de demeurer dans le sport.

Fils d'un papa très sportif, il a aussi un frère cadet qui est receveur de passes avec les Stingers de Concordia.

«Mon père nous faisait faire des concours de chin-ups quand j'avais 5 ans. Jusqu'ici, mon frère, qui a un an de moins, a toujours été la vedette sportive de la famille. Mais je pense que j'ai pris le dessus avec ma médaille.»

Voilà qui console des longues et assommantes heures d'entraînement.

Photo: François Roy, La Presse

Philippe Bastien a décroché une médaille de bronze des plus inattendues au 50 mètres papillon des Championnats canadiens, à Victoria, en juillet dernier.