On se rend à une course de vélos et on découvre une sorte de tombola qui fait un peu village de France, avec des tentes et des stands qui vous présentent des produits souvent inconnus. On a envie de mâchonner un saucisson et une baguette et de crier: Allez Poupou!

C'est pour Raymond Poulidor, «l'éternel deuxième», qui est peut-être mort aujourd'hui, mais qui avait frappé mon imagination dans une autre vie. Et vous avez là à peu près toute la profondeur de ma culture de courses de vélo.

Le départ était prévu à 12h15, alors je suis arrivé à midi pour ne rien manquer. C'est là qu'on m'a informé que la course durait cinq heures. Cinq heures! Je pensais entre deux et trois heures.

Qu'est-ce qu'on fait pendant tout ce temps, parce qu'on ne voit pas souvent les cyclistes? Si c'est pour regarder la course sur un écran, j'aurais pu le faire à la maison.

Et puis les voilà qui passent et on sait pourquoi on est venus. C'est vraiment beau. Allez Poupou!

Mais ils sont vite disparus, nous laissant le même problème. Quoi faire pendant cinq heures? Heureusement, le lieu est on ne peut plus agréable. Alors on marche, on observe et on s'arrête pour bavarder avec des connaissances, des collègues, des étrangers qui sont bien disposés à bavarder parce que les cyclistes, on ne les voit pas souvent.

Tiens, voici Marc Lacelle... Ne me dites pas que vous ne vous souvenez pas de lui. Le porteur de ballon des Alouettes, le numéro 26, au temps où il n'y avait à peu près pas de francophones dans la LCF?

Lacelle et Gabriel Grégoire étaient des pionniers.

Marc m'a présenté sa femme et son fils, un costaud. Il m'a parlé de Robert Duguay, son journaliste préféré. On a bavardé longtemps.

Et puis revoici l'échappée, suivie du peloton! Magnifique! Allez Poupou!

On croisait aussi des guerriers du Moyen Âge, vêtus de cuir, avec des lances et des boucliers. Ils allaient combattre, comme tous les dimanches, quelque part sur le mont Royal. Parfois ils sont près de 200. Ils se roulent dans le sable, se salissent, quelques-uns se sont occis devant nos yeux. Drôle de passe-temps, mais j'en connais des encore plus bizarres... Comme collectionner des baromètres, le hobby d'un de mes voisins à Rosemont. Il vous disait la température sans regarder un thermomètre.

Mais je m'égare...

Voici Serge Arseneault, grand responsable de la compétition. On se côtoyait à son époque radio-canadienne. Il est toujours grand, beau et costaud, le salaud. Toujours le look Hollywood. Il y a toujours des dames qui veulent lui parler et le féliciter pour son beau travail. Les dames avaient raison hier. Ce rendez-vous sportif était parfaitement bien organisé.

«J'avoue que je ne suis pas un expert en cyclisme, mais je sais comment organiser une course», m'a dit Serge, mais je crois qu'il s'adressait à quelqu'un d'autre.

Voici sa méthode: «Les cyclistes sont très gentils. Même s'ils sont les meilleurs au monde, ils me demandent toujours s'il y aura des spectateurs. Ils veulent courir devant une belle foule, ils en ont besoin.

«Alors je les traite comme des princes. Le Château Frontenac à Québec, le Delta du centre-ville à Montréal. En Europe, ils logent dans des petits hôtels pas toujours bien.

«Pour le voyage entre Québec et Montréal, ils ont pris le train. L'autobus n'est pas bon pour leurs jambes. En avion, on perd trop de temps à l'aéroport.

«VIA Rail m'a offert tous ses wagons de première classe. J'ai placé les coureurs dedans et leurs patrons en classe affaires. En Europe, c'est le contraire. Et pourquoi le Delta? Parce qu'il se trouve à 45 secondes de la gare.

«C'est dans les détails comme ça qu'on les rend de bonne humeur. Ils nous remercient en faisant de belles courses. Ils ne boudent pas.»

Le temps a passé et nous en étions aux derniers tours. L'action a commencé pour de vrai. Allez Poupou!

À ce moment-là, on devient tous des fous de courses de vélo, on souffre avec les coureurs, on les encourage.

Un Néerlandais presque aussi mince que son vélo a gagné. La foule l'a acclamé fort, les gens sont allés le toucher et je vous jure que le gars était très content.

Deux jolies dames ont remis des bouquets aux trois premiers. Le maire Tremblay n'a pas été hué, ce qui représente une sorte de victoire.

On se dit alors qu'on reviendra la prochaine fois, que ça valait le déplacement. Mais il vaut mieux arriver vers 15 h, mettons.