De plus en plus, lorsqu'une personnalité sportive décède, je reçois un appel du bureau. Peux-tu nous en parler ? Tu l'as connu !

C'est moi ou bien Réjean. Le temps a fait que nous avons connu beaucoup de monde et le temps a fait aussi qu'ils sont portés sur le cimetière. Si la tendance se maintient, et il n'y a aucune raison pour qu'elle ne se maintienne pas, cette chronique deviendra de plus en plus nécrologique.

Il y a trois semaines, le journaliste Jean-Paul Sarault est décédé. Il avait 79 ans.

Je le voyais souvent, puisqu'il habitait tout près de chez moi. On bavardait sur le trottoir, on rigolait avec plaisir.

Jean-Paul est un des derniers spécimens d'une race de journalistes qui n'arrivaient pas dans le métier avec une maîtrise en communication. Il n'y avait pas de cours de communication à son époque.

Le milieu avait tendance à accueillir des profs désabusés et des aventuriers, débrouillards et bons vivants, des bohèmes souvent portés sur la fête, l'alcool et le gambling. Même phénomène chez les journalistes anglos du Montreal Star, du Herald, de The Gazette et autres...

Jean-Paul était de ceux-là. Un homme brillant et marginal qui, comme ses collègues du temps, se fendait toujours en quatre pour aider un jeune débutant. Quand je suis arrivé à l'hebdo Dimanche-Matin à 18 ans, Guy Émond m'a pris sous son aile et m'a ouvert bien des portes. On ne voit plus tellement ça de nos jours.

Mais Guy, comme Elvis son idole, ne mourra jamais.

Le hasard a fait que je rencontre Guy et un groupe d'anciens collègues de Jean-Paul Sarault au lendemain de sa mort, lors d'une pesée officielle de boxeurs. J'écoutais les copains parler et j'avais du mal à reconnaître Jean-Paul dans leurs propos. Ils le décrivaient comme beaucoup trop important, trop intelligent, trop savant. Pas un mot sur l'agréable, amusant et espiègle compagnon de voyage. C'est le Jean-Paul que j'aimais. S'il avait été là, il aurait ri de ce qu'ils disaient et leur aurait demandé d'arrêter.

Samedi dernier, Édouard Carpentier est décédé. Peux-tu nous en parler ? Tu l'as connu ! C'est finalement Réjean qui a accepté l'affectation. Je m'occuperai du prochain mort.

Et on a lu et entendu toutes sortes d'éloges mérités. Une légende, un révolutionnaire de la lutte, un gentleman, un citoyen modèle, un des grands athlètes de l'histoire du Québec...

Pas un mot par contre sur les dernières et affreuses années de sa vie dans un modeste appartement de Côte-des-Neiges. Il était seul, oublié et abandonné, dans un état physique lamentable.

Il refusait de se faire amputer les pieds, il avait du mal à bouger, il souffrait en silence. Un ami venu le visiter l'a trouvé inconscient sur le plancher de sa cuisine et l'a fait transporter à l'hôpital, où il est décédé. On amasse maintenant des fonds pour lui offrir des adieux décents.

La légende a bien failli se retrouver à la fosse commune, le cadavre inconnu, portant le nom polonais que la vie lui avait donné.

Je me suis surpris à penser que lorsque je partirai jouer de la harpe avec les anges, je préférerais que personne n'en parle. Pas un mot. Juste un silence amical.

Herr Pagé

Un lecteur, André Labelle, revient de voyage en Autriche et il dit avoir vu un programme de perfectionnement de jeunes hockeyeurs qui ferait l'envie du Québec.

À Strasbourg, Pierre Pagé, l'ex-entraîneur des Nordiques, est responsable du programme de perfectionnement Red Bull, une compagnie autrichienne qui, décidément, prend de plus en plus de place dans le monde du sport.

Après un match entre Strasbourg et Vienne, M.Labelle a entendu Pagé et son rival, Kevin Gaudette, s'adresser tous les deux aux médias en allemand.

M.Labelle s'est dit fier de ces deux bonshommes quand il les comparait à tous ces hockeyeurs qui ont évolué au Québec pendant des années sans apprendre un mot de français.