Le vieux promoteur de boxe Régis Lévesque aurait été content: selon lui, les combats locaux, il n'y a rien de plus excitant.

La petite foule - peut-être 3000 spectateurs - qui a assisté à l'affrontement Lemieux-Alcine samedi, une affaire qui n'intéressait personne en dehors du Québec, en a eu pour son argent. N'enlevons rien à Lucian Bute et son cheminement international, mais avouons que ses combats ont rarement autant allumé le Centre Bell.

À 35 ans, Joachim Alcine est sorti gagnant d'un combat que l'un des trois juges, Jack Woodburn, a déclaré nul. Les deux autres ont donné l'avantage à Alcine et, autour de moi, les collègues étaient divisés.

Le dernier round aurait pu changer l'issue du combat et nous avons tous attendu le résultat dans un silence anxieux.

Lemieux, 22 ans, a perdu dans les derniers rounds, exactement comme lors de sa défaite précédente. Le «nouveau» Lemieux n'est toujours pas prêt pour 12 rounds. Il a nettement perdu les trois derniers et on l'a senti faiblir à compter du huitième.

Mais le jeune homme n'a pas à se décourager. Contre un adversaire en forme et préparé comme jamais, Lemieux a certainement beaucoup appris et il s'est comporté comme un brave dans cette bagarre pour hommes.

Après le combat, il était furieux. Normal, tous les boxeurs qui perdent par décision serrée croient avoir gagné et avoir été volés. En fait, même ceux qui perdent par décision pas serrée du tout pensent avoir gagné.

Pour Joachim Alcine, ancien champion, il s'agit d'un pas de plus vers une remontée au sommet. La politique des coulisses qui gère la boxe professionnelle décidera de la suite. Mais Alcine s'est surtout vengé du promoteur Yvon Michel et du groupe GYM, qu'il a accusés de tous les torts.

Il reste que GYM pourrait emplir ses coffres avec un combat revanche qui attirerait une foule beaucoup plus importante.

Un pâle Adonis

En plus de Lemieux, GYM a vu un autre de ses espoirs, le super-moyen Adonis Stevenson, livrer un combat décevant contre un adversaire dont on attendait plus, Aaron Pryor Jr.

Plutôt malhabile, le Montréalais a atteint solidement cette cible facile quelques fois, mais Pryor n'est tombé qu'au neuvième round. Si l'atout principal de Stevenson est sa force de frappe, on ne l'a pas vue samedi.

Après le combat, le vainqueur a réclamé Lucian Bute. Je lui conseillerais de suivre des cours de boxe d'ici là.

L'Afghan de HoMa

Un combat de super-plumes (130 livres) entre le nouveau Montréalais Arash Usmanee (16-0-0, 8 K.-O.) et le champion d'Europe, le Portugais Antonio Joao Bento (23-8-2, 12 K.-O.), a bien fait vibrer la foule. Dix rounds d'action pure. Usmanee l'a emporté par décision et Bento l'a porté dans ses bras. On ne voit ça qu'en boxe.

Quand je croise des athlètes afghans, j'essaie toujours de leur parler. Leur cheminement me fascine. Je fais la même chose avec les athlètes lettons, parce que j'ai déjà connu un Letton qui était très sympathique.

Usmanee valait le déplacement. Quand le médecin est venu nous interrompre dans le vestiaire pour l'examen réglementaire, ce joyeux drille a dit: «Je ne me souviens de rien, docteur... Non, sans blague, je vais très bien.

«Bento a livré un bon combat, un combat propre. C'est l'adversaire le plus gentil de ma carrière.

«Je suis arrivé au Canada à 12 ans, nous sommes allés vivre chez ma tante à Red Deer, en Alberta. Je ne parlais pas la langue et, à l'école, je me suis battu avec la moitié des élèves. C'est pour ça que je boxe aujourd'hui. Quand je dis aux gens que j'ai vécu à Red Deer, ils ont de la peine pour moi et ils ont raison...

«J'habite à Montréal depuis un an. Je suis un vrai Montréalais. J'habite dans Hochelaga-Maisonneuve, mais ne l'écrivez pas dans le journal. Je m'entraîne au Club de boxe de l'Est, rue Dickson.»

Usmanee a de l'avenir, selon l'analyste Russ Anber. «Il a eu une belle carrière chez les amateurs, avec l'équipe canadienne, et il pourrait recevoir un appel pour un combat de championnat n'importe quand. Mais à mon avis, il sera prêt pour un championnat mondial dans 12 mois, pas avant.»

Ce à quoi Usmanee répond: «Bah... un an de plus, ça ne me dérange pas, après tout ce que j'ai vécu. Je suis dans ce business pour aller jusqu'au bout, pour être champion et être riche...»

La bourse d'Usmanee, classé 10e au monde par la WBA: 5000$.

Alvarez

Un autre grand espoir de GYM, le mi-lourd (175 livres) colombien Eleider Alvarez (7-0-0, 5 K.-O.), aurait bien voulu montrer son savoir-faire, mais il n'a pas pu, faute d'adversaire consentant. K.-O. au premier round contre le Dominicain Emiliano Cateyano (21-4-0, 12 K.-O.), qui menait pourtant une carrière respectable avant de se présenter à Montréal.

Mondanités

Une soirée de boxe n'est rien sans une brochette de personnalités de tous les milieux, et il y avait samedi presque autant de stars que de spectateurs.

Anthony Calvillo, Robert Wetenhall, Marcel Aubut, Lucian Bute, l'auteure Marie-Claude Savard, Menick, mon vieux chum de Rosemont, Georges Laraque, Éric Lapointe, pas le joueur de football, l'autre, mes copains Dino et Mario, les Panthères de Radio NRJ, qui ont innové en portant les pancartes indiquant les rounds vêtues des jarretelles qui pendaient avec insolence, Jean Pascal, un monsieur tout en noir avec une cravate et des chaussures blanches, une rousse assise près de nous qui n'est peut-être pas jet set, mais qui devrait l'être...

Tous ont passé une belle soirée.

Photo: Bernard Brault, La Presse

Pour Joachim Alcine, il s'agit d'un pas de plus vers une remontée au sommet.