Ne vous demandez pas pourquoi il a tant plu à la Saint-Jean. C'est parce que Raôul Duguay a entonné l'hymne national du Québec. Le ciel a craqué.

Hooon! Mais non, mais non, elle n'est pas si mauvaise que ça, cette chanson proposée par la Société Saint-Jean-Baptiste. Vous l'avez sûrement entendue. À la première écoute, il faut avouer qu'elle saisit. Surtout à cause de la voix de notre Assurancetourix national.

Comprenons-nous bien. Raôul Duguay est un artiste très important dans l'histoire de la chanson québécoise. On lui doit La bittt à Tibi, morceau de folklore progressif incomparable. Cependant, Raôul a une façon de chanter bien particulière. Il prononce chaque mot de façon très... prononcée. Il ne prononce pas seulement chaque syllabe, il prononce chaque lettre. Dans ses spectacles, ça lui prend 30 minutes pour dire seulement «allô».

Raôul ne chante pas, il vibre. C'est un son à apprivoiser. Le même hymne interprété par Isabelle Boulay aurait sûrement suscité des réactions bien différentes. Du Raôul Duguay à jeun, c'est une expérience pour oreilles initiées seulement.

Il y a le titre, aussi, qui fait un peu poncho en terre cuite: Ô Kébèk. L'auteur veut souligner l'origine amérindienne du nom de notre province-pays. L'emploi du K au lieu du Q était très prisé au début des années 70. Kébec Spec, Kébec Film, Kébec Disk, Kébec Son...

Est-ce parce que, en ces temps de partouze, les artistes avaient déjà en masse de cul qu'ils ne voulaient pas en avoir aussi dans l'alphabet? Toujours est-il que cette mode a passé, mais Raôul semble y être resté accroché.

Il faut tout de même lui donner le mérite d'avoir répondu à l'appel de la Société Saint-Jean-Baptiste, car des 60 auteurs-compositeurs que la SSJB avait sollicités, il est le seul à avoir remis une oeuvre.

Ça ne veut pas dire que les autres ont levé le nez sur la commande, au contraire. Plusieurs artistes ont essayé d'écrire un hymne national, mais le résultat ne les a pas satisfaits. Ils ont donc préféré ne pas le rendre public.

Heureusement, grâce au site de fuites de documents WikiLeaks Kébek, j'ai pu mettre la main sur ces hymnes nationaux inachevés à l'image de notre pays inachevé.

D'abord, Daniel Boucher a pondu un hymne national qui sonne comme La Désise, dont le refrain était:

Ma gang de malades

Le CHUM est où?

Bernard Adamus, pour sa part, a griffonné un hymne intitulé Brun (la couleur du Québec). Annie Brocoli a commis une ritournelle qui aurait sûrement été un grand succès dans les écoles: Germaine la grenouille séparatiste. Vincent Vallières, poète terre à terre, a planché sur un hymne national qui commençait ainsi:

Y me reste plus de foin

En fait presque plus rien

À part une option

Qui traîne là-bas

En attendant le Legault

Y a ben des choses à faire

Y a ben des choses à dire

Pas des paroles en l'air

Le nationaliste de coeur Paul Piché, un peu découragé, a écrit Y a pas grand bloquiste dans le ciel à soir. Le bon vieux Stephen Faulkner a réussi à trouver l'inspiration mais, malheureusement, il s'est arrêté après trois lignes:

Si j'avais un char

Sur le Plateau, je serais banni

Je serais mieux de me sauver aux États-Unis

Éric Lapointe a fumé un vieux paquet de cigarettes La Québécoise et, après deux, trois Laurentides, il a poussé un hymne qui allait ainsi:

N'importe quoi

Le Québec c'est n'importe quoi

De gauche au fédéral

De droite au provincial

N'importe quoi

Le Québec c'est n'importe quoi

Même le troubadour Claude Gauthier a tenté, en vain, de revisiter l'un de ses classiques:

J'ai refait le plus beau voyage

De cône orange en cône orange

Nous n'entendrons jamais, non plus, Daniel Bélanger chanter Dis OUI sans rien dire, Dan Bigras hurler 7 millions de petits cochons, William Deslauriers susurrer Je lève mon verre (si le maire Labeaume est d'accord).

Mais de tous ces hymnes québécois inachevés, celui qu'on risque le plus de chanter dans 50 ans, c'est l'hymne qu'a écrit Pascale Picard:

People of the country

It is your tower

To let you speak

About love.