La mort de Jack Layton m'a ébranlé. Comme vous tous, sûrement. Parce que c'était un homme généreux et honnête, un politicien chaleureux, près des gens, un militant dévoué. Bref, un bon gars.

La mort d'un bon gars, ça fait toujours beaucoup de peine. C'est sûr.

Mais il y a autre chose qui me bouleverse.

Un terrible constat: l'optimisme ou la bonne attitude ou le moral d'acier ou la foi, appelez ça comme vous voulez, n'est pas un pouvoir magique, comme on aime tant le croire.

«Je vaincrai ce nouveau cancer et je serai de retour à la Chambre des communes.»

Quand Jack Layton a fait cette promesse, le 25 juillet dernier, il avait beau être amaigri, changé, avoir le regard vide et la voix éteinte, on se disait que si quelqu'un était capable de conjurer le mauvais sort et de revenir en forme, c'était lui. Parce qu'il était tellement positif. Tellement sûr de lui.

Après tout, un homme, qui ne se laisse pas abattre est plus fort que tout. Un homme qui ne se laisse pas abattre arrive toujours à s'en sortir.

Eh bien... non.

Quand on veut, on peut... souvent. Mais parfois, même quand on veut, on ne peut pas.

Et ce n'est pas notre faute.

Les initiés du Secret, les apôtres du pouvoir de la pensée prétendent que tout est question de volonté. Il suffit de vouloir être riche et on le sera. Il suffit de vouloir être en santé et on le sera.

Eh bien... non.

C'est sûr que, sans la volonté, on ne peut rien faire. Mais avec la volonté, on ne peut pas tout faire.

La mort de Jack Layton nous place devant cette cruelle réalité. Même en étant le plus positif des hommes, il y a des objectifs qu'on ne peut atteindre.

Alors qu'est-ce qu'on fait? On déprime? On se laisse aller? On s'écrase?

Le bon Jack a pensé à tout ça, quelques heures avant de rendre l'âme. Il a pensé à tous ceux que son départ allait décourager, et il nous a écrit une émouvante lettre qui se termine ainsi: «Mes amis, l'amour est cent fois meilleur que la haine. L'espoir est meilleur que la peur. L'optimisme est meilleur que le désespoir. Alors aimons, gardons espoir et restons optimistes. Et nous changerons le monde.»

«Restons optimistes» sont les dernières paroles d'un mourant. Wow! Faut le faire! Jack Layton aura eu le dernier mot sur la mort. Il n'a jamais baissé les bras. Jack Layton a gagné. Malgré tout. Il aura donc tiré le meilleur de chacune des secondes de sa trop courte existence.

Il ne faut pas être optimiste parce que cela nous rendra la vie plus belle un jour. Il faut être optimiste parce cela nous rend la vie plus belle tout de suite. Tout de suite, c'est tout ce que nous avons. Le présent est notre seule richesse. Le présent, ce n'est pas très long, mais ça peut être très beau. Beau comme le sourire de Jack.

Quand on veut, on est mieux. Peut-être qu'on n'obtiendra pas ce qu'on veut - ce n'est pas si grave. L'important, c'est le voeu.

Être heureux, c'est de vouloir.

Sa lettre en est la preuve: même mort, Jack veut encore.

Jack est le plus fort.

Pourtant, ce qui me tue, chaque fois qu'une personnalité meurt du crabe maudit, c'est d'entendre ou de lire: «Il a perdu sa bataille contre le cancer.»

Je l'ai écrit sur mon blogue en novembre 2010 quand Pat Burns s'est éteint. Pat Burns n'a pas perdu sa bataille contre le cancer. Il est allé au bout de sa vie. Comme nous irons tous. Vrai, il a dû se battre pour vivre dans les dernières années de sa vie, mais sa mort n'est pas une défaite. C'est juste que la cloche a sonné. Comme elle sonnera pour nous tous. Et si l'arbitre en haut a un bras à lever, ce sera sûrement celui de Pat Burns. C'est lui, le champion. Pas le cancer.

Je l'ai écrit de nouveau cette semaine, quand j'ai encore entendu l'injuste métaphore. Jack Layton a fini sa vie en gagnant. Ne prétendez surtout pas que M. Layton a perdu son dernier combat contre le cancer. La mort n'est pas une défaite. La mort est notre destin. À tous.

Et je l'écrirai chaque fois qu'on fera d'un défunt un défait.

Il faut changer notre rapport à la maladie et à la mort.

Le cancer détruit le corps, pas la pensée.

La pensée de Jack Layton est encore bien vivante. Je dirais même: plus que jamais.

D'ailleurs Jack n'a pas écrit: «Vous changerez le monde.» Il a écrit: «Nous changerons le monde.»

Parce qu'il est encore là. En nous.

Cela dit, changerons-nous le monde?

L'important, c'est de le vouloir.