Dans la mer de courriels et de commentaires reçus depuis le dépôt du budget, mardi après-midi, on distingue trois catégories : un quart approuve, un quart désapprouve modérément et la moitié déteste passionnément.

On note aussi, dans plusieurs courriels, un très haut degré d'ironie et de sarcasme envers le gouvernement Charest. Sarcasme, comme dans ce commentaire de philomene64, hier, sur mon blogue : «Le premier ministre verra son salaire gelé. Une chance qu'il en a deux...»

Anecdotique, ce genre de commentaire? Peut-être pas.

D'abord, on en recense tout de même un certain nombre, ce qui est un indicateur de la grogne dans l'électorat.

Et puis bien d'autres commentaires écrits, en plus de ceux entendus hier aux tribunes téléphoniques, sans être aussi mordants que celui de philomene64, démontrent le peu de confiance des Québécois envers le gouvernement Charest.

Le diagnostic établi dans ce budget est peut-être juste (et encore, cela ne fait pas l'unanimité), le traitement imposé, quoique brutal, est peut-être nécessaire, mais les Québécois font-ils confiance au médecin ? C'est sans contredit LE plus gros problème de Jean Charest, qui doit maintenant faire avaler la pilule

à ses concitoyens.

La taxe sur la santé (25 $ par adulte cette année, 100 $ l'an prochain et 200 $ en 2012) passe particulièrement mal. Avec raison : 200 $, c'est une grosse somme, et on parle en plus d'une franchise à venir (un ticket modérateur, en fait) sur les consultations.

Difficile à prendre, d'autant plus que ce gouvernement avait promis de régler les problèmes du réseau de santé en garantissant, notamment, des médecins de famille aux Québécois, le plus sûr moyen d'éviter la multiplication des consultations.

Grosse, grosse job de «vente» en perspective pour Jean Charest et son ministre Raymond Bachand. Il ne serait pas étonnant, d'ici peu, de les voir plafonner la taxe-santé à 100 $ par adulte (au lieu de 200 $).

Étant donné les relations plutôt difficiles, en particulier dans les derniers mois, entre les Québécois et le gouvernement Charest, le degré de colère qu'on dénote dans les commentaires n'est pas si surprenant.

Cela dit, une autre tendance, bien connue aussi, ressort dans de très nombreuses réactions. Appelons cela le syndrome «pas dans mes poches». On s'entend généralement pour dire que le Québec est dans le trou, mais rares sont ceux qui acceptent de payer plus. Il y a toujours quelqu'un, quelque part, de mieux nanti, de plus profiteur, de plus paresseux, de mieux planqué, de plus tricheur, bref, prenez l'argent ailleurs que dans mes poches.

Sans surprise, les fonctionnaires en prennent plein la tronche...

Quelques commentaires glanés ici et là, depuis deux jours (je n'ai retenu que les initiales des auteurs des courriels et le pseudo de ceux des commentaires sur le blogue) :

- PH : «Nous avons la fonction publique la plus chère, et le gouvernement a besoin d'argent pour les fonds de pension. (...) En débutant, on gèle les salaires comme l'Ontario l'a fait, on privatise des services tel le ministère des Transports. Vous allez me dire qu'ils ont travaillé fort cet hiver ? Il n'y a pas eu de neige !»

- GA : «On pourrait surtaxer les plus riches à raison de trois à quatre milliards par année sans qu'ils en souffrent. On peut le prouver. Mais les plus riches sont au pouvoir ; ils ne vont surtout pas s'enlever eux-mêmes ce qu'ils ont en trop. En plus, la foule solitaire est conditionnée à ne pas faire de peine aux patrons, aux riches. Ces derniers possèdent un art consommé à l'extrême : celui de désinformer

la foule solitaire.»

- Bloganon : «Les garderies restent à 7 $, ce qui fait que je subventionne mes compatriotes qui se reproduisent et qu'ils profitent d'un service à une fraction de son coût. Il n'a pas touché à l'assurance médicaments, qui coûte une fortune si je me fie à la déduction de ma dernière

déclaration d'impôt.»

- mon_wilson : «Le budget Charest est une farce, il ne touchera pas du tout aux dépenses de l'État, et ce constat sera officialisé dans trois ans avec le départ de ce gouvernement. Au lieu de couper dans les dépenses comme tout père de famille devrait faire, le gouvernement pille les poches du voisin, remplit les cartes de crédit, load la marge de crédit et fait un emprunt

à long terme impayable.»

- Jackcrow : «Si Bachand pense vraiment qu'on vit au-dessus de nos moyens, et bien qu'il coupe des programmes chromés et laisse

mes poches tranquilles !»

- Norom_57 : «Ceux qui vivent en banlieue n'auront qu'à faire le plein chez eux pendant que les Montréalais paieront pour eux ! À quand le retour des péages

sur les autoroutes ?»

- Gillesmenard : «Ce sont les grosses entreprises et les gens plus riches qui devraient faire leur part, pas tout le monde. Ils devraient baisser les impôts des petites entreprises et d'économie sociale et augmenter ceux des grosses entreprises qui n'engagent presque personne, juste des gros salaires et des machines qui remplacent les travailleurs.»

- Tijocamaro : «Le premier ministre n'a pas eu le courage de faire payer les corporations, les mines, les embouteilleurs d'eau et autres du genre.»

- Baal666 : «Nous ne vivons pas au-dessus de nos moyens. C'est un mythe propagé par la droite. L'argent est là, il suffit d'aller le chercher. Ça commence par une hausse des impôts des mieux nantis et des entreprises.»

Il ne s'agit pas d'un sondage scientifique, évidemment, mais cela démontre bien l'ampleur du défi de MM. Charest et Bachand, qui affirment que tout le monde devra faire sa part.