On parle beaucoup d'un nouveau parti de centre droit au Québec depuis quelques mois.

En effet, on parle. Pour le moment, c'est tout ce que l'on fait.

Les mêmes noms reviennent en boucle comme les paroles d'une chanson à répondre, mais aucun de ces personnages n'est prêt, ni même sérieusement tenté, de «mettre sa face sur une pancarte», comme on dit dans le milieu.

Alors, on jase, mais le jour où François Legault et sa bande se rendront chez le Directeur général des élections pour enregistrer un nouveau parti n'est pas pour demain.

En fait, à part François Legault, un homme encore jeune, indépendant de fortune et visiblement nostalgique de sa carrière politique, aucun des «suspects» dont le nom revient constamment ne s'ennuie de son ancienne vie. Au contraire.

J'ai justement croisé Mario Dumont, cette semaine sur le plateau de Bazzo.tv. Ce gars-là s'ennuie autant de la politique que Guillaume Latendresse de Montréal!

Lorsque Marie-France Bazzo lui a demandé s'il recommanderait à un ami de se lancer en politique, il a été obligé d'admettre qu'il serait incapable de regarder un proche dans les yeux et de lui dire de faire le saut. Lorsque Ricardo lui a lancé à la blague qu'ils pourraient tous les deux entrer (retourner, dans le cas de Mario Dumont) à l'Assemblée nationale, l'ancien chef de l'ADQ lui a dit: «Si tu m'attends, tu vas être ben, ben vieux!»

Joseph Facal? En voilà un autre dont le nom ressort toutes les semaines, mais qui semble aussi pressé de revenir en politique que moi d'aller subir une colonoscopie. Idem pour Philippe Couillard.

Depuis une quinzaine d'années que je les fréquente, j'ai vu beaucoup de politiciens revenir à la vie après avoir quitté la politique. Une nouvelle vie, je veux dire, une vie libre, heureuse, comme un bagnard qui arrive enfin à couper la chaîne de son boulet.

MM. Facal et Couillard appartiennent à cette catégorie. L'ancien ministre péquiste ne rate jamais une occasion de dire qu'il a le droit, maintenant qu'il n'est plus en politique, de dire «je ne sais pas». Il prend même un malin plaisir à le dire, comme pour bien démontrer qu'il en a été longtemps privé.

Quant à Michael Fortier, vous l'imaginez vraiment sur la scène d'un nouveau parti en compagnie de Joseph Facal? Moi pas.

Même François Legault, peut-être le plus pressé de ce groupe informe et non officiel, admet que l'annonce de la naissance d'un nouveau parti est largement prématurée.

Ce n'est pas une mince affaire que de lancer un parti politique au Québec. Encore moins de le faire grandir et de l'amener vers le pouvoir. La dernière fois, c'était le PQ, il y a un peu plus de 40 ans.

Peut-être sommes-nous mûrs pour un nouveau cycle, une nouvelle révolution. Les révolutions, toutefois, ont besoin de jeunes, de sang neuf. Or la liste des noms des «centres-droitistes « qui revient constamment manque cruellement de relève.

Il est intéressant par ailleurs de noter que cette histoire de «mouvement» se remet à «spinner» avec une nouvelle vigueur au même moment où l'on constate, dans certains médias, une opération «minage de leadership» contre Pauline Marois.

Mouvement concerté? Je ne crois pas aux grandes théories du complot, mais je sais aussi qu'il y a rarement des hasards en politique.

Jean Charest, qui joue plus souvent le rôle de cible que celui de franc-tireur ces temps-ci, n'allait pas rater une si belle occasion de railler Pauline Marois. Selon le premier ministre, ces tractations démontrent que certains souverainistes, dont MM. Facal et Legault «larguent» la chef du PQ.

Vrai, le fait que des anciens compagnons d'armes songent à former un nouveau régiment n'est certainement pas une preuve de leadership pour Pauline Marois, mais Jean Charest devrait aussi s'inquiéter.

Il fut un temps, pas si lointain, où les forces vives non souverainistes se tournaient vers le PLQ pour mener leur action politique et pour proposer de grandes et petites révolutions. Il y a quelques années à peine, le PLQ avait repêché Raymond Bachand, par exemple, un péquiste défroqué.

Empêtré dans la mocheté d'une pénible fin de régime, le PLQ de Jean Charest n'exerce plus ce pouvoir d'attraction. Et comme l'ADQ est en ruine, il y a un vide et, c'est bien connu, la nature a horreur du vide.

Jean Charest peut bien se moquer de sa rivale péquiste, mais le fait est que les discussions de salon chez François Legault envoient le même message que les sondages: ni le PLQ de Jean Charest ni le PQ de Pauline Marois ne soulèvent l'enthousiasme. Pis encore, ils ont tendance à faire fuir électeurs et militants.