Porté au pouvoir, il y aura cinq ans en janvier, par la vague de dégoût des électeurs canadiens envers les libéraux et leurs scandales, Stephen Harper avait construit son programme politique sur cinq promesses: restaurer la transparence au gouvernement, accentuer la lutte contre la criminalité, procéder au règlement du déséquilibre fiscal, baisser la TPS de 7% à 5% et aider les familles.

Le premier ministre Harper a tenu promesse sur tous ces éléments, en commençant par la transparence, déposant un projet de loi en ce sens dans les premiers mois de son premier mandat.

Mais depuis, attention! Big Brother s'est installé au bureau du premier ministre. La propension de Stephen Harper à tout contrôler s'est transformée avec l'exercice du pouvoir en une lubie dangereuse pour la circulation de l'information et même pour la protection de la vie privée des citoyens.

Au cours des derniers jours, trois histoires distinctes sont venues illustrer une tendance lourde, au sein de ce gouvernement, de non seulement contrôler l'information, mais aussi de la cacher et de l'utiliser à des fins politiques.

Ces trois cas ont valu deux blâmes et causé une démission. Monsieur Net aurait-il les mains moins propres qu'il ne voudrait bien nous le faire croire?

1. Un grand intérêt pour une future chaîne

On savait que notre premier ministre était un maniaque de hockey, mais nous ignorions qu'il avait un si grand intérêt pour la progression du paysage télévisuel. Au point où son bureau a demandé au CRTC d'être informé de l'état du dossier de Sun TV News, nouvelle chaîne projetée par Quebecor et surnommée «Fox of the North» parce que résolument à droite, aux dires de ses promoteurs.

Non seulement crèche-t-elle à droite, ce qui n'est pas pour déplaire aux conservateurs, mais ses destinées étaient jusqu'à récemment entre les mains de Kory Teneycke, ancien directeur des communications de Stephen Harper. Le monde est petit, y'a pas à dire.

Peut-être, mais il y a des limites, et le Bureau du Conseil privé a dû rappeler au bureau du premier ministre qu'il ne peut mettre son nez dans les dossiers du CRTC. «Soyons clairs et sans équivoque: nous ne pouvons pas intervenir et nous n'intervenons pas dans les affaires du CRTC, s'est-on défendu au bureau du premier ministre. Toute accusation d'intervention politique dans les affaires du CRTC n'a aucun fondement.»

Vous êtes libre de croire (ou non) cette affirmation.

2. Une opaque transparence chez Paradis

À peine arrivés au pouvoir, en janvier 2006, les conservateurs s'étaient empressés d'élargir la portée de la loi d'accès à l'information. Bravo!

Bien installés au pouvoir, près de cinq plus tard, ces mêmes conservateurs sont maintenant pris en flagrant délit de tripotage d'information, ce qui a provoqué la démission d'un adjoint du ministre Christian Paradis, Sébastien Togneri.

M. Togneri serait intervenu au moins quatre fois pour bloquer ou perturber le relâchement d'information, violant vraisemblablement la loi d'accès. Des documents laissent croire que deux de ses collègues avaient aussi les mains près de la déchiqueteuse et du gros marqueur noir.

Pour un ministre, il est plus facile de congédier un adjoint que d'expliquer les pratiques douteuses de son bureau. Et comme le personnel politique ne peut plus, par ordre du bureau du premier ministre, témoigner devant les commissions parlementaires, la parade est parfaite.

Christian Paradis s'est défendu en disant qu'il a promptement confié le dossier à la commissaire à l'information.

Étant donné l'état des relations entre ce gouvernement et les responsables des organismes de surveillance de l'État, je m'inquiète davantage de l'avenir de la commissaire à l'information que de celui du ministre Paradis.

3. Kafka et le soldat

Le premier devoir de l'État, c'est de protéger ses citoyens. Par conséquent, sa plus grande faute doit être celle de se retourner contre un de ses citoyens. Lorsque, en plus, l'État joue dans le dos d'un de ses anciens soldats qui a mis sa vie en jeu pour son pays, comment appelle-t-on cela?

Sean Bruyea, à qui une telle mésaventure est arrivée, ne trouve d'autre mot que «trahison». Ancien combattant, M. Bruyea a appris par hasard que son dossier médical et financier s'était retrouvé en 2006 entre les mains de l'ancien ministre devant le défendre, Greg Thompson. Cela a valu un blâme de la commissaire à la vie privée au gouvernement.

«Ces violations de ma vie privée nous ont causé souffrance et préjudice et nous ont fait nous sentir humiliés, vulnérables et impuissants, a raconté l'ex-militaire. Pour moi qui ai été blessé en me battant au nom du Canada, il s'agit de la pire des trahisons.»

Le fait que Sean Bruyea ait milité dans le passé en faveur des anciens combattants constitue sans aucun doute un facteur aggravant pour le gouvernement conservateur, qui avait évidemment avantage à en connaître le plus possible sur cet empêcheur de tourner en rond.

Le ministre actuel des Anciens combattants, Jean-Pierre Blackburn, a qualifié d'«inacceptable» cette histoire et a promis de sévir jusqu'au congédiement contre les fonctionnaires responsables. Il a toutefois refusé de présenter des excuses à M. Bruyea. Bonjour l'imputabilité! Il y aura toujours un fonctionnaire derrière lequel se cacher quand ça chauffe.

Malheureusement pour eux, les soldats ne peuvent se planquer derrière les politiciens lorsqu'ils sont pris en embuscade par des insurgés dans les rues poussiéreuses de Kandahar.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca