Non, Martin Drapeau n'est pas le seul militant libéral à penser, comme une majorité de Québécois, qu'il faut instituer une commission d'enquête sur le monde de la construction. Il y en a au moins un autre, président d'une association de circonscription au demeurant, qui m'a écrit hier pour exprimer son malaise... en me demandant de ne pas le nommer dans ma chronique pour ne pas mettre fin abruptement à son implication au sein du Parti libéral du Québec.

Voici tout de même quelques extraits: «Si ce que notre gouvernement nous affirme est vrai et qu'il n'y a rien à cacher, qu'on y aille franchement en mettant tout sur la table. Ce ne serait d'ailleurs que justice pour ceux qui, comme moi, donnent tant de temps à la cause pour ensuite se voir identifiés à ce système pourri et condamnés à également perdre leur réputation personnelle dans l'aventure. Du reste, ce climat de tension perpétuelle nous empêche de débattre sainement des problèmes des gens de nos régions.»

(...) De nombreux libéraux n'en démordront jamais: la commission d'enquête leur fait si peur qu'ils refuseront net celle-ci jusqu'à ce qu'on leur impose. Mais nous sommes, j'en suis certain, aussi plusieurs à croire que ce refus même est profondément suspect et que la raison d'État doit ici primer les intérêts partisans.

(...) Il faut que les libéraux qui veulent une enquête sur la construction et qui croient que le parti court à sa perte sachent qu'ils ne sont pas seuls, qu'ils peuvent espérer renverser la vapeur. (...) Il n'est pas trop tard: d'autres occasions se présenteront de faire entendre cette voix auprès de l'establishment du parti.»

En attendant que les militants libéraux exigent à leur tour une enquête publique, ce qui paraît douteux après la fin de semaine à Lévis, l'étau continue de se resserrer sur Jean Charest. Hier, c'est l'Union des municipalités du Québec qui a joint sa voix à celles des gens qui réclament une commission d'enquête publique.

«L'UMQ croyait que les enquêtes policières allaient donner des résultats plus rapidement. Aujourd'hui, on constate que le climat de suspicion à l'égard de l'industrie de la construction se propage jusqu'aux élus municipaux et l'on considère que c'est malsain pour la démocratie», a déclaré le président de l'UMQ et maire de Saint-Jérôme, Marc Gascon.

En fait, les allégations ne se propagent pas au monde municipal, elles y reviennent. Il faut se rappeler que c'est à Montréal, tout juste avant la campagne municipale de 2009, que les premières «affaires» ont éclaté.

Bienvenue au Québecago

Maclean's s'est trompé: ce n'est pas le Bonhomme Carnaval qu'il aurait fallu mettre en une pour caricaturer le Québec d'aujourd'hui, c'est Al Capone.

La mafia, et son omniprésence dans le secteur plusieurs fois milliardaire de la construction, on ne parle que de ça au Québec depuis plus d'un an.

Collusion dans l'industrie de la construction, intimidation et passage à tabac, graves soupçons pesant sur des élus municipaux, alouette. Ajoutez à ce climat malsain les pizzerias qui crament et même le vieux parrain assassiné par un tireur d'élite dans sa cuisine. Joli tableau.

Le Québec, en particulier Montréal, a des allures du Chicago des années 30.

La question est donc de savoir qui sera notre Eliot Ness? On sait depuis samedi que ce ne sera pas le PLQ.

La police? C'est le pari de Jean Charest, mais la police, même avec les meilleurs enquêteurs, n'arrivera jamais à détricoter toutes les mailles d'un réseau aussi complexe. Il ne s'agit pas ici que d'une «affaire de police». Il s'agit surtout d'une affaire politique impliquant des municipalités et des ministères qui accordent des contrats publics (donc, des fonds publics).

La police, au terme d'enquêtes longues et minutieuses, arrive parfois à coffrer des malfrats coupables d'intimidation, d'extorsion ou carrément de vol, mais elle ne nous dira pas pourquoi, par exemple, on paye systématiquement trop cher pour les ouvrages publics.

Parmi les très nombreux courriels reçus chaque jour sur le lancinant sujet de la pertinence d'une enquête publique, quelques-uns accusent les journalistes de vouloir absolument une telle enquête parce que «ça donne de la bonne copie» et que «ça fait un bon show de TV».

Il est vrai, c'est inévitable, que les commissions d'enquête ont souvent un côté spectaculaire, mais elles permettent, à la fin, d'avoir une vue d'ensemble.

Déclencher une telle enquête maintenant permettrait aussi de calmer le jeu politique où règnent les insultes, les insinuations, les accusations, la chasse aux sorcières et la paralysie depuis déjà trop longtemps.

Franchement, vous nous voyez là-dedans pendant encore deux ans?