Selon le plan de match prévu pour cette semaine, Jean Charest et ses députés vont affronter et vaincre l'opposition à l'Assemblée nationale dans un vote crucial, puis Jean Charest montera dans un avion à destination de Paris, laissant la crise politique derrière lui pour quelques réceptions protocolaires.

Les libéraux profitent de leur avantage numérique, ils rejettent l'assaut de Pauline Marois et puis la vie continue. Business as usual, quoi. Dans les circonstances, ce scénario semble plutôt surréaliste.

À moins, évidemment, que Jean Charest ne plie sous la pression et annonce quelque chose d'inattendu avant mercredi. «Quelque chose», c'est vague, mais c'est là où en sont les libéraux. Il faut faire quelque chose pour calmer l'opinion publique, mais quoi?

Jean Charest a passé une partie de la fin de semaine au téléphone à consulter des proches à la recherche de suggestions. Apparemment, il aurait été question, notamment, de la nomination d'un procureur spécial doté de pouvoirs spéciaux chargé de faire avancer les enquêtes plus rapidement. Ne m'en demandez pas plus, je ne sais pas vraiment qui au juste pourrait remplir un tel mandat et encore moins comment. Le gouvernement non plus, d'ailleurs.

Vendredi, une rumeur en provenance de Québec laissait entendre que le premier ministre annoncerait dès ce matin, demain au plus tard, la tenue d'une enquête publique. Non fondée, la rumeur. M. Charest sait qu'il doit faire «quelque chose», mais jusqu'à preuve du contraire, ce ne sera pas une enquête publique en bonne et due forme.

De passage à Sherbrooke, vendredi, Jean Charest semblait moins ferme dans son refus d'ordonner une enquête publique. Lorsqu'une collègue lui a demandé pourquoi on ne pourrait pas tenir une enquête publique en même temps que la police poursuit ses propres enquêtes, il a répondu qu'»il faut faire les choses dans l'ordre».

«On n'échappera pas aux enquêtes policières, peu importe le scénario», a-t-il ajouté. Début de recul? Peut-être, mais cela ne veut pas dire pour autant que nous nous dirigeons vers une enquête publique telle que réclamée par l'opposition, la majorité de la population et tous les médias du Québec.

Rien, pour le moment, ne semble ébranler le premier ministre, pas même cette pétition en ligne qui a atteint un sommet historique cette fin de semaine. Pas même ce nouveau sondage dont les résultats, publiés dans La Presse samedi, quantifiaient de façon spectaculaire la grogne des Québécois.

Le pari du temps

Peu importe l'ampleur du mécontentement, Jean Charest a fait le pari que le temps allait arranger les choses, comme cela est arrivé si souvent dans sa carrière. Pari risqué, toutefois, puisque rien ne laisse présager une accalmie pour le gouvernement.

Sylvie Roy, leader de l'ADQ à l'Assemblée nationale, avait bien raison de dire la semaine dernière que Jean Charest pensait aussi, il y a près de deux ans, que les choses allaient se tasser et que les Québécois passeraient à autre chose. Depuis, on assiste plutôt à une avalanche de mauvaises nouvelles pour le gouvernement, au point où ses bons coups passent inaperçus. Le temps, allié précieux des gouvernements neufs, devient le plus souvent un ennemi fatal pour les gouvernements usés.

Jean Charest se retrouve ce matin, au début d'une semaine cruciale, devant trois scénarios possibles:

> ne rien faire et attendre que les enquêtes policières donnent enfin des résultats, une stratégie qui ne l'a pas très bien servi à ce jour et qui sous-entend que des arrestations suffiraient à calmer le jeu;

> reculer et déclencher, finalement, une enquête publique, ce qui aurait l'avantage de créer une «bulle juridique» autour des «affaires». Par contre, un tel exercice réserve souvent des surprises désagréables pour un gouvernement;

> trouver une solution mitoyenne (comme la nomination d'un procureur spécial, quoique ce concept est pour le moins vague), ce qui ne permettrait que de gagner un peu de temps.

Remarquez que tous ces scénarios sont purement défensifs et ne garantissent en rien des jours meilleurs au gouvernement Charest. Au contraire.