Au Québec, un quart des électeurs ne sait pas pour quel parti provincial voter; plus d'un électeur sur trois juge qu'aucun des chefs actuels ne ferait (ou ne fait) le meilleur premier ministre; plus de trois sur quatre souhaitent le départ de Jean Charest et près de deux sur trois espèrent le même sort pour Pauline Marois.

On parle souvent de crise de confiance entre les Québécois et leurs élus, mais à la lumière des chiffres du plus récent sondage CROP, il serait plus juste de parler de divorce.

À la question «quel chef ferait le meilleur premier ministre?», 34% de Québécois répondent «aucun», soit un point de plus que le score combiné de Jean Charest (13%) et de Pauline Marois (20%). Pire encore, si vous additionnez ces 34% d'insatisfaits aux 20% d'indécis, vous obtenez une majorité (54%) d'électeurs québécois à la recherche d'un premier ministre convenable.

Il y a un sérieux problème de leadership dans une société lorsque l'option «aucun» obtient systématiquement le plus d'appuis pour les questions relatives à la confiance.

Par ailleurs, une forte majorité de Québécois pensent que le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, a eu raison de traiter le premier ministre Jean Charest de «parrain». Y'a pas à dire, la relation entre Jean Charest et ses concitoyens est au plus bas, ce que confirment par ailleurs les intentions de vote.

La cote de popularité des leaders fédéraux n'est pas bien meilleure. Quel chef ferait le meilleur premier ministre? Stephen Harper ne récolte que 13%. C'est encore pire pour Michael Ignatieff: 10%. Par contre, 36% des répondants ne savent pas ou ne voient aucun premier ministre valable dans le lot. Jack Layton s'en tire mieux avec 21%. Quant à Gilles Duceppe, il obtient - est-ce par dépit ou par dérision? - un score de 17%!

Le chef du Bloc est le seul politicien à trouver grâce aux yeux des électeurs québécois. Son parti domine outrageusement au Québec, en particulier chez les francophones et il est le seul (avec le NPD) à avoir progressé dans les intentions de vote depuis les dernières élections.

Par ailleurs, remplacez le nom de Pauline Marois par celui de Gilles Duceppe sur la scène provinciale et le PQ ferait des ravages. Est-ce un hasard, le politicien qui inspire le plus confiance aux Québécois est celui qui n'a jamais été au pouvoir (et qui ne peut pas l'être)?

Gouvernements impopulaires, opposition en déroute

Ce nouveau coup de sonde de CROP confirme deux tendances lourdes et apparemment contradictoires: le gouvernement Charest est en perdition avec un taux de satisfaction de 16%, mais sa principale adversaire, Pauline Marois, n'arrive pas pour autant à s'imposer comme solution de rechange incontournable. Avec 45% d'intentions de vote chez les francophones, les péquistes formeraient vraisemblablement un gouvernement majoritaire (le PLQ récolte un minable 17% chez les francos et l'ADQ, 16%), mais le PQ est plus populaire que sa chef.

Situation similaire pour Michael Ignatieff, dont le parti a perdu 18 points au Québec depuis 18 mois. La cote de M. Ignatieff a particulièrement souffert au Québec, mais il doit aussi se battre pour sa survie ailleurs au pays, en particulier en Ontario.

On se retrouve donc dans une situation parfaitement inusitée, à la veille d'élections partielles cruciales au provincial (dans Kamouraska-Témiscouata) et au fédéral (dans Vaughan, en banlieue de Toronto): le gouvernement Harper ne suscite pas de grand mouvement d'enthousiasme et celui de M. Charest atteint des records d'impopularité, mais ce sont leurs opposants, Michael Ignatieff et Pauline Marois, qui ont le plus à perdre lundi soir.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca