Le programme des bourses du millénaire est mort comme il est né: dans la controverse.

En juillet dernier, lorsque la Fondation des bourses du millénaire (FBM) est arrivée au terme de son existence légale, il restait 121 millions dans les coffres, somme qui a tout simplement été récupérée par le gouvernement Harper, au grand dam des dirigeants de la Fondation et des étudiants.

«Le 4 juillet 2010, la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire a retourné 121 millions de dollars au Trésor, tel que stipulé dans leur entente de liquidation», a confirmé à La Presse le service des communications du ministère du Développement des ressources humaines du Canada.

Lors de sa création par le gouvernement Chrétien, en 1998, la FBM a reçu 2,5 milliards devant servir à donner 100 000 bourses de 3000$ par année pendant 10 ans. Grâce à des placements avantageux, il restait 121 millions en excédent à la fin des activités de la FBM, somme que ses dirigeants voulaient redistribuer aux étudiants.

«Nous avons fait plusieurs propositions, par exemple, accorder plus de bourses la dernière année, augmenter les bourses versées ou diriger cet argent vers des recherches universitaires sur l'endettement étudiant, explique un ex-employé de la FBM. En vain, le gouvernement Harper n'a rien voulu savoir, il voulait seulement qu'on lui retourne l'argent.»

Ces 121 millions auraient permis de donner 40 000 bourses de 3000$ de plus, une aide qui aurait été plus que bienvenue, selon les regroupements d'étudiants, qui ignoraient l'existence d'un tel surplus.

«Normalement, cet argent était destiné à l'aide aux étudiants, dit Louis-Philippe Savoie, président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ). Cela aurait aidé, surtout en 2009, qui a été une année particulièrement difficile à cause de la crise économique. On ne sait pas ce qui est arrivé avec ces 121 millions.»

Les étudiants du Québec, qui touchaient de 25 à 30% des bourses, auraient donc pu recevoir de 30 à 40 millions en bourses supplémentaires.

Même réaction du côté de la Fédération canadienne des étudiants et des étudiantes (FCEE). «La Fondation des bourses du millénaire était censée dépenser tout l'argent pour les étudiants, dit David Molenhuis, président de la FCEE. Les 121 millions devraient être réacheminés vers le nouveau programme d'aide aux étudiants, mais nous n'avons pas la preuve que cela a été fait.»

Impossible de savoir si ces millions ont bel et bien été redirigés vers l'aide aux étudiants. Les réponses laconiques du ministère du Développement des ressources humaines (réponses par courriel!) sont tellement générales qu'elles ne permettent pas de tirer de conclusion.

«Le gouvernement du Canada tient résolument à rendre les études postsecondaires abordables et accessibles pour les étudiants et les familles du Canada», peut-on lire dans les «lignes de presse» préparées par le Ministère, qui ajoute que «le gouvernement du Canada a investi plus de 500 millions de dollars en 2009-2010 dans son Programme canadien de bourses aux étudiants».

Le nouveau programme conservateur d'aide aux étudiants a été annoncé au printemps 2009, plus d'un an avant la fin des activités de la FBM. Le gouvernement ne connaissait donc pas encore l'existence d'un surplus et il n'a donc pas pu le rediriger vers son nouveau programme.

Les «lignes de presse» n'en font pas mention, mais c'est un fait connu à Ottawa que les bourses du millénaire étaient perçues comme une «patente libérale», le bébé de Jean Chrétien en fait, dont on attendait impatiemment la mort.

Entre les dirigeants de la FBM, dont plusieurs libéraux notoires, et le gouvernement Harper, les relations n'ont jamais été très cordiales.

Née à une époque de surplus budgétaires fédéraux (et alors que les provinces combattaient de lourds déficits), la FBM a provoqué de profondes et longues querelles entre le gouvernement Chrétien et celui de Lucien Bouchard.

À un moment, la bisbille a dégénéré en un débat épique sur la couleur des chèques et la grosseur des logos respectifs d'Ottawa et Québec.

Cela dit, cet argent a tout de même permis d'abaisser de 25% le plafond des prêts étudiants au Québec.