Vous sentez cette odeur familière? Non, pas la tourtière. Les élections!

Il semble bien que l'on se dirige vers un autre scrutin fédéral ce printemps. Comment je le sais? Facile: les libéraux se remettent à parler de financer des places en garderie, un symptôme indubitable de fièvre électorale chez eux.

En plus, le chef libéral, Michael Ignatieff, a été très clair cette semaine: si ça ne tenait qu'à lui, il y aurait des élections en 2011.

À en croire M. Ignatieff, le gouvernement Harper aurait dû être défait il y a déjà une quinzaine de mois, à l'automne 2009, date à laquelle il avait annoncé péremptoirement que les jours des conservateurs étaient comptés.

Nenni: Stephen Harper est toujours en selle. Plus que jamais, même à quelques jours du cinquième anniversaire de sa première victoire (en janvier 2006, contre les libéraux de Paul Martin).

Pourtant, 2010 aurait dû être l'année de tous les dangers pour les conservateurs.

D'abord à cause de l'économie fragilisée par la crise mondiale. Le gouvernement Harper a toutefois présenté un budget de circonstance, parfaitement acceptable pour les libéraux, qui ont rengainé après avoir vu les sondages.

L'Afghanistan (et la fin de la mission canadienne, prévue en février prochain) aurait aussi pu être une sérieuse épine au pied de Stephen Harper. Mais non. Les libéraux ont décidé, une fois de plus, de ne pas transformer cette mission en débat politique et ils ont même participé avec enthousiasme à la mise au point du plan post-2011.

Autre point glissant pour les conservateurs: les réunions du G8 et du G20 à Toronto et le délire sécuritaire qui les ont entourées. Le gouvernement du Canada a dépensé près d'un milliard de dollars pour accueillir les dirigeants du monde, dont 676 millions pour la sécurité. On a construit un faux lac pour la visite, clôturé un périmètre autour du centre-ville de Toronto et mobilisé des milliers de policiers, qui s'en sont donné à coeur joie contre les manifestants.

Une vraie honte, documentée par l'ombudsman de l'Ontario. Le gouvernement Harper en a-t-il souffert? Apparemment non. Chose certaine, cela ne l'a pas empêché de voler la circonscription de Vaughan, en banlieue de Toronto, aux libéraux quelques mois plus tard.

Le gouvernement dilapide 1 milliard de dollars pour une réunion de deux jours en pleine époque de déficit galopant et s'en tire sans égratignure. Voilà sans contredit un très mauvais signe pour l'opposition.

Le moment fort de la dernière année politique aura probablement été le vote aux Communes sur l'abolition du registre des armes d'épaule. Les conservateurs ont perdu le vote, mais ils ont néanmoins fait éclater au grand jour des divisions au sein des partis de l'opposition en plus de rassurer leurs militants farouchement opposés à ce registre depuis sa création.

La défaite du Canada à l'ONU, où il n'a pas réussi à obtenir un poste au Conseil de sécurité, aurait pu coûter cher au gouvernement Harper, mais il ne s'en est pas tiré trop mal malgré cette gifle monumentale. Une preuve de plus que les affaires étrangères n'émeuvent pas vraiment l'électorat. Pas plus que l'environnement, d'ailleurs, ou le sort du jeune Omar Khadr.

Par contre, l'économie et les symboles nationaux pèsent beaucoup dans la balance de l'opinion publique. Stephen Harper l'a bien compris, lui qui est allé à l'encontre de l'idéologie conservatrice en bloquant la vente de Potash Corp. à des intérêts étrangers. Le bon coup de l'année du gouvernement fédéral.

Il y a bien eu aussi ce débat surréaliste sur le formulaire du recensement, mais perd-on ses élections pour ça? Ce n'est pas ça qui fera «swinguer» le vote, comme disent les Anglais. Idem pour ce feuilleton kafkaïen entourant Droits et Démocratie.

Chose certaine, les conservateurs maintiennent leur légère avance dans les sondages en cette fin d'année, malgré les attaques de l'opposition, les ratés et les efforts de relations publiques de Michael Ignatieff.

Ce dernier a toutefois établi clairement en 2010, et pour la première fois, les grandes différences entre ses priorités et celles de Stephen Harper. Des différences qui définiront les thèmes de la prochaine campagne électorale: annulation de la commande de nouveaux (et coûteux) avions de chasse, suspension des baisses d'impôts aux entreprises et maintien du registre des armes à feu, entre autres choses.

Les partis de l'opposition insisteront aussi sur les quelques odeurs de scandale dans l'attribution de contrats et sur le contrôle maniaque de l'information propre à ce gouvernement. Ces sujets ne semblent toutefois pas vouloir coller dans l'opinion publique pour le moment.

En 2010, Stephen Harper a gouverné avec plus de confiance que jamais, pratiquement comme un gouvernement majoritaire, aidé en cela par la récupération de la majorité au Sénat.

Vers quoi cela nous mène-t-il en 2011? Vraisemblablement vers une autre prorogation, un remaniement ministériel, un nouveau discours du Trône et... des élections.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca