Cette fois, l'opposition péquiste ne pourra pas dire qu'un autre proche du gouvernement Charest se joint à l'industrie du gaz de schiste, qui vient de réaliser tout un coup d'éclat en recrutant Lucien Bouchard, ancien chef du Parti québécois.

Pour une rare journée depuis fort longtemps, ce n'est pas le gouvernement Charest qui a été pris de court, hier, mais plutôt l'opposition qui n'avait certainement pas vu venir cette étonnante nomination.

Pas plus, d'ailleurs, que l'arrivée d'une autre ancienne collègue, Diane Lemieux, à la tête de la Commission de la construction du Québec. Celle-là est encore plus embêtante pour les péquistes.

Dans les cercles politiques québécois, tout le monde savait que Diane Lemieux cherchait à quitter son poste de chef de cabinet de Gérald Tremblay depuis l'an dernier. Des rumeurs l'envoyaient au Centre de la francophonie des Amériques l'automne dernier et son nom a aussi circulé pour d'autres organismes gouvernementaux, mais aucun projet ne s'est concrétisé.

Mme Lemieux est en froid avec plusieurs anciens collègues de son parti, dont Louise Harel et Pauline Marois, mais elle entretient apparemment d'excellentes relations avec le gouvernement libéral de Jean Charest.

Son arrivée à la CCQ, organisme pris dans l'oeil de la tempête depuis quelques mois, vient ainsi désamorcer les attaques possibles de l'opposition à deux semaines de la reprise des travaux à l'Assemblée nationale.

Difficile, maintenant, pour l'opposition de rappeler les écarts de l'ancienne direction de la CCQ et encore plus de dire que le gouvernement n'a rien fait. Ce n'est pas encore la fameuse commission d'enquête que réclame encore et toujours le PQ, mais sur le front de la CCQ, le gouvernement Charest est maintenant protégé.

Diane Lemieux s'est d'ailleurs montrée reconnaissante envers le gouvernement Charest, hier lors de son premier point de presse, écartant préventivement toute question concernant la pertinence de tenir, ou non, une enquête publique sur l'industrie de la construction.

«Je n'en rajouterai pas», a-t-elle tranché. Mme Lemieux était pourtant jusqu'à tout récemment chef de cabinet du maire de Montréal, une administration éclaboussée par certaines histoires dans le domaine de la construction et qui demande d'ailleurs formellement une enquête publique.

Surpris par cette nomination, les péquistes n'ont pu hier que vanter sa compétence et donner la chance au coureur, mais au sein du PQ, la cote de la «lionne de Bourget» n'a certainement pas monté hier.

La nomination-surprise de Lucien Bouchard à la tête de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) tombe aussi comme une bombe, au moment où l'industrie est critiquée de toutes parts et où le gouvernement doit effectuer un repli stratégique.

Les liens entre le gouvernement Charest et l'industrie du gaz de schiste sont tellement serrés qu'on a presque l'impression que M. Bouchard a été nommé par Jean Charest pour redresser cette galère en rade.

Lucien Bouchard reprend du service public au nom de l'APGQ, bien sûr, mais il aura comme premier défi, voilà bien l'ironie de la chose, de réussir là où le gouvernement Charest a lamentablement échoué. C'est-à-dire rassurer et convaincre la population.

Chose certaine, à 72 ans, l'ancien premier ministre n'a pas peur des défis. Hier, en quelques lignes de communiqué de presse, il a déjà réussi à résumer la situation avec plus de clarté que ne l'ont fait Nathalie Normandeau ou Jean Charest en près d'un an de débats entourant l'exploitation de cette ressource.

En gros, dit M. Bouchard, tirer des revenus du gaz de schiste, dans le respect de l'environnement et des citoyens, pour assurer de nouveaux revenus pour les services publics. Que l'on soit d'accord ou non, la position de M. Bouchard est précise, logique.

M. Bouchard, qui s'est tenu loin de la scène publique depuis 10 ans, s'attaque toutefois à un gros morceau. Celui qu'il remplace, André Caillé, a perdu en quelques semaines tout le capital de sympathie accumulé, notamment durant la crise du verglas, en essayant de «vendre» cette industrie à des communautés échaudées. On connaît tous la détermination et la force de conviction de Lucien Bouchard, mais même le meilleur vendeur ne peut rescaper un produit rejeté d'avance par la population.

M. Bouchard ne se lance toutefois pas complètement dans l'inconnu. Il connaît très bien André Caillé, ancien PDG d'Hydro-Québec qui reste au conseil de l'APGQ. Il croisera aussi Daniel Gagnier, ex-chef de cabinet de Jean Charest devenu il y a quelques semaines conseiller de l'APGQ et qui est aussi président de l'Institut international du développement durable, organisme créé il y a 20 ans par le gouvernement Mulroney et son ministre de l'Environnement... Lucien Bouchard.

Le monde est petit.