L'idée d'une coalition fédérale est revenue dans le paysage politique, la fin de semaine dernière, à l'occasion du conseil général du Bloc québécois.

«Le Bloc québécois se réserve la possibilité de soutenir une coalition de partis politiques» (advenant l'élection d'un autre gouvernement minoritaire), a inscrit le parti souverainiste dans son programme électoral.

Évidemment, les conservateurs, qui font leurs choux gras de cette coalition «séparato-socialo-libérale» depuis qu'un tel scénario a échoué in extremis, en décembre 2008, en ont profité pour brandir de nouveau la «menace» d'une alliance Ignatieff-Layton-Duceppe.

Les conservateurs, qui savent que l'idée de coalition inquiète beaucoup au Canada anglais, jouent cette carte régulièrement.

Gilles Duceppe, à l'inverse, ressort cette hypothèse plutôt bien reçue au Québec.

En ouvrant la porte à une coalition, le chef du Bloc veut flatter son électorat dans le sens du poil et se montrer beau joueur, sauf qu'il ne fait que la moitié du chemin. En effet, il se réserve le droit d'appuyer une coalition, mais il exclut d'office la nomination de députés bloquistes à des postes de ministres.

Or, participer à une coalition sans y exercer de pouvoir décisionnel, outre celui de retirer son appui, relève davantage d'un arrangement que d'une alliance. De plus, si le Bloc accepte, comme il s'y était engagé en 2008, à soutenir le gouvernement pour une période prédéterminée, cela équivaut à donner un chèque en blanc aux deux autres partis au pouvoir.

Ne pas participer pleinement à un gouvernement de coalition, dans le cas du Bloc, c'est surtout priver le Québec de pouvoirs accrus.

C'est précisément là que la logique de Gilles Duceppe devient chancelante.

Depuis qu'il est chef de ce parti, c'est-à-dire depuis 14 ans, M. Duceppe a bâti tout l'édifice du Bloc sur une seule fondation: la défense des intérêts du Québec. En quoi les intérêts des Québécois seraient-ils mieux servis par un gouvernement de coalition qui ne compte pas de représentant du parti qu'ils élisent majoritairement?

Posons la question autrement: les intérêts du Québec ne seraient-ils pas mieux servis avec des représentants du premier parti au Québec, qui appuie de toute façon cette coalition?

Vous direz peut-être que cette idée est saugrenue, qu'il est impensable qu'un parti souverainiste envoie effectivement des ministres à la table du cabinet et que, de toute façon, les deux autres partis n'accepteraient jamais une telle situation.

Il est en effet douteux qu'un Michael Ignatieff ou un Jack Layton acceptent de partager les grands secrets d'État et façonnent la politique du pays avec des gens qui rêvent de le quitter. Je reviens donc à mon raisonnement: on ne peut pas parler d'une coalition, mais bien seulement d'une entente, d'un pacte de non-agression qui ne durerait que quelques mois.

Je ne vois pas, je le répète, en quoi cela servirait mieux les intérêts du Québec.

Au fait, l'idée d'un véritable gouvernement de coalition mettant en scène des partis aux intérêts et aux visées diamétralement opposés n'est pas impossible. Je me souviens, il y a quelques années, avoir rencontré à Barcelone les membres influents du gouvernement de coalition, dont le premier ministre, indépendantiste, était entouré de ministres républicains attachés à l'Espagne et loyaux au gouvernement central de Madrid.

Ce qui est curieux par ailleurs, avec la position du Bloc, c'est qu'il laisse entendre qu'il faut se débarrasser des conservateurs de Stephen Harper, nocifs pour le Québec, au profit d'une coalition dirigée par Michael Ignatieff.

Le Bloc accuse les conservateurs de rejeter ses conditions - 2,2 milliards de dollars pour l'harmonisation des taxes, 175 millions pour le nouvel amphithéâtre de Québec et 1,5 milliard pour la péréquation - mais rien n'indique qu'un gouvernement Ignatieff y serait plus favorable.

Cette histoire de coalition appuyée par le Bloc ne tient pas la route. N'empêche, elle permet à Gilles Duceppe de prendre le beau rôle.

Le plus ironique, c'est que Michael Ignatieff lui-même n'en veut absolument pas, mais le simple fait que Gilles Duceppe en reparle maintenant permettra aux conservateurs d'embêter les libéraux pendant la prochaine campagne.

Prière, laïcité et amendes

Bref retour sur la prière à Saguenay. J'ai écrit hier dans mon blogue que je suis parfaitement d'accord, sur le fond, avec le jugement du Tribunal des droits de la personne, mais j'éprouve un malaise avec l'amende de 30 000$ infligée au maire Jean Tremblay.

Qu'un citoyen se soit senti lésé ou ridiculisé par le maire Tremblay (pas très charitable, d'ailleurs, pour un fervent chrétien), c'est malheureux, mais cette histoire va bien au-delà d'un litige entre deux individus.

C'est de la neutralité dans l'espace public et démocratique qu'il est question ici, et mettre le maire à l'amende le fait passer pour un martyr, ce qu'il semble d'ailleurs apprécier.

Des internautes ont cru que je m'apitoyais sur le sort du maire Tremblay. Pas du tout. Ce sont plutôt ses administrés que je plains.

Au fait, à l'Assemblée nationale, on a réglé le problème de la prière il y a belle lurette en disant, sobrement, «moment de recueillement» au début des travaux. Pas de chicane de clocher et, en plus, cela donne un rare et salutaire moment de silence au Salon bleu.

Il reste le crucifix au-dessus du fauteuil du président et l'omniprésente Bible que l'on sort lorsque témoins et ministres doivent prêter serment...

Tout doucement, on va y arriver.