Si nous étions à Hollywood et que la carrière politique de François Legault était une télésérie, le titre de l'épisode en cours serait : Un homme en mission, Legault revient régler ses vieux comptes.

(Désolé, c'est plus punché en anglais : Man on a mission, Legault's back with a vengeance).

« Vengeance « ou « régler ses comptes «, c'est un peu trop fort, je l'avoue, mais « Changer le Québec, Legault veut une deuxième chance « ou « Legault n'en démord pas, le Québec doit changer «, c'est moins percutant sur une affiche.

N'empêche, c'est pour cela que François Legault, jeune retraité de la politique et rentier aisé de sa précédente vie dans le milieu des affaires, veut revenir sur la scène publique : réussir là où il dit lui-même avoir échoué, c'est-à-dire, changer les pratiques au Québec. En particulier en éducation et en santé, deux monstres qu'il a affrontés lorsqu'il était ministre dans les gouvernements Bouchard et Landry.

Le mariage Legault-politique n'a jamais été facile. Entré en politique à l'invitation pressante de Lucien Bouchard, cet homme d'affaires souverainiste a d'abord dû convaincre sa femme, Isabelle, plutôt réfractaire à cette réorientation professionnelle.

François Legault s'engage alors pour 10 ans, question, disait-il, de faire sa part. Il durera finalement près de 12 ans, jusqu'à sa démission en juin 2009, comme député du Parti québécois dans Rousseau et critique en matière de Finances dans l'opposition officielle.

Il est parti déçu du milieu politique, impuissant devant l'« immobilisme « et désabusé par les débats dans son parti. Au fil des ans, aussi bien au pouvoir que dans l'opposition, François Legault a eu de nombreux accrochages avec ses collègues et ses chefs. Encore aujourd'hui, il reproche à la garde rapprochée de Pauline Marois de manquer d'audace, de refuser volontairement de parler de proposer des réformes de peur de braquer la population.

Voici comment il a résumé sa frustration, récemment : « Stéphane Bédard et le petit cercle autour de Pauline me disaient tout le temps : on est l'opposition, on s'oppose, on ne propose pas, c'est pas notre rôle. Si on met des choses de l'avant, on s'expose et on doit seulement attaquer le gouvernement. «

Son passage en politique a été parfois cahoteux. Son parcours au sein du PQ encore davantage. En fait, la greffe n'a jamais vraiment pris.

Pourtant, son abandon de l'option souverainiste a été reçu comme une gifle au PQ et perçu comme une défection. Il y a quelques semaines, lors des funérailles de l'ex-épouse de Lucien Bouchard, Bernard Landry l'a accroché par le bras pour lui dire, avec la verve qu'on lui connaît, qu'il se trompe, qu'il fait le mauvais constat. Au lieu d'ébranler François Legault, cela l'a conforté dans sa décision.

Malgré une expérience parfois difficile et un bilan, de son propre aveu, mitigé, François Legault revient donc sur la scène politique à une époque où bien peu de gens sont prêts à s'engager.

Le lancement de son manifeste, lundi, et les longs mois qui ont précédé sa sortie publique en ont fait la preuve. On attendait impatiemment la brochette de personnalités connues, reconnues et venant de milieux et d'allégeance différents. Non pas que les gens qui entouraient M. Legault ne sont pas intéressants ou valables, mais c'est un secret de Polichinelle que le cofondateur de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) espérait présenter une équipe plus impressionnante. Des libéraux provinciaux, notamment, mais ceux-ci, malgré les problèmes de leur parti, restent d'une loyauté inébranlable à la famille. Des péquistes aussi, mais comme Joseph Facal, nombre d'entre eux pensent que l'aventure Legault ne fera que diviser le vote francophone nationaliste au profit des libéraux.

Certains fédéralistes bien en vue ont flirté avec la CAQ, ont rencontré François Legault et étaient prêts à sauter, mais leur employeur a mis fin à l'aventure.

Reste l'ADQ. Son chef, Gérard Deltell, serait trop fédéraliste au goût de François Legault et ceux qu'il aurait voulu attirer (les Guy Laforest, Diane Bellemare ou Marie Grégoire) ne sont pas intéressés.

Il est vrai que l'on distingue clairement, dans le discours de François Legault, des ressemblances avec les positions passées de Mario Dumont. Sur le fond autant que dans la forme.

À propos des commissions scolaires, notamment. Visionnez seulement cette vidéo sur YouTube pour vous en convaincre : youtube.com/watch?v=y5ERL5r0h1Y. (Inutile de vous taper le truc au complet, les deux premières minutes suffisent).

Comme Mario Dumont, François Legault, veut rouvrir des conventions collectives, remettre en question la sécurité d'emploi, mettre les médecins au pas, instaurer des mécanismes de surveillance et de mesure de performance. Comme l'ancien chef de l'ADQ, celui de la CAQ parle de « dogmes « de « tabous «.

Il avance notamment, sans preuves ni études, que l'État pourrait économiser des « centaines de millions « en faisant le ménage à Hydro-Québec. « Ce que l'on me dit, c'est que, bien souvent, pour une réparation, on va envoyer trois ou quatre employés alors qu'un seul suffirait. Et c'est comme ça, de bas en haut «, a-t-il dit cette semaine en rencontre éditoriale à La Presse.

Même s'il rejette la privatisation des services publics, il veut revoir, comme l'ADQ, des grands pans du modèle québécois. Reste à voir si ses ambitions, comme celles de Mario Dumont, se fracasseront sur les remparts de ce modèle québécois.

Une chose est claire, toutefois, c'est que François Legault a définitivement quitté le mouvement souverainiste.

« C'est un deuil «, dit-il, ajoutant toutefois que l'article un du PQ est une des causes de l'immobilisme qu'il rêve de secouer.

« La question nationale est une des causes de l'immobilisme au Québec. Certains au PQ ont des idées, mais ne peuvent les exprimer «, conclut-il.