Curieuse situation que celle où nous nous retrouvons ces jours-ci à Ottawa: en termes médicaux, le gouvernement Harper est cliniquement mort, mais personne ne sait quand et qui le débranchera.

En attendant que la procédure finisse de venir à bout du gouvernement Harper, ce qui devrait se produire demain après-midi, cela nous donne l'occasion de nous préparer psychologiquement à une quatrième campagne électorale en sept ans.

Bon moment pour déboulonner quelques mythes et clichés tenaces en matière électorale.

1- Le prix des élections

C'est épouvantable, peut-on lire et entendre un peu partout depuis quelques jours (et chaque fois qu'il est question d'élections), l'organisation et la tenue d'élections générales coûtent 300 millions. Donc, nous dépenserons ENCORE 300 millions de fonds publics pour un scrutin qui risque, en plus, de produire le même résultat aux Communes.

Argument oiseux s'il en est un.

D'abord, 300 millions, ça représente tout juste un peu plus de 0,1% du budget annuel total du gouvernement fédéral. Rien pour conduire le pays à la faillite. Si on n'a plus les moyens au Canada de se payer des élections aux 30 mois, eh bien! abolissons les élections.

Combien de milliards a-t-on dépensé en Afghanistan et, surtout, combien de vies y a-t-on sacrifiées dans le but, c'est ce que nous dit le gouvernement, d'y instaurer la démocratie?

Un peu partout sur la planète, des citoyens se font trucider par leur propre gouvernement ou enlever, torturer et injustement emprisonner parce qu'ils osent exiger la démocratie. Nous, on trouve que c'est un luxe coûteux. Et ennuyeux, puisqu'il nous force à faire l'effort de tracer un petit x sur un bout de papier une fois tous les 18, 24, 48 mois.

Ensuite, pour la cohérence, on repassera, braves gens.

Nous avons des élections plus souvent depuis sept ans parce que NOUS élisons des gouvernements minoritaires. Or tous les sondages démontrent que les électeurs aiment les gouvernements minoritaires.

Une forte proportion d'électeurs québécois voteront de nouveau pour le Bloc aux prochaines élections dans le but premier d'empêcher les conservateurs d'obtenir une majorité. Et ils viendront geindre sur la fréquence et les coûts de nouvelles élections dans 18, 24 ou 30 mois.

Faudrait vous brancher.

On raconte même que c'est la fréquence des élections qui est directement responsable de la baisse de participation aux élections.

Celle-là, c'est la meilleure. À entendre les commentaires de certains, on voudrait élire un gouvernement minoritaire... mais pour la durée d'un mandat normal.

Et les mêmes gens reprochent à Stephen Harper de «gouverner comme s'il était majoritaire»...

2 - Il n'y aura pas de bataille électorale au Québec

Vrai, le principal champ de bataille sera en Ontario, là où le potentiel de croissance est le plus grand pour les conservateurs.

Ce qui ne veut pas dire que vous pouvez oublier le Québec.

Il ne manque que 12 sièges à Stephen Harper pour obtenir sa majorité. Chaque siège perdu au Québec (parmi les 11 qu'il détient) doit être repris ailleurs. Et plus, pour reprendre l'avantage numérique.

Si nous devions nous retrouver, au lendemain des élections, avec un Harper-majoritaire, ce sera vraisemblablement parce les conservateurs auront sauvé les meubles au Québec. À l'inverse, s'ils perdent quatre, cinq ou six sièges au Québec, la majorité risque de leur filer entre les doigts.

De plus, une percée dans l'ouest de Montréal (Larry Smith dans Lac-Saint-Louis) serait aussi importante pour les conservateurs que la victoire de Thomas Mulcair du NPD dans Outremont en 2007.

3 - Les publicités négatives ne fonctionnent pas

Faux.

On n'aime pas, d'emblée, les publicités négatives, mais si elles sont bien faites, elles sont efficaces.

Les conservateurs ont esquinté le leadership de Stéphane Dion en 2007-08 et ils ont fait mal à Michael Ignatieff depuis deux ans.

Les pubs négatives visent deux objectifs: unir et mobiliser sa base et semer le doute chez les indécis.

Bien sûr, elles sont salissantes, mais si elles ne fonctionnaient pas, pensez-vous que les partis politiques dépenseraient autant d'argent pour en diffuser?

4 - Il y a trop de sondages

Les sondages sont comme ces photos aériennes post-tsunami ou post-tremblement de terre.

C'est un état des lieux, pas la cause du désastre.

J'entends souvent dire qu'il y a trop de sondages et que ceux-ci influencent les électeurs.

Si c'est vrai, cela en dit plus long sur la paresse intellectuelle de certains électeurs que sur le pouvoir de persuasion de quelques colonnes de chiffres publiées sporadiquement par les médias.

5 - Payer le prix du déclenchement des élections

Autre thème à la mode à la veille du déclenchement d'une campagne: le parti qui provoque des élections risque d'en payer le prix.

Question: qui a provoqué les dernières élections, en 2008?

Le premier ministre Stephen Harper lui-même, lui qui avait pourtant promis de ne pas le faire et qui avait même fait adopter une loi pour des élections à date fixe. Il a été réélu, avec plus de sièges que lors des élections précédentes.

Et en 2005?

Les trois partis de l'opposition (PC, Bloc et NPD). Les conservateurs ont pris le pouvoir, le Bloc n'a perdu que 3 sièges et le NPD en a pris 10.

Une campagne électorale de 35 jours, c'est court sur le calendrier, mais sur le terrain, c'est beaucoup plus long.