Stephen Harper, notre très terre à terre premier ministre sortant, aurait-il épousé la philosophie de sa candidate dans Compton-Stanstead, une dame qui suggère de «faire confiance à l'univers», notamment pour régler ses problèmes financiers?

Chose certaine, M. Harper demande tout un acte de foi aux électeurs canadiens en leur promettant des baisses d'impôts dans quatre ou cinq ans, selon l'état des finances publiques, et en annonçant dans son programme des compressions supplémentaires de 11 milliards... sans toutefois dire où, quand, quoi (ou qui) et comment il fera ces coupes.

Ces 11 milliards s'ajoutent aux 6 milliards de réductions déjà prévus au cours des quatre prochaines années, ce qui porte à 17 milliards le total que devra trouver le gouvernement pour retrouver l'équilibre budgétaire en 2014. Gros contrat, pas de détail.

Tout ça, sans diminuer les transferts aux provinces ni sabrer les services du gouvernement fédéral, souligne M. Harper. Dans leur programme présenté vendredi, les conservateurs disent vouloir resserrer les dépenses et mettre fin au «gaspillage». Mais encore? Faites-moi confiance, répond M. Harper.

«Quiconque suggère que vous ne pouvez trouver de l'argent à Ottawa sans couper des services vitaux vit dans un monde imaginaire», a-t-il dit hier lors d'un arrêt dans une ferme d'Acton Vale.

De deux choses l'une: ou bien les conservateurs ne savent pas comment ils arriveront à sabrer 17,2 milliards de dépenses d'ici quatre ans, ou alors ils le savent fort bien, mais ne veulent trop en dire en campagne électorale, de peur d'effrayer une partie de l'électorat.

Connaissant le souci maniaque que Stephen Harper porte aux détails, je pencherais plutôt pour la deuxième hypothèse. Sans trop en dire, le chef conservateur laisse d'ailleurs entendre que la réduction du nombre de fonctionnaires sera un élément important de son plan, ce qui fera plaisir à sa base électorale. Voilà qui cadre parfaitement dans l'idéologie conservatrice: réduire la taille (et les dépenses) de l'État et privilégier les baisses d'impôts.

Le député conservateur sortant de Lévis-Bellechasse, Steven Blaney, se trouvait apparemment bien drôle hier sur les ondes de Radio-Canada en parlant d'«émondage» pour parler de l'exercice de compression à venir. Coupe à blanc aurait probablement été un terme plus approprié.

Le message qui sous-tend le programme conservateur est pour le moins paradoxal: voici un parti qui accuse ses adversaires de proposer des plans irréalistes ou irresponsables, mais qui vient de réécrire un budget déposé il y a moins d'un mois pour devancer d'un an l'atteinte du déficit zéro et pour annoncer 11 milliards de compressions supplémentaires, sans toutefois dire comment il compte s'y prendre.

On reproche souvent au NPD de manquer de crédibilité, aux libéraux d'être trop dépensiers et au Bloc d'avoir des demandes infinies, mais ceux-ci chiffrent leur programme. Vous pouvez ne pas être d'accord avec leurs calculs, leur philosophie ou leurs prévisions, mais les chiffres sont là, noir sur blanc.

Avec le programme conservateur, vous devrez apparemment vous en remettre à l'univers.

Go Habs Go!

De nos deux sports nationaux - le hockey et les élections -, on sait maintenant lequel est le plus important.

Le premier match Canadiens-Bruins, jeudi, vient de forcer le consortium des télédiffuseurs, responsable de l'organisation des débats, à devancer à mercredi l'affrontement des chefs en français.

Bonne décision. La seule possible, en fait, dans de telles circonstances. Vous ne croyiez tout de même pas que la LNH allait accepter de déplacer le match? Imaginez l'hécatombe dans les cotes d'écoute! Mon collègue du Devoir Alec Castonguay a résumé la situation en moins de 140 caractères, hier sur Twitter: «2008, débat des chefs en français: 1,4 million de téléspectateurs. 2010, premier match de la série CH-Caps: 1,2 million de téléspectateurs. Pas d'autres questions, votre honneur.»

Il est déjà suffisamment difficile d'intéresser les électeurs aux campagnes électorales...

Il faut noter que c'est Gilles Duceppe qui a été le premier à réclamer le changement de date au consortium. Pourtant, comme meneur de la course électorale au Québec, c'est lui qui a le plus à perdre dans ce débat. C'est lui qui risque de se faire chauffer le plus les oreilles.

Que les électeurs soient occupés à autre chose n'aurait pas nécessairement été une mauvaise chose pour le chef du Bloc. Mais M. Duceppe, qui, il est vrai, mène une campagne ordinaire, reste un fier compétiteur, et il veut en découdre avec ses adversaires dans ce qui sera son 15e débat.

Pour le Bloc, une bonne performance du chef permettra aussi de remobiliser une base qui semble plus molle cette fois-ci, en particulier dans certaines régions où les conservateurs demeurent compétitifs.

Dans l'ensemble, cette décision fera aussi gagner une journée de campagne aux partis. Ce ne sera pas de trop pour Michael Ignatieff, en particulier, qui va devoir accélérer la cadence et tenter de «provoquer des choses», comme on dit, justement, dans le monde du hockey.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca