Gilles Duceppe s'est moqué du sourire et de la moustache de Jack Layton, Pauline Marois a dénoncé les «centralisateurs de Toronto», Jean-François Lisée a sorti Ed Broadbent de l'ombre pour démontrer les méfaits du NPD sur le Québec et Biz, le chanteur de Loco Locass, a déclaré que le chef néo-démocrate «parle le français d'un vendeur de chars usagés» et qu'il est, au fond, un... conservateur!

Tout ça seulement au cours des deux derniers jours. Pas de doute, la famille souverainiste est dépassée par la montée forte et soudaine du NPD au Québec.

Le diable orange est aux vaches bloquistes. En fait, il conviendrait mieux de parler, comme le font certains bloquistes depuis quelques jours, d'agent orange, en référence à l'exfoliant employé par les Américains durant la guerre du Vietnam.

Les néo-démocrates, dont le chef était de passage à Montréal samedi, se pincent devant des sondages qu'ils ont eux-mêmes un peu de mal à croire.

Évidemment, ce succès inespéré du NPD au Québec fait en sorte que tout le monde porte maintenant une attention plus grande au parti de Jack Layton. Ses adversaires politiques, comme les électeurs. En y regardant de plus près, ces derniers se rendront compte que le NPD n'a ni racine ni organisation au Québec, que plusieurs candidats sont des étudiants sans expérience politique arrivés à la veille du déclenchement des élections (en d'autres termes: des poteaux) et que, aux dernières nouvelles, le NPD n'avait que 12 locaux électoraux pour 75 circonscriptions.

Quant au programme, le NDP est moins centralisateur qu'avant et il est le premier à avoir officiellement reconnu la nation québécoise, mais sur les relations fédérales-provinciales, ses positions sont évidemment plus proches de celles du Parti libéral que de celles du Bloc.

Les bloquistes ont toutefois raison d'être inquiets. La tendance à la hausse du NPD, observée un peu avant le déclenchement, se confirme à moins de 10 jours du scrutin.

Les Québécois regardent la marchandise, mais achèteront-ils? Assisterons-nous à une répétition du scénario de l'ADQ de Mario Dumont en 2003 (premier dans les sondages avant les élections, pour finir loin troisième) ou celui de l'ADQ-Dumont de 2007 (deuxième en nombre de sièges et opposition officielle devant un gouvernement libéral minoritaire)?

Les Québécois flirtent avec Layton, c'est évident, mais tromperont-ils Gilles Ducepppe après 20 ans de fidèles relations?

Ce n'est pas la première fois qu'ils y pensent, mais ils se sont toujours ravisés. Avec Paul Martin, notamment, qui semblait un bon parti, avant que les commandites et son indécision chronique ne viennent jeter le doute dans cette relation.

Peut-être que le chef du Bloc leur a donné un prétexte d'aller voir ailleurs en insistant un peu trop lourdement sur la souveraineté et le prochain référendum dans un scénario «Bloc à Ottawa-Marois à Québec».

Le discours souverainiste, c'est bien pour mobiliser les troupes souverainistes, mais cela refroidit habituellement les nationalistes mous. Or, M. Duceppe a poussé le bouchon un peu trop loin la fin de semaine dernière, sans doute euphorisé par l'ambiance du congrès du Parti québécois.

Par ailleurs, on ne peut pas dire que M. Duceppe mène une campagne particulièrement inspirante. Ni inspirée.

D'abord, le chef du Bloc dit aux Québécois de voter pour lui pour reproduire exactement ce qu'ils avaient avant, c'est-à-dire un gouvernement conservateur minoritaire. Stimulant, non?

Ensuite, Gilles Duceppe présente devant le gouvernement fédéral des demandes irréalistes, pour mieux s'offusquer du refus de celui-ci. Il est même allé un peu plus loin cette fois-ci en affirmant qu'il n'appuierait pas nécessairement un budget qui prévoirait le versement de 2,2 milliards au Québec pour l'harmonisation des taxes de vente. Pour la cohérence, on repassera.

En plus, M. Duceppe joue au père Noël en promettant tout ce qu'il ne peut concrétiser, en particulier au maire de Québec, Régis Labeaume.

Enfin, Gilles Duceppe, soumis en ce moment à une rare pression, sombre dans la mesquinerie et les attaques personnelles, signe classique de panique.

M. Duceppe n'aimera pas la comparaison, mais il ressemble, à bien des égards, à Stephen Harper. Les deux hommes n'aiment pas et ne supportent pas la contestation et l'adversité. Les deux se sont construit un petit bunker idéologique.

M. Duceppe reproche à Stephen Harper d'adopter l'attitude «My way or no way» (j'ai raison, vous avez tort) et celle du «vous êtes avec moi ou vous êtes contre moi», mais il professe lui-même le «vous êtes d'accord avec moi ou vous êtes contre le Québec». Dans les deux cas, l'espace de discussion est plutôt étroit.

Par ailleurs, on reproche beaucoup à Stephen Harper d'exercer un contrôle paranoïaque sur ses députés, sur ses candidats et sur son parti.

D'expérience, je peux vous dire que ce n'est pas mieux au Bloc québécois, tant s'en faut.

Le Parti conservateur est un one man show mené par Stephen Harper.

Le Bloc est un one man show mené par Gilles Duceppe.