Normalement, une course à la direction est un moment excitant pour un parti politique. Une occasion de renouveau, de débats et de forte visibilité médiatique.

À Ottawa, pas moins de trois partis doivent se trouver un nouveau chef. Mais outre le NPD, qui commence à s'agiter un peu, c'est le calme plat.

En fait, il n'y a pour le moment qu'un seul candidat déclaré pour trois courses à la direction. La liste s'allongera prochainement au NPD, mais c'est le silence au PLC et le désert au Bloc québécois.

Le désarroi du Bloc, réduit au statut de parti marginal avec seulement quatre députés, se comprend. Il serait étonnant, dans l'état actuel du parti, que les candidats fassent la queue pour remplacer Gilles Duceppe. Pratiquement rayé de la carte, le Bloc végète maintenant sous les 10% dans les intentions de vote et verra son financement annuel disparaître graduellement. Rien de très attrayant.

En fait, la première question que doivent se poser les bloquistes (et le mouvement souverainiste) n'est pas de savoir qui devrait remplacer M. Duceppe, mais s'il faut le remplacer, point.

Le sort des libéraux, quoique peu enviable, est moins désespéré. Le nombre de députés libéraux (34) et leur expérience parlementaire leur assurent une certaine visibilité, et le parti garde de profondes racines partout au pays. Pourtant, personne ne semble pressé de prendre la relève de Michael Ignatieff, ce qui laisse au chef intérimaire, Bob Rae, toute la place pour au moins deux ans. Visiblement, M. Rae se plaît bien à ce poste et, bien qu'il se soit engagé à ne pas se porter candidat à la direction du parti, plusieurs de ses collègues croient qu'il pourrait tenter de s'accrocher.

Bob Rae n'est pas un mauvais candidat, mais pour le renouveau, on repassera. On a l'impression pour le moment que M. Rae ne fait que combler un vide, comme un entraîneur intérimaire qui prend la direction d'une équipe déjà éliminée au milieu de la saison. Pas très dynamique. Je veux bien que les libéraux soient sonnés, mais s'ils veulent se relever, il faudrait qu'ils s'y mettent avant 2013 ou 2014.

Les stratèges libéraux font le pari que, en attendant deux ans, ils profiteront de l'élan d'une course à la direction juste avant les prochaines élections. J'ai plutôt l'impression qu'ils vont se retrouver avec un nouveau chef qui n'aura pas le temps d'imposer son autorité, de bâtir son équipe et de se faire connaître des électeurs. Les parcours de Stephen Harper et de Jean Chrétien au fédéral, de même que celui de Jean Charest à Québec, démontrent qu'il vaut mieux, parfois, donner du temps au temps.

De toute façon, la question de la succession libérale ne se pose pas pour le moment puisque personne n'a manifesté d'intérêt pour le poste. Justin Trudeau n'est pas prêt, Denis Coderre lorgne plutôt du côté de la mairie de Montréal, Dominique Leblanc n'est pas pressé, Ralph Goodale ne parle pas français...

La course est bel et bien lancée au NPD, toutefois, avec l'entrée fracassante de Brian Topp, qui a reçu la bénédiction d'Ed Broadbent. Dans notre univers politique, aucun autre ancien chef n'exerce un tel ascendant moral sur ses troupes (en fait, la plupart des anciens chefs ne sont plus «montrables»).

Cet appui de M. Broadbent (qui avait aussi appuyé Jack Layton en 2002) procure déjà à Brian Topp une longueur d'avance devant son rival présumé, Thomas Mulcair. Double coup dur pour M. Mulcair, l'appui de sa collègue Françoise Boivin à Brian Topp.

En fait, plus que cet appui en soi, c'est la raison évoquée par Mme Boivin qui risque de faire mal à Thomas Mulcair.

«Je pense que le parti a besoin de quelque chose d'un petit plus extérieur au Québec, au moment où on se parle», a-t-elle expliqué.

Traduction libre: un chef du Québec avec un contingent de 59 Québécois dans un caucus de 102 députés, ça ferait un peu trop... québécois pour un parti qui a des racines partout sauf au Québec.

Cette logique se défend. Les militants du NPD sont ravis du triomphe de leur parti au Québec, mais ils ne sont pas prêts à une prise de contrôle québécoise.

Brian Topp est, si je suis le raisonnement de Françoise Boivin, juste assez québécois (né à Longueuil, bilingue, des états de service ici), tout en ayant ses entrées partout ailleurs, dans les ailes provinciales du NPD et auprès des syndicats. Un profil qui ressemble, finalement, à celui de Jack Layton. Ça se défend aussi.

La personnalité de M. Topp se rapproche aussi davantage de celle de Jack Layton, dont il était un conseiller, même un confident. En comparaison, Thomas Mulcair est plutôt abrasif et il dégage une image de politicien plus «traditionnel».

Chose certaine, les conservateurs prennent déjà Brian Topp au sérieux. S'invitant sans scrupule dans la course à la direction d'un autre parti, il ne leur a fallu que quelques heures, lundi, pour lancer leurs premières attaques contre le candidat Topp.

Selon les conservateurs, Brian Topp est le «candidat des grands syndicats» et ne peut prétendre «parler au nom de tous les Canadiens», en plus d'être l'un des artisans du projet de coalition avec les «séparatistes».

Les courses à la direction mettent du temps à démarrer chez les partis de l'opposition, mais les conservateurs, eux, n'ont apparemment rien perdu de leur pugnacité.