L'éventuel témoignage du chef de l'Unité anticollusion (UA), Jacques Duchesneau, devant une commission parlementaire aurait au moins le mérite de le sortir du profond mutisme dans lequel il s'est enfermé, mais, sur le fond, il ne faudrait pas s'attendre à des révélations-chocs.

Si Jean Charest se montre aussi ouvert à la convocation de M. Duchesneau devant la Commission de l'administration publique, c'est parce qu'il sait fort bien qu'il n'y a pas beaucoup de risques à tenir un tel exercice. De plus, il pourra répéter que son gouvernement fait tout ce qu'il peut pour faire le ménage.

Notez toutefois la contradiction: la semaine dernière, Jean Charest et ses ministres Pierre Moreau et Robert Dutil disaient que la fuite du rapport Duchesneau était nuisible aux enquêtes en cours, mais le premier ministre dit maintenant qu'il est favorable au témoignage du chef de l'UA devant les parlementaires. Il faut dire qu'entre-temps, M. Charest a lu le fameux rapport, ce qui lui permet maintenant de conclure qu'«il y a là-dedans des informations qui font l'objet d'enquêtes et qui sont très inquiétantes lorsqu'elles sont exprimées comme ça».

M. Duchesneau pourrait témoigner, donc, mais «avec des balises», précise M. Charest, sachant fort bien que les députés de son parti sont majoritaires au sein des commissions parlementaires.

M. Charest sait que Jacques Duchesneau n'ira pas torpiller son propre travail en déballant son sac, ses méthodes et ses sources à l'Assemblée nationale. Les cas concrets et documentés, ceux qui sont maintenant entre les mains de la police, ne seront donc pas étudiés par la commission parlementaire.

Alors, à quoi bon réclamer la comparution de Jacques Duchesneau, comme l'ont fait le PQ et l'ADQ pendant la fin de semaine? Pour maintenir la pression sur le gouvernement, évidemment. L'occasion est trop belle, les partis de l'opposition, en particulier le PQ, ne lâcheront pas le morceau.

La stratégie idéale pour le PQ, c'est de transformer Jacques Duchesneau en une espèce d'Eliot Ness, le bon flic redresseur de torts qui se heurte au «système».

Dans le climat actuel de suspicion et d'écoeurement de la population, il y a fort à parier que les propos du grand patron de SNC-Lavalin, Pierre Duhaime, creuseront encore un peu plus le fossé entre la majorité qui réclame une enquête publique et le gouvernement qui n'en veut pas. En fait, M, Duhaime reprend exactement les positions de Jean Charest: une commission d'enquête est inutile, le rapport Duchesneau fait des «allusions», le gouvernement a la situation bien en main et les mécréants seront mis en prison.

Il sait des choses qu'on ne sait pas, M. Duhaime, ou il a hâte qu'on change de sujet?

Pauline Marois, elle, profitera plutôt de la rentrée parlementaire pour continuer de taper sur le clou en déposant à l'Assemblée nationale une motion réclamant une enquête publique.

C'est de bonne guerre. Mme Marois pousse toutefois un peu loin le bouchon en demandant aux libéraux un vote libre, elle qui a accueilli plutôt froidement les propositions récentes de certains de ses députés qui proposaient un allègement de la ligne de parti. Si Mme Marois était à la place de Jean Charest, autoriserait-elle un vote libre qui lui ferait perdre la face?

Par ailleurs, Mme Marois traite plutôt légèrement la question des dons de firmes de génie-conseil lorsqu'elle en est la bénéficiaire. La semaine dernière, la chef du PQ a affirmé péremptoirement que les nombreux et généreux dons de firmes de génie-conseil à sa course à la direction du PQ en 2007 n'étaient pas «pertinents» puisqu'elle n'était pas au pouvoir. Come on!

«Nous n'étions pas au pouvoir, ce n'est pas pertinent», a-t-elle répondu. Pardon? Au contraire, c'est tout à fait pertinent puisque cela démontre que ces firmes arrosent tout le monde, question de cultiver leurs contacts privilégiés qui pourraient servir un jour. Pauline Marois pense-t-elle que de puissantes firmes lui donnaient de l'argent pour ses beaux yeux ou par amour de la démocratie?

Pourquoi certains acteurs du monde de la construction donnaient-ils du fric à Benoît Labonté lorsqu'il était candidat à la mairie de Montréal? Au cas où...

Pourquoi les firmes de génie-conseil, les bureaux d'avocat sou les pharmaceutiques donnaient-ils si généreusement aux candidats à la succession de Jean Chrétien, il y a quelques années? Au cas où...

Pourquoi Paul Martin, qui était certain de remplacer M. Chrétien, récoltait-il des millions auprès des entreprises?

Ce ne sont pas des dons, ce sont des placements. Ce n'est pas un hasard si les courses à la direction des partis sont maintenant couvertes par la Loi régissant le financement des partis politiques, à Ottawa comme à Québec.

Pauline Marois ne peut sérieusement réclamer une enquête publique et s'auto-exclure lorsqu'on sait que les firmes de génie-conseil ont généreusement financé sa propre campagne.