Certains, dont des membres de l'opposition à Québec, se sont inquiétés récemment de l'impact de nos «affaires» sur la réputation du Québec à l'étranger.

C'est vrai qu'ici, le diable est aux vaches, mais inutile de s'inquiéter pour notre réputation ou pour nos relations commerciales.

Pensez-vous vraiment que les Chinois, avides de richesses naturelles, ou que les New-Yorkais, branchés sur notre hydro-électricité, se formaliseront vraiment de nos petites histoires? La Chine, en particulier, qui n'est pas exactement un modèle de transparence ni de démocratie.

Jean Charest était à New York en début de semaine dans le cadre de Climate Week, notamment pour y vanter, avec raison, l'excellent bilan environnemental du Québec. Pensez-vous que l'ancien premier ministre britannique, Tony Blair, ou que le maire de New York, Michael Bloomberg, sont allés voir M. Charest en lui disant: «Poor Jean, I heard you have to deal with a huge crisis in Kwébec. How sad, we might have to stop doing business with you guys...» ?

Non, évidemment. Ce n'est pas à l'image du Québec à l'étranger que nous faisons du mal, c'est à nous, ici, au Québec, entre nous. On se gratte le bobo à nous, et c'est malsain.

Je n'ai pas la prétention de faire comprendre, finalement, à Jean Charest qu'il faut, qu'il doit déclencher une enquête publique pour le bien commun, mais si un élément devrait préoccuper le gouvernement plus que tout autre ces temps-ci, c'est la détérioration constante de la confiance envers nos institutions publiques. Et je ne parle pas ici du Parti libéral du Québec (quoique Jean Charest devrait aussi se préoccuper de la réputation de cette grande institution), mais bien de nos grandes institutions publiques, tels l'Assemblée nationale, les ministères, les sociétés d'État et, plus généralement, de notre régime démocratique.

Avez-vous vu ou entendu les publicités du Syndicat canadien de la fonction publique, représentant les syndiqués d'Hyro-Québec? Difficile à manquer, la campagne publicitaire à la télé et sur internet (elle est bien en évidence sur cyberpresse) critique le choix d'Hydro-Québec d'acheter de nouveaux compteurs électriques au coût de 1 milliard de dollars. La pub se termine par cette phrase: «Qui gagne quoi à ce jeu-là?»

Dans le contexte, on pense tout de suite: qui se graisse la patte? Qui tire profit d'un tel contrat? Est-ce qu'on en a pour notre argent?

Voilà où nous en sommes: chaque fois qu'un contrat gouvernemental est accordé, chaque fois que de l'argent public est en jeu, les mêmes questions surgissent: est-ce un contrat «réglo», paye-t-on trop cher, à qui les extras profitent-ils, qui se graisse la patte au passage?

Des problèmes dans l'attribution de places en garderies subventionnées? Quelle organisation en profite? Des dépassements de coûts dans des travaux publics? Qui s'en met plein les poches? Des contrats en informatique? Paye-t-on le juste prix?

Et, surtout, cette question lancinante: est-ce que les dépassements de coûts, les extras, les contrats de gré à gré ne servent-ils pas à garnir, par ricochet, les coffres du Parti libéral?

Dans ce climat malsain, tout le monde balance à la tête du gouvernement des épithètes comme «mafieux», «corrompu», «pourri», comme si cela était naturel. Dans ce climat, bien des gens croient que le salaire du chef du Parti libéral a été financé, en partie, par de l'argent sale (les 75 000$ par année que Jean Charest a touchés pendant 10 ans).

Dans ce climat, bien des Québécois ont des doutes sur l'intégrité de la direction ou des fonctionnaires du ministère des Transports.

Dans ce climat, tout le monde au Québec parle, comme si cela était des faits acquis, des «extras» aux entrepreneurs et aux firmes de génie-conseil, des firmes amies du régime, des rapports secrets, de la corruption, du crime organisé, des bakchichs, bref nous sommes en train d'officialiser la république-de-bananisation du Québec.

Tout ça sur fond de cohue à l'Assemblée nationale, où gouvernement et opposition jouent la «game».

Le premier ministre s'enferme dans le déni et la chef de l'opposition revient à de prévisibles et vaines tactiques en réclamant la démission de celui-ci.

Amir Khadir, député solitaire de Québec solidaire, aura réussi, une fois de plus, à tirer son épingle du jeu.

C'est lui, en effet, qui s'est présenté avec les députés indépendants de l'Assemblée nationale (ex-PQ et ex-ADQ), mardi, pour réclamer un débat d'urgence sur la nécessité de déclencher une enquête publique. Un rare geste constructif, rassembleur et respectueux de la volonté populaire.

C'est ça, faire de la politique autrement.