Mon collègue Gilbert Lavoie avançait dans Le Soleil de samedi que Jean Charest partira dans les premiers mois de 2012. Bonne chronique de mon confrère, une chronique punchée, comme on dit dans le jargon journalistique, mais je n'ai trouvé personne en trois jours de congrès libéral à Québec qui partage cette hypothèse.

Personne même qui le souhaite. Malgré les déboires des derniers mois, les mauvais sondages et les reculs aussi spectaculaires qu'embarrassants, les libéraux sont heureux avec leur chef, ils sont prêts à repartir à la guerre avec lui et ils sont persuadés qu'il sera là pour la prochaine campagne.

Quiconque ne connaît pas bien le Parti libéral, quiconque n'a jamais assisté à ses instances sera nécessairement renversé par les images d'ovations et de traitement de rock star réservés à Jean Charest par ses militants.

Pas le moindre remous à cause des contorsions de Jean Charest et de ses ministres autour de la commission Charbonneau parmi les 2500 militants. Ils ont lâché un gros ouf! lorsque leur chef a amorcé le recul dans son discours de vendredi soir, mais personne n'est revenu officiellement sur le sujet, même si subsistent de sérieuses questions sur les pouvoirs réels et la formule de cette commission.

En fait, les quelques libéraux qui m'en ont parlé voulaient d'abord savoir ce que j'en pensais et, surtout, si je croyais que ce serait suffisant pour calmer l'opinion publique.

On dit souvent que les libéraux sont disciplinés et que le PLQ est davantage un parti de pouvoir qu'un parti d'idées. On en a eu la preuve, encore une fois, cette fin de semaine. On sait aussi que la contestation du chef n'est pas dans les habitudes de la maison.

Il est tout de même un peu surréaliste de voir plus de 2000 personnes se lever d'un bond pour applaudir Jean Charest qui accuse François Legault de changer d'idée trop souvent, alors qu'il venait lui-même d'effectuer un virage à 180 degrés sur les pouvoirs de la commission Charbonneau.

Surréaliste aussi de constater que les libéraux, à commencer par les très nombreux avocats qui militent dans ce parti, semblent parfaitement à l'aise avec cette commission d'enquête mal foutue et pas tout à fait indépendante qui devra elle-même demander au gouvernement les pouvoirs dont elle a besoin pour remplir son mandat.

Les libéraux aiment leur chef. Et celui-ci aime son job, il a pris soin de le dire haut et fort, ajoutant même hier que son travail n'est pas fini. Foi de Jean Charest, il sera là pour inaugurer le CHUM!

Je comprends les arguments avancés par mon collègue du Soleil, mais aucun indice ne laisse présager une sortie de scène prochaine de Jean Charest. Au contraire, son entourage se prépare pour la prochaine bataille électorale et se rassure en rappelant les victoires récentes des premiers ministres sortants en Ontario (Dalton McGuinty) et au Manitoba (Greg Selinger), qui semblaient condamnés il y a quelques mois à peine.

«Ce que ça veut dire, c'est qu'il ne faut jamais sous-estimer ses adversaires, même quand ils sont au plancher, même quand tout le monde dit qu'ils sont finis», m'a glissé un proche conseiller de Jean Charest.

S'ils sont disposés à suivre leur chef, envers et contre tous, dans une prochaine campagne électorale, les militants libéraux sont visiblement moins pressés que les dirigeants de leur parti à adapter leur programme pour répondre à la menace que représente François Legault.

Hier, après de longues délibérations, ils ont repoussé à plus tard les débats sur les compressions majeures dans le budget des commissions scolaires et sur l'évaluation des écoles, deux sujets de prédilection de François Legault, récupérés avec enthousiasme par la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp.

Rebuffade au gouvernement. Pas tout à fait. Les militants libéraux n'ont pas rejeté les résolutions, ils les ont pelletées par en avant, visiblement dépassés et bousculés par les propositions mises de l'avant par François Legault.

Conclure que le PLQ est soudainement devenu un club de contestataires serait largement exagéré.

Un contre-exemple: samedi après-midi, les militants ont adopté une résolution demandant au gouvernement de revoir son régime de redevances minières. Le ministre des Finances Raymond Bachand a immédiatement annoncé aux journalistes qu'il était hors de question de respecter cette résolution et le président de la commission politique du PLQ, Saul Polo, a réglé le dossier en moins de 140 caractères, affirmant que le parti propose et que le gouvernement dispose.

Fin du débat. Pas un mot, pas un murmure dans la grande salle bondée de militants. On passe à un autre appel...