Pauline Marois et Jacques Martin ont deux choses en commun: ils sont en sursis, mais une victoire inespérée hier soir leur permet d'être toujours en poste ce matin.

Cela ne veut surtout pas dire qu'ils resteront en poste encore longtemps. L'entraîneur du Canadien est en mauvaise en posture, mais ses joueurs veulent encore jouer pour lui, ce qui n'est pas le cas de Mme Marois.

Bernard Landry a longtemps regretté d'avoir démissionné impulsivement, en juin 2005, après avoir reçu un vote de confiance décevant (76%) des militants du Parti québécois, mais au fond, il a bien fait ce jour-là de suivre son instinct.

Vieux routier au sein d'un parti turbulent, M. Landry a assisté de près au supplice infligé à ses prédécesseurs, que ce soit René Lévesque, Pierre Marc Johnson ou Lucien Bouchard. Il savait que le même sort l'attendait, eût-il décidé de s'accrocher.

Son successeur, André Boisclair, a d'ailleurs connu lui aussi une fin abrupte, chassé par un caucus en déroute, après avoir été réduit au statut de troisième parti à l'Assemblée nationale.

Le même sort attend-il inexorablement Pauline Marois? Sans doute, même si les circonstances de la crise au sein de son caucus ne sont pas exactement les mêmes que celles ayant provoqué l'éjection d'André Boisclair.

Cette fois, le caucus du PQ n'est pas traumatisé par une défaite historique, mais plutôt terrorisé à l'idée d'en subir une encore pire.

Les péquistes sont dans le même état d'esprit que les libéraux fédéraux sous Stéphane Dion, en 2007-2008, et sous John Turner en 1984: ils savent qu'ils se dirigent vers une dégelée avec un chef impopulaire et souhaitent son départ avant le déclenchement de la prochaine campagne. On pourrait ajouter André Boisclair à cette liste de généraux désavoués par leur troupe avant le combat, lui qui avait été contesté avant les élections de 2007. Dans ces trois cas, les chefs se sont accrochés et on connaît le résultat. Rares sont les exemples de chefs politiques qui arrivent à triompher auprès de l'opinion publique alors qu'ils sont ouvertement critiqués, voire défiés, par leur propre parti.

Voilà la situation désagréable dans laquelle se retrouve Pauline Marois. Peut-elle rester, comme MM. Turner, Boisclair et Dion, jusqu'aux prochaines élections? J'en doute.

La démission de cinq députés (Pierre Curzi, Louise Beaudoin, Lisette Lapointe, Jean-Martin Aussant et Benoît Charrette) ont déjà fait mal à Pauline Marois au cours des derniers mois. Cette nouvelle crise d'angoisse au sein du caucus ne peut qu'aggraver les choses. C'est encore pire, puisque les contestataires sont toujours à l'intérieur, et que tout le monde sait qui ils sont. Bonjour l'ambiance. Normalement, un chef ne peut tolérer l'insurrection et doit sévir, mais Mme Marois ne peut se permettre de perdre de nouveaux députés.

Pauline Marois n'est pas encore partie, mais ce regain de panique au PQ pose deux questions: d'abord, qui peut la remplacer? Ensuite, question beaucoup plus existentielle, est-ce que c'est le parti ou l'option qui rebute les électeurs?

Les candidats possibles sont connus: Pierre Curzi, député démissionnaire du PQ, grands tribuns et personnage hautement charismatique; Bernard Drainville, ex-journaliste, personnage passionné et entier, très populaire parmi les militants; Gilles Duceppe, ancien chef du Bloc québécois, qui a mené le combat pendant des années à Ottawa et qui pourrait être tenté par un retour en politique, à Québec.

En ce moment, et depuis plusieurs mois, l'humeur électorale est vraiment au changement, très peu à la souveraineté, encore mois au PQ et certainement pas favorable à Pauline Marois.

Mais est-ce vraiment la faute de Pauline Marois? À son image de bourgeoise hautaine (ce qu'elle n'est pas)? À sa personnalité? Au fait qu'elle soit une femme?

Je persiste à croire que les femmes ont la vie plus dure en politique au Québec que les hommes. Par ailleurs, j'ai entendu et lu suffisamment de commentaires déplacés sur la «fortune de Pauline» ou sur son «château» pour conclure qu'on tolère plus facilement, au Québec, un duo de millionnaires (François Legault et Charles Sirois) qu'une femme argentée.

Comment explique-t-on qu'«elle ne passe pas», comme on dit dans son propre caucus?

À moins que ce soit l'«option» qui ne passe pas, et non sa porte-parole... Le dilemme reste entier pour le PQ ce matin.