C'était la journée des rapprochements, hier, au Parti québécois: début de rapprochement du PQ vers Québec solidaire, Gilles Duceppe s'est rapproché de la direction du PQ et Pauline Marois s'est rapprochée de la porte.

Il y a quatre ans, peu de temps après avoir hérité de la direction du PQ, Mme Marois avait demandé à ses conseillers leur évaluation de Québec solidaire et leur pronostic sur ce parti naissant. On lui avait alors répondu que QS est «un petit bouton», comme un petit bouton sur le nez, visible, certes, et un peu gênant, mais plutôt inoffensif puisqu'il resterait petit.

Il semble que l'évaluation faite par le PQ de Québec solidaire ait changé quelque peu, au point où un rapprochement formel serait même envisageable, selon un communiqué publié hier.

On y apprend, notamment, que Mme Marois a demandé à son équipe d'étudier les «pistes de rapprochement» et les avantages et inconvénients d'une telle démarche.

«Plusieurs membres du caucus intéressés par ces questions ont été informés de la tenue de cette analyse et, par le biais de contacts informels, l'intérêt que porte Pauline Marois à cette question a été transmis à Québec solidaire», ajoute-t-on.

En conclusion du communiqué: «L'objectif de la démarche est d'avoir le plus grand nombre de députés souverainistes à l'Assemblée nationale», ce qui laisse clairement entendre que la porte est ouverte à une forme d'alliance avec les autres formations souverainistes.

De toute évidence, Mme Marois et son entourage n'ont pas informé le député Bernard Drainville de l'approche faite auprès de QS, lui qui plaide seul depuis quelques jours pour un tel rapprochement, au grand dam de certains de ses collègues, qui lui reprochent de miner le leadership de Pauline Marois. Encore mardi, M. Drainville a invité son parti à débattre de la question, malgré les réticences de Mme Marois.

La question d'une alliance ou d'un pacte des forces souverainistes-progressistes a aussi été discutée ces dernières semaines entre Pierre Curzi, député indépendant qui a quitté le PQ en juin, et les deux chefs de QS, Françoise David et Amir Khadir.

«Il faut réunir les souverainistes-progressistes parce que la fragmentation risque de nous coûter cher aux prochaines élections, dit Pierre Curzi. Il y a une ouverture réelle à Québec solidaire et si tout le monde y trouve son compte, c'est faisable.»

Théoriquement, une alliance entre le PQ, QS et même Option nationale de Jean-Martin Aussant, est intéressante (mathématiquement aussi, puisque les souverainistes additionneraient leurs voix plutôt que de les diviser). C'est dans la pratique que ça se complique.

D'abord, s'agit-il seulement d'une alliance stratégique électorale ponctuelle ou d'une réelle fusion politique durable? Comment répartir les sièges? Comment former, éventuellement, un gouvernement à partir d'une telle coalition? Comment écrire un programme commun?

Les véritables alliances sont plutôt rares dans notre tradition politique. Comme m'a déjà dit Jack Layton, à propos d'une alliance entre le NPD et le PLC: «Les vraies fusions n'existent pas, il y a toujours un parti qui avale l'autre.»

On dit, par exemple, que l'ADQ fusionne avec la CAQ, mais dans les faits, elle s'y dissoudra. Même chose, il y a plus de 40 ans, lorsque le RIN s'est fondu dans le plus grand bassin du PQ. Québec solidaire est né de la fusion d'Option citoyenne et de l'Union des forces progressistes, mais il s'agissait de deux nouveaux partis qui ne comptaient aucun élu.

Au fédéral, Stephen Harper a réussi à réunir la droite au sein d'un nouveau parti, mais il s'agissait en fait de la renaissance du Parti conservateur.

Un autre problème se dresse sur le chemin d'une union PQ-QS: les inimitiés personnelles entre adversaires politiques péquistes et solidaires et le mépris mutuel entre les deux partis. Les gens de QS accusent en effet les péquistes d'être condescendants à leur endroit.

Le fait que Pauline Marois entrouvre une porte vers une alliance démontre que le PQ se sent plus que jamais menacé. Mme Marois aussi. Avec une détermination peu commune, elle a résisté, mais la nouvelle fronde qui se dessine en vue du conseil général de la semaine prochaine est la plus sérieuse qu'elle a dû affronter à ce jour. À moins d'orchestrer une nouvelle manifestation d'unité de son caucus, des organisateurs et des militants, elle risque de ne pas sortir indemne de ce grand rassemblement.

Mme Marois devait déjà gérer la contestation ouverte de certains militants et les critiques de quelques députés, voilà que réapparaît l'ombre de Gilles Duceppe.

Le nom de M. Duceppe circule depuis sa défaite aux élections fédérales, en mai dernier, mais il a toujours nié vouloir le job de Mme Marois. Il a même signé en novembre une lettre demandant aux militants de laisser Pauline Marois travailler.

«Personne n'est mieux préparé que toi. Tu as toute la légitimité, l'expérience et la détermination pour y arriver. Au cours des derniers mois, tu as fait preuve d'un courage exceptionnel, une qualité fondamentale pour qui aspire à diriger le Québec et le mener vers sa pleine liberté politique», disait même la lettre.

Hier, pas d'acte de foi de M. Duceppe à l'endroit de Mme Marois. Le poste de Mme Marois l'intéresse-t-il? «Pas de commentaire.»

«J'ai confiance que les militants du PQ et leur chef prendront les bonnes décisions pour l'avenir du Québec», a-t-il répété à plusieurs médias.

Gilles Duceppe aurait voulu inciter les péquistes à réévaluer leur vote de confiance accordée à leur chef en avril qu'il n'aurait pas su mieux dire...