Quiconque a suivi les travaux du Conseil national du Parti québécois, le week-end dernier à Montréal, a constaté que ce parti est traumatisé par les crises, les défections et la débâcle de son allié bloquiste.

Certains militants ont d'ailleurs admis publiquement qu'ils étaient encore sous le choc des événements des derniers mois. Visiblement, le choc post-traumatique est sérieux, à en juger par certaines propositions qui ont été adoptées.

Ainsi, les péquistes ont décidé qu'un gouvernement du PQ «abaissera l'âge légal des électeurs à 16 ans après le renforcement du programme d'enseignement de l'histoire nationale et d'éducation à la citoyenneté».

Bien d'accord avec l'idée de sensibiliser les jeunes aux choses publique et politique et avec celle de leur enseigner notre histoire, mais j'aurais biffé les huit premiers mots de cette proposition.

Faire voter des enfants de 16 ans? C'est parfaitement absurde.

À 16 ans, on est encore un enfant aux yeux de la loi... et aux yeux du gros bon sens. Pas un bébé, mais un grand enfant, sous la responsabilité de ses parents et sous protection spéciale de l'État. Et même après avoir suivi le meilleur cours d'histoire et après avoir été sensibilisé aux devoirs citoyens, ils seront encore des enfants.

On ne fait pas pousser les fleurs en tirant dessus, pas plus qu'un enfant ne devient soudainement adulte parce qu'on lui donne le droit de vote.

De plus, cette proposition ouvre béante la porte à une suite logique en théorie, mais tout à fait déraisonnable en pratique. En accordant le droit de vote aux jeunes de 16 ans, on leur accorde la «qualité d'électeur», si bien qu'ils pourraient théoriquement se présenter comme candidats. Des candidats de 16 ans aux élections? Ce n'est pas sérieux.

On a beaucoup entendu l'argument du permis de conduire de la bouche des défenseurs du vote à 16 ans. Si un jeune de 16 ans peut conduire, il peut donc voter, a dit notamment le député Stéphane Bergeron, qui a commodément oublié de dire que les jeunes conducteurs sont soumis à de sévères restrictions pendant leurs années d'apprentissage. Pas plus qu'il n'a rappelé que les jeunes conducteurs sont grossièrement surreprésentés dans les accidents de la route causant des lésions corporelles.

À 16 ans, on est plus téméraire, moins sage, c'est parfaitement normal. Il faut que jeunesse se passe.

Cette proposition souffre également d'un grave manque de cohérence.

Les péquistes, comme les autres partis à l'Assemblée nationale, critiquent, avec raison, la décision du gouvernement conservateur de juger des mineurs comme des adultes, justement parce que, à 16 ans, on est encore un enfant aux yeux de la loi et aux yeux du gros bon sens.

Les conservateurs pourront fort bien répliquer aux péquistes: «Si un jeune de 16 ans est assez vieux pour voter, eh bien! il l'est assez pour aller en prison.»

Au-delà des arguments juridiques, c'est l'admission, par certains militants, que l'abaissement de l'âge du vote sera bénéfique au PQ qui mine le plus cette proposition.

Il y a là-dedans un fort relent d'électoralisme primaire. Tout le contraire, en tout cas, de l'intention du PQ de faire de la politique autrement.

Duceppe: un avis tardif et partiel

Lorsque l'«affaire Duceppe» a éclaté, l'ancien chef du Bloc a affirmé qu'il avait suivi les règles des Communes et avait même sollicité à l'époque l'avis des experts de la Chambre pour s'en assurer.

Personne n'a vu, à ce jour, les avis en question, mais M. Duceppe a présenté lundi un avis juridique rendu a posteriori par Me François Gendron.

Cet avis reprend essentiellement la défense initiale de Gilles Duceppe, à savoir qu'il a suivi la règle qui permet l'utilisation des budgets parlementaires pour des activités partisanes.

Me Gendron écrit notamment: «Si l'examen du texte en donne une signification raisonnable, on doit normalement s'y arrêter. Le texte est clair; l'intention du législateur apparente; on s'y tient.»

En gros: ce n'est pas expressément interdit, donc c'est permis.

Cette conclusion a fait sursauter le doyen de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, Sébastien Grammond, qui souligne que Me Gendron a déjà fait une mise en garde, dans un livre publié en 2002, contre l'usage de la «règle du texte clair», qui n'est qu'«illogisme, arbitraire, paradoxe, illusion».

«On ne peut pas exclure l'interprétation d'un texte dans son contexte sous prétexte que le texte est clair, ce n'est pas raisonnable, dit Sébastien Grammond. On ne peut exclure l'esprit et s'en remettre seulement à la lettre.»

Par ailleurs, l'avis présenté par M. Duceppe ne mentionne le cas que d'un seul ancien directeur général du Bloc, alors que d'autres employés ont été payés à même les budgets parlementaires.

Cela dit, M. Grammond, comme bien d'autres, constate que ce règlement des Communes n'«est pas un chef-d'oeuvre de clarté» et ajoute que le comité de régie interne aurait intérêt à l'éclaircir.

Pour ma part, plus je suis cette histoire, plus je suis d'accord avec l'idée de permettre au vérificateur de mettre son nez dans les budgets parlementaires.